Tu tentais de suivre. Tu tentais de comprendre. Et parfois tu comprenais, tu arrivais à suivre. Tu prenais des notes, concentré, sérieux ou alors totalement distrait, les pensées ailleurs. Des questions   en tête se dessinant par des mots rapidement griffonnés sur ta feuille ou bien des petits bonshommes quelque peu désarticulés. Les cours étaient intéressants. Tu ne pouvais pas dire le contraire. Tu apprenais des choses qui pouvaient être utiles, un jour. Peut-être. Tu supposais qu'il était préférable de dire que oui. Tu te posais des questions, tu trouvais pas les réponses – rien ne changeait par rapport à la vie en dehors des cours. C'était intéressant, oui, mais pas assez pour toujours réussir à capter ton intérêt. T'avais de la chance de t'en sortir, d'avoir toujours dans la moyenne pour passer convenablement tes examens – tu te forçais, à vrai dire. Tu ne voulais pas que tes parents soient déçus. Tu ne voulais pas être comparé à ton frère ou ta sœur, encore. Mais tu le seras malgré tout, tu l'étais tout le temps. T'étais tellement ridicule face à eux, pas vrai ? T'étais tellement nul, un rêve idiot comme objectif. Un rêve qui n'était pas un métier, qui n'allait pas t'offrir un avenir. Toi qui avais déjà tant galéré pour y parvenir... T'avais l'impression que personne ne croyait en toi. A force, toi-même tu ne croyais plus en toi. Un soupir aux lèvres, tu quittas ta place, la salle, avançant mécaniquement, suivant la foule, un chemin invisible tracé sur le sol. Tu semblais perdu dans des pensées bien lointaines, en ligne à la cafétéria, le plateau en mains, tu attendais ton tour. Une fois le choix fait, tu parcourus la salle du regard, avant de t'avancer vers une table, posant doucement ton plateau. « Ca fait longtemps qu'on s'est pas vus », plaisantas-tu dans un faible rire, indiquant une chaise dans une question muette. Peut-être attendait-il quelqu'un, tu préférais demander. Tu fixas ton plateau un instant, les sourcils faiblement froncés. « J'aurais dû prendre un peu plus de fruits », songeas-tu, jetant un regard vers la file d'attente avant de lever les épaules. Tant pis. « Tu vas bien ? Quoi de neuf depuis ? », un petit sourire aux lèvres, tu redressas les pupilles vers lui.

Ces derniers mois, les jours se ressemblaient, toujours la même routine. Entre les cours et les entraînements, les préparations et les enregistrements, ce qui était étrange dans tout ça c'était que l'expression métro, boulot, dodo correspondait assez à ce que Jaeho vivait, sans pour autant être une routine ennuyeuse ou calme. Bien au contraire, lui et les garçons n'avaient pas réellement une minute à eux, encore plus avec les débuts qui approchaient à grands pas et qu'ils ne pouvaient le dire à personne, du coup ils continuaient les cours comme d'habitude mais avec la fatiguée accumulée en plus. Les cernes étaient évidentes sous ses yeux, il avait tenté de masquer autant que possible avant de se résoudre à juste mettre des lunettes de soleil mais le temps... qui n'en nécessitait pas vraiment. Il se moquait bien des regards curieux ou des murmures qu'il avait pu entendre, certains parlaient d'une cuite d'autres d'une bagarre, non ce n'était rien de tout ça. Juste qu'il ressemblait à un zombi et c'est dans cet état qu'il était arrivé à la cafétéria, ne les enlevant que pour aller chercher son plateau, choisir quoi manger puis trouver une table où il se posa et sa tête ne tardant pas à rencontrer la table pendant plusieurs minutes en fermant les yeux, mais ça ne dura pas longtemps son estomac lui rappelant pourquoi il était présent ici. Jaeho n'avait pas ouvert les yeux, attrapant ce qu'il avait pris à l'aveugle pour croquer un morceau du sandwich, rattrapant quelques minutes avant qu'une voix familière lui fasse ouvrir les yeux, un léger sourire étirant le coin de ses lèvres. « C'est vrai que ces derniers jours c'est plutôt rare. » Ils avaient chacun leurs emplois du temps et les séances n'étaient pas forcément aux mêmes heures. Un rire qui lui échappe à la réflexion de Jaejin, regardant le plus jeune en secouant la tête. « Tu peux toujours aller en chercher un si tu veux, promis je ne te pique rien. » Il ajoute en levant une main en l'air comme une promesse. « Je dormirai bien 72h mais sinon ça va, et toi ? Cela fait quoi quatre jours ? Cinq ? » Peut-être même plus en réalité, il perdait un peu la notion du temps en ce moment.

Tu rêvais de pouvoir passer plus de temps à l'agence. Tu voudrais pouvoir passer tes journées dans une salle d'entraînement et ne faire que ça. Tu voulais te perfectionner, être fier du reflet que tu observais dans le miroir ou de la voix qui sortait de ta bouche. Tu voulais pouvoir quitter l'agence en étant contenté plutôt que d'avoir cette impression de ne pas avoir réussi, de ne pas avoir pu terminer. Tu voulais retourner au dortoir, l'esprit léger et pas encore plus lourd que lorsque tu étais parti le matin. Mais les cours te prenaient trop de temps et parfois ça t'angoissait. Tu avais peur de ne pas t'entraîner assez et avec les débuts qui approchaient tu ne pouvais pas perdre une seconde à apprendre un cours que tu oublieras après l'examen. Tu ne savais même pas comment t'arrivais à t'en sortir, même en te forçant. Un miracle sans doute. Tu voudrais pouvoir laisser l'université derrière toi pour te concentrer sur tes entraînements – mais tu ne pouvais pas. Tu ne voulais pas paraître lâche ou faible. Tu ne voulais pas paraître idiot ou ridicule. Comparé aux autres tu le serais sans doute pas vrai ? Un sourire fin aux lèvres tu bougeas quelque peu le visage, confirmant ses paroles en silence avant de prendre place. Tu avais tendance à aller t'entraîner quand tu avais du temps, vos emplois du temps n'étant pas les mêmes, les séances d'entraînements ne l'étaient pas non plus. « Je pourrais », soufflas-tu doucement, les prunelles naviguant entre la table et le comptoir dans un petit air boudeur. Tu lui offris un sourire compatissant ensuite. « Tu pourras te reposer un peu ce week-end. Et ça fait quatre jours... il me semble », marmonnas-tu, incertain, clignant des paupières. « Un peu fatigué mais ça va », t'arriverais pas à faire croire le contraire vu ta tête. « Toi aussi t'as l'impression que ta jambe gauche veut devenir ta jambe droite », ou l'inverse. Tu émis un son amusé, attrapant ta pomme, croquant lentement dedans. « Tu vas t'entraîner ce soir ? », que tu lui demandas, les pupilles sur lui, la voix basse comme si tu avais peur de le réveiller ou de briser quelque chose. « Je pense que je vais y aller. Je dois revoir la danse », un peu gêné pendant que tu avouais tu ne pouvais pas faire croire le contraire encore une fois, tu faisais bien trop d'erreurs encore. « Tu veux mon sandwich ? »

Ils ne s'arrêtaient pas, entre les répétitions et l'université, à se demander comment ils allaient faire plus tard, là encore ce n'était que le début de leur aventure dans le monde de la musique, et déjà ils avaient un emploi du temps à faire peur, mais plus tard ? Jaeho imaginait sans peine que la fatigue qu'il ressentait déjà, elle sera dix fois pire, mais bon l'heure n'était pas à la négativité non plus, sinon il était mal barré si il commençait déjà à penser à ce qui serait dur et non le fait qu'il réalisait enfin son rêve ! Se retrouvant dans la cafétéria pour la pause du midi, Jaeho avait été rejoint un peu plus tard par Jaejin, honnêtement à voir les expressions des deux garçons, il faudrait presque les prendre en photo, et il imaginait sans mal le fait que Jaeyoon devait être un état similaire également. Apparemment le plus jeune avait oublié de prendre quelque chose, Jaeho l'encourageant à aller le chercher si il le souhaitait, il allait pas se priver de manger un peu plus, le plus âgé faisant un geste de la tête en direction du comptoir une fois de plus. « Vas-y, Jaejin, je vais pas m'envoler non plus. » Mais son bandmate ne bougeait pas encore, déviant un peu la conversation un instant, Jaeho ne put que hocher doucement la tête à ses mots parce que Dieu qu'il aimerait ! Mais il sentait bien que ça ne serait pas réellement le cas, si il ne bougeait pas pour s'entraîner, il sortait soit en famille soit pour voir Nayul, il voulait profiter des instants libres qu'ils avaient pour passer du temps avec elle. « Y'a pas que ma jambe, j'ai l'impression que mes bras aussi ne sont plus réellement dans le bon ordre. » Jaeho répond dans un rire, même si ses membres étaient pourtant bien à leurs places. À la question de son partenaire, le brun reste silencieux un instant, il pourrait se reposer puisque ce n'était pas une obligation pour eux d'y aller réellement, écoutant plutôt les paroles de Jaejin au lieu de répondre tout de suite, fronçant les sourcils doucement. « Jaejin, te mets pas trop la pression, tu sais. » Il ne devait pas se surmener. « Je ne sais pas encore, peut-être, tu veux qu'on y aille ensemble ? » Il ajoute finalement, avant de poser son regard sur le sandwich que le plus jeune lui présentait. « Tu dois manger Jinnie. » Le petit surnom sortant naturellement, souvent lorsque Jaeho activait son mode grand frère.

Tu suivais les cours pour faire plaisir – mais souvent tu te disais que ce serait beaucoup plus simple de ne les plus avoir. Combien de trainees avaient délaissé l'école pour ne s'occuper que des entraînements ? T'aurais pas été le premier – et tu serais certainement pas le dernier. Ta mère et ton beau-père n'étaient pas spécialement convaincus par ton choix de carrière, t'avais pas trop le choix. Tu voulais pas faire de peine à ta mère, ou être mal vu par ton beau-père. Alors tu venais, tu écoutais, tu prenais des notes, tu révisais, tu enregistrais. Selon les cours, t'oubliais après l'examen, d'autres t'oubliais dès que tu sortais de la salle. Hors tu faisais toujours de ton mieux, à chaque fois, pour au moins décrocher une bonne note. « On sait jamais », que tu articulas doucement, le regard vers lui, la frimousse un brin boudeuse. Certes, tu te doutais bien qu'il allait pas s'échapper brusquement mais... t'étais bien assis. Tu clignas des paupières ensuite avant de rire, l'observant et observant ses bras. « Le temps qu'aucun des deux ne devient une jambe... ça devrait aller », tu tentais de voir le positif. Tu bougeas un peu les épaules, le sourire amusé discrètement posé sur ta bouche. Tu riais mais tu comprenais la sensation. Les entraînements demandaient beaucoup de force. C'était éreintant. «  Non. Je me mets pas la pression. Pas du tout », pas du tout totalement que oui, en fait. « Si tu veux pas y aller te force pas, repose-toi si tu es fatigué », tu lui offris un sourire rassurant mais aussi un brin soucieux. T'allais pas le forcer à te suivre s'il était épuisé, il devait se reposer. Les pupilles se levant vers les siennes, les pommettes à peine colorées. Tu plissas un peu le nez, bougon, appréciant le surnom tout en n'aimant pas forcément ce qu'il insinuait – si tout ceci avait un sens. « J'ai déjà mangé. Tout à l'heure... avant », l'index s'agitant dans le vide tu semblais décrire le repas d'il y a quelques heures. « Je mangerais après l'entraînement ce soir. Je prendrais un truc sur le chemin du retour », que tu tentais, presque désespéré, de te justifier. Tu te pinças les lèvres, gêné, coupable – clairement embêté. Il ne disait rien mais pourtant t'entendais tout un tas de mots. T'en vins à couper ton sandwich en deux, poussant une moitié vers lui, mangeant un bout de l'autre en le regardant. Comme un môme qui s'assurait que son père remarque bien ses efforts. Tu continuas de manger, lentement, les pupilles observant tout et rien. « Tu crois que les gens vont nous aimer ? », tu dévias les prunelles vers lui. Parce que tu te demandais souvent : et si les gens ne vous aimaient pas ? Et si les gens ne t'aimaient pas ? Quand t'y réfléchissais, comparé à eux... t'étais nul. « Je dois revoir les danses »

Heureusement que Jaeho aimait ce qu'il faisait, que ce soit dans ses études ou bien en tant qu'idole. Parce que sinon il aurait sûrement lâché ses études pour se concentrer uniquement sur sa carrière, car c'était toujours ce qu'il avait voulu faire. Chanter, être sur scène, il en avait rêvé de ça depuis qu'il était gosse. Mais c'était sûr et certain que la réalité était bien plus compliquée que ce qu'on pouvait s'imaginer quand on était enfant. Pour cela qu'il ne voulait pas abandonner ses études, l'avenir était incertain, pas encore écrit, qui lui dit qu'il sera toujours là où il est plus tard alors que les idoles avaient pour certains une date de fin ? Autant avoir un diplôme dans ce qui le passionnait. Ayant retrouvé Jaejin, les deux garçons échangèrent sur ce qu'ils vivaient, comment ils allaient et ce qu'ils comptaient faire par la suite. Jaeho se plaignant que son corps était en vrac et il ne peut s'empêcher de rire face à la réponse de son ami et membre, rejetant sa tête en arrière. Peut-être qu'il allait attirer l'attention sur eux, il s'en moquait bien, ils ne faisaient et disaient rien de mal. « Oui je pense que c'est une bonne façon de voir ! Je dois me sentir chanceux que ce n'est pas encore le cas. » Il ricane, reposant son regard sur Jaejin, un sourire amusé aux lèvres. Jaeho reprit la parole, cette fois-ci plus doucement, comme un parent parlant à son enfant, ou un grand frère s'adressant au plus jeune, avec affection et une pointe d'inquiétude. Il ne voulait pas que Jaejin en fasse trop. « Tu penses me faire avaler ça ? » Il rétorque, soupirant avant de secouer la tête. « Non, non, je viens, ensemble c'est mieux. » Jaeho était têtu, maintenant qu'il l'avait décidé, Jaejin ne pourrait le faire changer d'avis. Tout comme quand Jaeho lui dit qu'il fallait qu'il mange, malgré les réponses de son ami, il était hors de question qu'il quitte cette table sans avoir mangé suffisamment. « Jaejin, si tu veux t'entraîner tu dois manger, pas après, avant. » Jaeho ronchonne, haussant un sourcil quand il le vit couper son sandwich et lui tendre la moitié et si il accepta d'abord, il attendait que Jaejin ait croqué dans sa partie et en mange plusieurs morceaux pour lui tendre le reste. « J'ai déjà le mien, tu finis. » Pas totalement un ordre, mais il ne lui laissait pas vraiment le choix non plus. À sa question, Jaeho reste songeur plusieurs secondes, regardant autour d'eux. « Je l'espère, j'ai envie d'y croire, c'est normal non ? » Ils s'y donnaient à fond, c'est normal de vouloir être récompensé comme ça. « Y'a pas de raisons qu'ils nous aiment pas. » Posant à nouveau son regard sur lui, il hoche la tête, « on ira ensemble, si tu dois les revoir moi aussi. »

« Et espérons que ça reste comme ça », ce serait gênant sinon. Les pupilles posées sur Jaeho, tu laissas ton imagination cavaler un instant, dessinant un schéma approximatif de cette vision. Tu te pinças les lèvres, les mordant brièvement pour retenir un rire mais aussi une petite frimousse perturbée. Ce serait vraiment gênant. « Te faire avaler quoi ? », il disait ça comme si tu cherchais à lui faire croire un mensonge plus gros que le monde... « Force pas trop quand même », dis-tu doucement, l'esquisse légère sur la bouche. Tu ne voulais pas qu'il se force à t'accompagner s'il n'en avait pas envie. Ou qu'il se force tout court. Lui aussi devait se reposer, il n'y avait pas que toi. « C'est pas logique de manger après ? », l'interrogeas-tu dans un petit air bougon. Si tu mangeais maintenant t'allais pas te sentir capable de bouger, ensuite. Immobile un instant, tu te mis à manger ton bout de sandwich, les prunelles allant et venant entre le vide et Jaeho. T'avais l'impression de voir un père qui surveillant que son fils termine son assiette pour sortir de table. C'était un peu embarrassant – d'où tes pommettes quelque peu colorées et ton air honteux. « J'ai fini ma moitié », tu levas les sourcils, les yeux grands ouverts et brillants, la biche perplexe, presque trahie. Tu l'observas un moment sans rien dire avant d'attraper l'autre moitié. T'en mangeas une bouchée, délaissant discrètement le reste. Tu hochas simplement la tête à ses paroles ensuite, les lèvres pressées entre elles. Et si les gens ne t'aimaient pas ? « Espérons », que tu chuchotas, incertain. T'étais pas très bavard comme type, pas très drôle non plus. Comparé à Jaeho et Jaeyoon t'avais clairement l'impression de manquer de quelque chose. « Si tu veux oui », articulas-tu machinalement, encore trop pris dans tes réflexions, les pupilles égarées sur la table. Et tu restas muet alors, les prunelles tremblant dans le vide à la recherche des réponses à ces questions muettes qui tournaient dans ton esprit. Tu jetas un regard sur ta montre. « Je pensais aller réviser à la bibliothèque mais je pense aller directement à l'agence plutôt. Je pourrais réviser ce soir », peut-être. Si tu te laissais le temps et l'envie ; tu préférais t'entraîner. « Tu veux y aller tout de suite aussi ou tu me rejoindras là-bas plus tard ? »