⇝ Plus le temps passait, et plus Caolu était persuadée qu'elle avait sa place dans une émission sur les gens possédés par des esprits, parce qu'il n'y avait que ça qui pourrait expliquer pourquoi elle entendait des voix, une voix féminine sauf que lorsqu'elle se retournait il n'y avait personne autour d'elle. Et le pire, c'est que ce n'était pas la première fois ! Cela voulait bien dire qu'il y avait quelque chose qui clochait chez elle non ? Et si un esprit avait décidé de vouloir faire ami-ami avec la jeune femme mais qu'elle était incapable de communiquer autrement avec elle ?! C'était tragique vraiment, mais autant dire que la rouquine trouvait ceci aussi flippant au possible, parce que qui voudrait bien la croire ? Pourtant l'idée d'être hantée n'empêchait la Caolu de venir encore aujourd'hui à la bibliothèque, même si toutes les fois où elle avait entendu cette voix mais personne pour aller avec... eh bien tout c'était déroulé dans cette partie du campus, elle ne voulait pas fuir. Elle ne laisserait pas cet esprit gagné la bataille des nerfs ! (Il serait peut-être temps pourtant de songer à passer un scanner parce que clairement il y avait quelque chose qui clochait chez elle.) L'étudiante avait plusieurs livres dans les bras déjà, la pile qui commençait à devenir lourde et qui tanguait plus qu'elle ne le devrait normalement mais la jeune femme était concentrée sur sa tâche et ne semblait pas faire attention à la chute des ouvrages qui ne devrait pas tarder à arriver si elle continuait à les empiler ainsi. Rien n'aurait pu la perturber dans sa tâche... si ce n'était cette voix, la voix. « Encore ? » Caolu souffle, les yeux s'écarquillant, et cette inattention lui coûta l'équilibre de ses livres qui finirent au sol. « Non, non, non. » Elle était hantée et maudite, voilà, c'était naze !

⇝ Inspirant profondément, tu redressas des yeux timides vers l'étagère de livres devant toi. Tous ces ouvrages, fabuleux, présents devant tes yeux te donnaient la nausée. Il y en avait tant. Tant de savoir, tant de connaissances, tant de phrases, de mots, des syllabes, de lettres... Tant de pages à lire et lire. Tant de pages à connaître. Si le sujet te passionnait, tu ne verrais pas autant les nombres se multiplier. Tu n'en prendrais même pas conscience, te satisfaisant de la bonne lecture. Hors le sujet ne te passionnait pas tant que ça. Le droit. Dure affaire que de quitter ces études qui ne te plaisaient pas. Dure affaire que d'imaginer pouvoir le faire. Tu ne voulais pas décevoir tes parents, tu continuais le piano, les études. Tu ne suivais pas tes rêves mais les leurs. Tu n'étais même pas sûre d'en avoir, de rêves. Tu aimais danser, et chanter, mais tu ne pourrais pas en faire ton métier. Tu n'étais pas assez bien pour ça pas vrai ? Puis tu supposais qu'il était trop tard, maintenant. Ta vie était toute tracée. Tu devais apprendre, faire carrière, avoir un beau métier. Être parfaite, bonne petite fille modèle. « C'est pas du tout le même. Pas le même nom, pas la même couleur », le nom affiché sur ton téléphone ne correspondait pas au livre devant toi. Tu n'eus pas le temps de te pencher plus sur la question qu'un bruit résonna. Un sursaut prenant ton corps, tu te décalas quelque peu, les prunelles tournant. « Est-ce que tout va bien ? », que tu demandas à la jeune femme devant toi, te décalant un instant pour rassurer la bibliothécaire de loin, disparaissant momentanément de la vue de l'autre étudiante, sans savoir les tourments que tu lui causerais. « Je vais vous aider », articulas-tu, venant t'accroupir pour ramasser les livres. « Vous ne vous êtes pas faite mal ? », tu relevas le regard vers elle.

⇝ Caolu était persuadée d'être hantée, alors que techniquement parlant c'était quelque chose d'assez impossible à moins d'y croire vraiment aux fantômes, ce qui n'était pas vraiment son cas. En tout cas du moins à la base, elle savait faire la différence entre le réel et l'irréel, entre ce qui était possible ou non parce qu'elle avait vu tellement de choses sur youtube à ce sujet, pour elle c'était clair et net que les fantômes ne pouvaient exister. Et pourtant... aux yeux de la rouquine c'était bel et bien ce qui lui arrivait depuis quelques temps. Toujours au même endroit, et ça ressemblait beaucoup à ce qu'on pouvait dire sur les esprits : ils hantaient un lieu unique et parce qu'ils avaient encore quelque chose qui le retenait dans ce bas monde. Sauf que Caolu se demandait bien ce qui pouvait retenir un fantôme dans une bibliothèque universitaire, ça ne pouvait quand même pas être un devoir non rendu ? La rouquine regardait autour d'elle comme si elle s'attendait à voir une boule fantôme ou dieu sait quoi d'autre, le meilleur restait quand même qu'une vraie personne entre dans son champ de vision pour la rassurer et lui faire comprendre que tout allait bien, il y avait bien quelqu'un avec elle, elle ne perdait pas la tête. Mais personne, et encore et toujours cette voix féminine qui résonnait autour d'elle. Et dans son moment d'inattention la jeune femme fit tomber les livres qu'elle avait dans les bras, un gémissement glissant entre ses lèvres alors qu'elle se baissait pour les ramasser, pourquoi ça lui arrivait à elle ? Elle avait fait quoi pour mériter ça ? « Je suis gentille pourtant, » elle murmure comme si ça pouvait convaincre l'esprit de la laisser. Et elle sursauta en entendant à nouveau la voix. « Ah ! » Elle relève la tête, alarmée et les yeux écarquillés, s'attendant à tomber sur un esprit comme La Dame Blanche mais ce fut tout le contraire, une jolie brunette lui faisait face à la place. « C'est toi ? » Elle bafouille avant d'ajouter, « la voix je veux dire... » Elle secoua néanmoins le visage quand elle lui demanda si elle s'était faite mal. « Non, non ça va. » Non physiquement ça allait, c'était autre part qu'elle se posait des questions mais la demoiselle devait être la réponse à toutes ses questions.

⇝ Tu voudrais être capable de pouvoir tout arrêter, parfois. Quand le réveil sonnait le matin alors que tu n'avais pas beaucoup dormi, tu te demandais si c'était ça, vivre sa vie. Si c'était ça, profiter et savourer. T'en avais qu'une, pourquoi te tuer à la tâche ? Pour faire plaisir à tes parents. Tu ne voulais pas les décevoir mais parfois... tu voudrais te montrer égoïste. Tu voudrais ne pas aller en cours, rester dans le lit. Tu voudrais manger à ne plus en avoir faim, goûter, savourer, profiter. Tu ne savais même pas ce que ça voulait dire, profiter. Cependant l'idée disparaissait aussi vite qu'elle était venue alors que tu te levais et que tu enfilais ta tenue. Tu n'oserais jamais aller contre l'envie de tes parents de toute façon – rien ne t'empêchait de rêver un peu. Tu rêvais parfois en regardant les autres, en les écoutant aussi. Tu vivais des moments par procuration ne sachant même pas réellement ce que ça voulait dire ou à quoi ça pouvait ressembler. T'avais pas vraiment eu d'adolescence. Tu étais sans doute passée à côté de plein de choses mais t'en avais pas conscience. Pas vraiment. Tu avais totalement conscience du boucan non loin de toi, et de ses livres qui tombaient surtout. Tu clignas des paupières dans un air confus, l'index pointé vers ton visage. « Moi ? », tu penchas le visage. Toi quoi... ou toi qui ? Tu te contentas de la regarder, les sourcils levés. « Quelle voix ? », demandas-tu, confuse, jetant un regard autour de vous. « Vous êtes sûre ? », peut-être s'était-elle cognée la tête ? Tu posas les livres comme tu le pouvais, le plus rapidement possible, offrant ta main pour l'aider. « Qu'est-ce qu'il s'est passé ? », la questionnas-tu, curieuse, levant le regard vers le haut de l'étagère. « Si c'est pas solide il faut prévenir la bibliothécaire c'est dangereux », surtout si ça tombait de si haut. « Oh vous en aviez peut-être besoin », que tu marmonnas, pointant les livres du doigt, un peu alarmée parce que tu ne savais plus lesquels. « Je vais les rechercher, pardon »

⇝ Est-ce que c'était le karma qui lui retombait dessus ? Pour toutes ces fois où Caolu s'était marrée lors des soirées d'halloween en disant que les fantômes ça n'existaient pas réellement ? Elle savait que c'était quelque en lequel ses grands-parents croyaient mais elle ? Oui, ça devait être pour ça. Elle était hantée par un esprit vengeur d'une demoiselle qui était coincée dans la bibliothèque du campus ! Il faudra sûrement qu'elle s'excuse auprès de sa grand-mère la prochaine fois qu'elle l'aura au téléphone pour lui dire qu'elle avait totalement raison et qu'elle était désolée de ne pas y avoir cru jusqu'à présent ! (Et que si jamais elle avait un truc pour se débarrasser d'un esprit, elle était preneuse !) Caolu était un tantinet sur les nerfs, il n'y avait qu'à voir les regards qu'elle lançait ici et là, persuadée que la Dame Blanche ou autre légende glauque existante allait se ramener dans les couloirs de l'université, vous avez dit dramatique ? C'était totalement ça. Caolu ne faisait pas dans la petite frayeur, non, elle allait finir par se coller toute seule une belle crise cardiaque, ce qui n'était vraiment pas bon pour elle, ni pour le bébé... Quoi qu'elle en dise, c'était pas une façon de finir sa vie ni celle de l'enfant. Mais dans sa paranoïa, Caolu oubliait qu'il y avait de vrais étudiants également dans la pièce, alors quand une silhouette se dessina devant elle, Caolu sursauta de plus belle, heureusement que les livres qu'elle portait avant étaient déjà au sol sinon... ils y seraient retournés. « La voix... de la jeune femme... » Caolu murmure, regardant autour d'elle. « Pitié dis-moi que c'était toi et pas un fantôme je t'en prie, je suis trop jeune pour finir à l'asile. » Elle enchaîne, plaquant ses mains l'une contre l'autre en regardant l'inconnue avec un air suppliant. « Ce qu'il s'est passé ? Oh, ça, hm, rien c'est moi, ils sont tombés de mes bras. » La demoiselle avait déjà commencé à les reposer avant de se raviser, et plus elle entendait sa voix, plus l'esprit de Caolu était titillé. C'était elle non ? « Excuse-moi mais... on est d'accord que t'es bien réelle ? »

⇝ « La voix de la jeune femme » que tu répétas doucement comme si répéter allait t'aider à mieux comprendre la situation. Tu clignas des paupières dans un air incertain, les pupilles se décalant pour voyager autour de vous. Il y avait des étudiantes ici et là effectivement – mais tu ne pourrais pas savoir de quelle étudiante en particulier elle parlait. L'index tournant pour désigner des personnes au hasard tu arrêtas finalement ne sachant pas toi-même ce que tu faisais. Tu voulais juste l'aider à retrouver la propriétaire de cette voix. Propriétaire qui semblait la perturber – ou bien était-ce la voix ? Tu admettais que certaines voix étaient quelque peu agaçantes mais jamais tu n'oserais l'avouer. Tu avais eu une professeure comme ça un jour. La voix trop aiguë, trop perchée et les syllabes trop prononcées. Ca avait été une horreur durant les cours – et pourtant, tu n'en avais manqué aucun. « Un fantôme ?? », tu levas les sourcils, surprise, un frisson parcourant ta peau à l'idée alors que tu déviais les pupilles dans un air quelque peu effrayé. « Oh ce sont des choses qui arrivent », dis-tu doucement dans une esquisse, tentant d'aider au mieux, rangeant les livres pour finalement t'arrêter. Elle en avait peut-être besoin au final et tu allais devoir les retrouver et... « Pardon ? », tu tournas ton attention vers elle, perplexe, le visage se penchant faiblement sur le côté. « Eh bien hm oui ? Je pense l'être », le choix de tes mots était douteux mais t'allais miser ça sur la surprise de la question. « Pourquoi je ne le serais pas ? », tu levas les sourcils, confuse, les paumes tapotant tes bras dans un rire léger avant que tu ne lui tendes la main. « Tu peux vérifier, je suis bien là », lui assuras-tu d'une voix légère. Peut-être s'était-elle cognée la tête... « Est-ce que ça va ? Tu veux que je t'accompagne à l'infirmerie ? », demandas-tu, soucieuse. Tu désignas une chaise non loin ensuite. « Tu ferais mieux de t'asseoir un peu », conseillas-tu avec délicatesse, l'invitant à prendre place.

⇝ Non, la bibliothèque n'était pas hantée, Caolu elle-même n'était pas la victime d'un esprit frappeur, elle pouvait enfin respirer tranquillement. Enfin la demoiselle qui lui faisait face était belle et bien réelle sinon c'était un fantôme un peu trop solide pour être un vrai fantôme comme on pouvait voir ça au cinéma, celui où on pouvait passer la main à travers. Caolu n'avait pas vraiment envie d'essayer avec elle, parce que si elle était un vrai fantôme c'était indélicat de sa part mais si elle était une humaine comme elle... bah elle allait certainement la prendre encore plus pour une tarée, si ce n'était pas déjà le cas. « Oui, un fantôme, tu n'as pas entendu d'histoires bizarres sur un quelconque fantôme hantant la bibliothèque du campus ? » Au vu de l'expression perdue de la demoiselle, apparemment pas. Caolu lui expliqua pourquoi il y avait des livres au sol, elle les avait fait tomber comme la demoiselle le soulignait ça pouvait arriver, un livre qui glissait. Bon là c'était pas vraiment qu'ils avaient glissé mais plutôt que la chinoise les avait tout simplement lâché à cause d'un sursaut... enfin bref. Plus la demoiselle parlait, plus Caolu avait cette sensation de reconnaître la voix, la curiosité trop grande elle finit par lui demander... et tant pis si elle devait la prendre pour une cinglée. « Je- » Caolu se mordit la lèvre, cherchant ses mots. « C'est vraiment débile, en vrai plus j'y pense et plus je me sens idiote. » C'était stupide vraiment. « C'est juste que j'ai toujours eu l'impression de sentir une présence, ou entendre une voix mais je ne voyais jamais personne autour de moi. » Plus les mots quittaient ses lèvres plus Caolu avait envie de se faire toute petite. « C'est gentil mais je me sens vraiment bête, » elle murmura quand l'inconnu proposa de serrer sa main, ce fut pire encore quand elle continua. Oh mon dieu. Elle devait passer pour une folle.

⇝ Tu bougeas distraitement les épaules pour venir ajouter un geste à ces paroles que tu n'articulais pas. Tu n'avais pas entendu parler de fantômes ou de rumeurs du genre – tu devais bien dire que tu ne faisais pas trop attention. T'étais pas non plus le genre de personnes à qui l'on viendrait confier ça, aussi. « Non, du tout. Ou alors on ne m'a rien raconté », et tu semblais intriguée et curieuse, les prunelles la contemplant comme si elle détenait les clés de cet univers dont tu ignorais. Comme si elle allait pouvoir tout te dire et te raconter. T'étais déjà prête à tout imaginer. Même si l'idée d'un fantôme était quelque peu terrifiant. Tu n'avais jamais réellement pensé à savoir s'ils pouvaient exister ou non. Tu te pinças quelque peu les lèvres, l'écoutant attentivement. « Il n'y avait jamais personne », que tu répétas, les sourcils levés, jetant rapidement un regard autour de vous. Ca, c'était inquiétant. N'était-ce pas quelqu'un qui la surveillait contre son gré ? Tu éviteras de faire la remarque à voix haute cependant. « Tu n'as pas à te sentir bête pour ça », lui assuras-tu d'un mouvement du visage et d'un geste vague de la main. « Je suppose que ça arrive. Parfois la fatigue nous fait ressentir ou voir des choses », tu fronças un peu les sourcils, le regard dans le vide. « Ou alors le stress aussi. Ca rend tout vite confus », marmonnas-tu. La pression que tu ressentais te faisait parfois perdre pied avec la réalité. Peut-être que cela lui arrivait aussi ? « Est-ce que... », que tu commenças, hésitante, les joues colorées. « Est-ce que tu penses que quelqu'un te surveille ? », osas-tu demander malgré tout, le cœur battant trop fort dans une angoisse que tu n'expliquais pas – et qui n'était pas tienne surtout. « Est-ce que tu veux un peu d'eau ? On peut sortir prendre l'air aussi », que tu proposas en indiquant la sortie de la bibliothèque, lui proposant indirectement de l'accompagner, tes mains tendues vers elle si elle souhaitait les prendre pour une raison ou une autre, tu ne jugerais pas. « J'ai pas de sucre dans mon sac mais je peux essayer de demander si... si quelqu'un en a et... », rien que l'idée te gênait, trop timide pour aller déranger tout le monde et n'importe qui mais pour son bien, tu le ferai.