Le ventre noué par l'insatiable faim, il s'abandonne à la douleur du néant lorsque son estomac éclate en un orage tonitruant (qui trouve bien trop rapidement écho en les vagues houleuses secouées par la famine de son entourage). L'odeur de la braise taquine ses narines et s'appose sur ses lèvres pleines qui s' entrouvrent dans un râle chaotique ; ses yeux se révulsent, ses pupilles frémissent sous la chatouille de l'effroi. Jaehyeon laisse la brindille tournoyer entre ses doigts, incapable d'enfoncer ses canines pourtant carnasierres dans le cadavre rocheux d'un scarabée brûlé vif. Il dévie le désespoir de ses orbes jusqu'à ses congénères et ancre le brun de ses prunelles sur Hera. Son corps se soulève mollement ; il s'accroupit face à la jeune femme et dessine pour la première fois l'hypocrisie d'un sourire lunaire. " Tu te sentiras mieux après avoir mangé, tu as besoin de forces pour cicatriser. " Son coeur se serre toutefois un instant lorsque le bouddhiste réalise qu'il adresse la parole à la veuve noire du groupe.

Son rôle chez les gumiho se limitait à l'effet fantomatique qui attise les curiosité de certains, la crainte d'autres :  ces chaussures qui traînent sans que l'on y établisse le visage d'un propriétaire, cette chambre occupée par l'ombre seule d'un étudiant en plein travail, et sa voix qu'on l'on a déjà oublié, pour peu que l'on l'eut entendue un jour. En revanche, Jaehyeon connaît beaucoup de ses comparses : les rumeurs sur son président, la nonchalance du vice, l'addiction cachée de Kwanhee pour ses noonas... Et le tempérament flambant d'Hera. Il l'a simplement oubliée dans cette situation d'extrême urgence, lorsque son ventre se contracte à mi-chemin entre deux émotions contradictoires, deux sentiments opposés. La faim qui force son estomac à se retourner pour commencer à s'auto-dévorer (est-ce seulement possible ?), et le dégoût qui manque d'apposer sur ses lèvres la liqueur acide d'un rejet gastrique. Son sourire fane, ses yeux s'écarquillent ; le garçon baisse piteusement les yeux comme pris en faute ( et c'était le cas ). Il agite ses doigts, force la tige d'immondices à fendre l'air de ses allées et venues, et hausse les épaules. « Je voulais simplement t'aider. » Ses orbes fuient le contact : la gumiho ne  le perturbe pas, elle le tétanise, le paralyse, lui et sa foutue timidité. « Il paraît que c'est très bon et plein de protéines. Mais ce n'est pas grave je.. euh... Hé bien je vais la manger et puis... oh mon dieu, désolé, bonne soirée Hera-sshi. » Les mots lui manquent, sa gorge se serres, et il décampe avant d'avoir pu aligner une syllabe de plus ( de toutes façons, il n'aurait pas réussi ).

Lecon N°1 : les femmes redeviennent lionnes lorsqu'elles sont soumises aux lois de la vie sauvage.
Conjonction : Hera l'aurait bouffé s'il était resté.
Expérience acquise : ne plus jamais la regarder dans les yeux, ni lui adresser la parole.