31 octobre 1996 : naissance de Daeul, un petit garçon en parfaite santé - son premier cri arrache à sa mère un sourire plein de bienveillance. 31 octobre 1997 : premier anniversaire, mais face aux déguisements inquiétants des convives, ses jambes trouvent la force se supporter ses sept kilogrammes huit et le voilà en train de faire ses premiers pas en larmes, effrayé, vers sa mère essayant de ne pas rire. Un premier traumatisme. mars 2002 : sa mère poussant la porte de l'école maternelle, le petit garçon ressemblant à un canari jaune de par son uniforme fait face aux autres enfants de son âge. Lui qui a l'habitude d'être gardé par les Noona du quartier, rejoint sans hésiter ses futurs camarades après avoir embrassé bruyamment la joue de la mère. juin 2007 : dernière classe de primaire, première sortie scolaire, alors qu’il participait à une petite randonnée en montant les marches menant vers un temple, il rattrape une camarade qui allait tomber et chute à sa place. Même lorsqu’on lui retire le plâtre de son bras, il continue à écrire de la main gauche. 2010 : il suit ses amis et boit pour la première fois du café, il finit à l'hôpital quasi-inconscient. Désormais pour lui, ce sera double shot de lait au Starbucks du coin. 2012 : ce n'est pas la première fois qu'il s'interpose en voyant un bizutage, mais c'est la première fois qu'il finit avec le nez en sang. Il a presque cru voir des étoiles. janvier 2017 : dressant la table pour préparer à fêter le nouvel an lunaire, un homme apparaît derrière sa mère. Avant même qu'elle ne le présente, il le sait déjà : il s'agit de son père. Une rencontre inattendue, il peut enfin mettre un visage sur une ombre qui n'a cessé de le hanter. Il sourit mais sans vraiment le faire. 《 Au revoir, Ahjussi 》. décembre 2017 : suite au décès subite de sa mère auquel il assiste, il décide de faire son service militaire dès la fin des examens. Demandant volontaitement le Corps de la Marine, il espère que la difficulté anesthésira sa douleur. octobre 2019 : il est revenu, fidèle à lui-même, souriant et plein d'entrain.

L'heure tournait, il devait partir s'il ne voulait pas s'attirer les foudres de son amie. Pourtant, il n'arrivait pas à se résoudre de tourner la poignée de la porte de sa chambre, car il ne pouvait réprimer cet espoir qui l'habitait encore. C'était plus fort que lui, sa raison se floutait à chaque fois, mais il finissait toujours plus blessé. Inspirant profondément et expirant lentement, il ouvra la porte.

- « Tu sors, ahdeul ? Pourrais-tu acheter une ampoule en rentrant, celle du couloir a encore grillé. Je crois même que celle de la salle de bain ne va pas tarder non plus à mon avis ... »

Il lève le regard vers le plafonnier avant d'esquisser un demi-sourire presque amusé. Cela faisait un moment qu'il se disait qu'il devait le faire mais à chaque fois il finissait par oublier. Soit il se laissait distraire par les nombreux rayons de la supérette, soit il n'avait pas assez sur lui et ne pouvait renoncer à un de ses achats, soit cela ne lui revenait que lorsqu'il était déjà sorti. Il y avait toujours une raison qui faisait qu'il rentrait bredouille et embêté. Alors qu’elle agite sa main devant son visage comme pour dissiper ses pensées, le jeune homme baisse le regard et observe sa mère. S’il est habituellement bavard, il ne lui répond qu’en acquiesçant d’un hochement de tête, il n’oubliera pas de le faire cette fois.

Il avance, l’heure tourne. Il a envie de rester, mais il risquait de voir son amie se transformer en l’un de ses héros de Marvel, soit l’adorable Hulk.

- « Tu devrais manger un peu avant de sortir, tu vas avoir faim. Tu sais quoi, attends un instant, je vais te découper quelques pommes, ça ne va pas prendre longtemps »

Son regard ne se détache pas un instant de la silhouette bien occupée de sa mère qui disparaît dans la cuisine pour prendre deux pommes du panier à fruit, une assiette et un couteau, avant de revenir et aller s’asseoir au salon. Plutôt que de s’assoir sur le sofa, elle se met en tailleur sur le parquet et sur la table basse qui lui fait face la petite assiette. Il n’a pas besoin qu’elle lui dise quoique ce soit pour qu’il s’exécute. Il s’approche et cale sa tête sur sa jambe quand elle lui tapote la place à côté d’elle. C’était toujours ainsi, une vilaine habitude. Elle le gâtait et il continuait à faire l’enfant. Il le faisait quand elle découpait des fruits, mais également lorsqu’ils regardaient la télévision ou plus exactement, qu’elle regardait ses dramas et que lui était concentré soit à lire, soit loucher sur son téléphone.

Cela lui avait manqué.

… 설렌다 me likey
Me likey, likey, likey
Me likey, likey, likey..

Il sursaute en entendant la sonnerie de son téléphone. Il réalise qu'il s'était encore assoupi et qu'elle l'avait encore visité. Cette routine qu'il pensait être éternelle s'était arrêtée. Elle n'existait plus que dans ses souvenirs.

- « Non je n'ai pas oublié, j'arrive. Ne revends pas ma place... ! »

Les images défilent, l'histoire se déroule.
Il rit sans pouvoir retenir ses larmes.
Il pleure sans avoir à contenir ses larmes.
Il regarde avec ce pincement de cœur.

Posant sa tête sur l'épaule de sa meilleure amie sans lui demander une quelconque autorisation, il se permet de fermer les yeux un moment. L'entendre rire, respirer, sentir sa chaleur lui suffit à retrouver un semblant de repos, de réconfort. Il n'est pas seul. Elle est encore là, même si demain, c'est lui qui partira servir le pays pendant presque deux ans.