@Lee Seo Joon
T'avais pas mal à en hurler. Ca picotait, oui, tu souffrais un peu, oui, mais pas de là à crier sans t'arrêter – ça ne t'empêchait pas de renifler discrètement de temps en temps cela dit, le regard humide alors que tes pupilles allaient et venaient entre les différents visages autour de toi. Tu t'étais bêtement coupé en voulant ouvrir un paquet, les ciseaux ne s'étant pas montrés les plus coopératifs avec toi. Tu plissas le nez, grimaçant fortement, sous une vague de douleur qui te dévorait la main. C'était pas agréable du tout. Tu ne recommandais pas. Tu ne pourrais même pas expliquer comment tu avais fait puisque toi-même tu ne savais pas. Une seconde tu étais en train d'ouvrir le paquet, concentré, le regard suivant tes gestes. Celle d'après ta main te faisait mal et du liquide rouge coulait lentement le long de toi, les coupables feintant l'innocence dans ton autre main. Tu n'avais pas fait de mouvements brusques, pourtant, tu avais pris d'y aller en douceur. Tu t'étais même dit que tu allais faire doucement pour ne pas te faire mal et résultat ? Tu t'étais quand même fait mal. Tu reniflas une seconde fois dans une grimace peinée mais aussi coupable, sachant que tu étais le seul fautif de ce nouveau bobo. En soit, ça pourrait être pire – et tu avais connu pire alors tu t'estimais quelque peu heureux de ne t'être « que » coupé. Tes prunelles vinrent se perdre sur les personnes autour de toi, détaillant chaque expression mais aussi chaque mot, te faufilant entre eux le plus discrètement possible – mais manquant de te rétamer trois fois. « Seo Joon », articulas-tu, agitant bêtement la main avant de grimacer, un léger son plaintif dans la gorge. « Je sais pas comment j'ai fait », annonças-tu directement, baissant le regard et les épaules, tentant de te faire plus petit. « Désolé je t'embête alors que tu dois être occupé... », susurras-tu, reniflant doucement, les iris perdues sur ta main blessée. « Je savais pas quoi faire », que tu avouas en redressant les pupilles, timide et gêné. « Pardon », dis-tu encore au pauvre homme qui te rafistolait bien trop souvent.

@Ryu Chan Hee
Les journées passaient et ne se ressemblaient pas. Des visages familiers aux parfaits inconnus, ils défilaient sans que je ne puisse prendre le temps de réellement les regarder. Des urgences aux blocs opératoires puis aux chambres d’hospitalisation, le pas rapide dans les couloirs qui se ressemblaient tous. Dans ce labyrinthe que je connaissais par cœur désormais, je m’activais à la recherche des dossiers à récupérer, les dernières analyses des opérations programmées et les arrivées imprévues des quelques maladroits qui avaient besoin de soins. Chaque jour était une véritable course contre la montre, mais c’était grâce à ce rythme effréné que je tenais. Que j’oubliais… Ma vie d’étudiant était restée sur le campus, et avec elle tous les soucis qui lui incombaient. Les questions existentielles qui n’en étaient pas, et surtout… surtout les peines de cœur que je m’infligeais depuis plusieurs semaines.

« Seojoon… on a besoin de toi aux urgences. » D’un signe de tête, j’acquiesçais et abandonnais mon poste dans les étages pour la fraîcheur et le vacarme d’un service qui ne dormait jamais. En dépit des apparences, il était plus calme que celui de chirurgie. Malgré les allées et venues, les plaies bénignes constituaient la majorité des arrivées, et si je ne côtoyais que des inconnus, j’apercevais ce jour-là un visage familier. « Chan Hee ! » Sa mine décomposée m’arracha un frisson, et c’est l’inquiétude qui alourdissait soudain mes épaules. « Est-ce que tu vas bien ? Qu’est-ce qu’il se passe ? » Son regard chuta, et je l’imitais pour découvrir la blessure qui fendait sa main. Sans perdre de temps, je pressais ma paume dans son dos et le dirigeais vers un bureau vacant, attrapant au passage le nécessaire pour suturer la chair ouverte. « Comment tu t’es fait ça ? On t’a agressé ? » m’inquiétais-je. Mais le flot de ses excuses ininterrompues m’arracha un sourire timide. « Ne t’excuses pas voyons, tu as bien fait de venir ! On va te remettre à neuf ! Mais… pour ça j’aurais besoin de savoir comment tu t’es blessé ? »

@Lee Seo Joon
T'étais trop maladroit. Trop tête en l'air. Tu ne savais pas te tenir sur tes deux jambes et tu savais pas quoi faire de tes dix doigts. C'en devenait ridicule au fil du temps. Même quand tu faisais attention, rien ne se passait comme prévu. Et quand tu ne faisais pas attention, alors, c'était encore pire. Ta maladresse te tuera peut-être un jour – ou te mettra dans une situation proche de la fin. Ca avait déjà été le cas et ça le sera encore. Tu avais arrêté de compter le nombre de fois où tu avais réussi à te mettre dans un pétrin dangereux. Combien de fois avais-tu glissé, manquant de t'écraser sous les roues d'une voiture ? Combien de fois avais-tu loupé ce trou géant devant toi, tombant droit dedans ? T'étais peut-être juste idiot, en fait. Ta mère avait sans doute raison. T'étais juste bête. Raté. Bon à rien. Incapable de t'en sortir seul. T'étais un danger – pour toi, les autres. Tu savais pas. Tu savais plus. Tu savais rien. Même ouvrir un paquet, tu savais pas.

La lèvre inférieure tremblante en entendant Seo Joon t'appeler, tu mimas un petit air attristé, la grimace faiblement douloureuse. Tu ne savais pas si c'était ta main qui te faisait le plus mal, ou ton palpitant. Un petit « Uh » hésitant coulant sur ta bouche et tu bougeas les épaules. « Ca peut aller », tentas-tu, pas trop certain de la réponse, les joues rougies, le regard humide. Tu montras ta main, reniflant le plus discrètement possible, le laissant te diriger vers une pièce libre. Tu clignas quelque peu les paupières avant de secouer vivement le visage. « Non non, t'en fais pas », tu agitas bêtement la main, retenant un son plaintif. « Désolé », dis-tu encore, le regard bas. Tu bougeas un peu le visage à ses mots. « J'ai...  voulu ouvrir un paquet », confias-tu, le visage baissé, la voix basse et timide, comme un gamin qui confierait une grosse bêtise. « J'ai pas fait attention et les ciseaux... », tu désignas ta main. « Désolé », marmonnas-tu encore, le coin de tes lèvres s'abaissant, ton regard ne pouvant le regarder. « Ce matin je me disais que ça faisait longtemps que j'étais pas venu. Donc longtemps que je me suis pas trop blessé et finalement... », tu redressas enfin ta frimousse, bougon, attristé, perdu. « Je savais vraiment pas quoi faire », répétas-tu encore, le regard désolé, humide. « Est-ce que ça va faire mal ? »