Ton sac à dos Totoro rempli de quelques vêtements de rechange et deux ou trois paquets de cochonneries, tu enfourches ton vélo vert pomme en direction du quartier de Hongdae. Une fois de plus, tu viens de te disputer avec ton père alors que t'étais simplement venue passer le week-end à la maison, souhaitant profiter de ta grande et belle chambre le temps de deux jours. Et, une fois de plus, te voilà en route vers l'appartement de ton oncle, dans lequel t'as l'intention d'aller te réfugier. Évidemment, celui-ci ne le sait pas encore. Tu n'as même pas eu le temps de l'appeler pour le prévenir. Mais le pauvre commence à avoir l'habitude, maintenant. Arrivant d'ailleurs en bas de son immeuble, après avoir passé presque une demi-heure à pédaler, tu parviens à te faufiler furtivement dans la cage d'escalier, alors qu'un voisin était en train de sortir, et tu grimpes deux à deux les marches qui te séparent de sa porte, avant de sonner à cette dernière. La personne qui vient alors t'ouvrir n'est nulle autre que ta cousine, dont le visage à moitié surpris et enthousiaste t'arrache automatiquement un sourire. « Oh, Emi ? Qu'est-ce que tu fais ici ? » Au fond d'elle, tu sais qu'elle connaît déjà la réponse à cette question. Après tout, ce n'est pas comme si tu n'avais pas déjà fait le coup de nombreuses fois – la dernière remontant à pas plus tard qu'il y a deux semaines – Pourtant, tu finis quand même par lui répondre, en haussant les épaules : « Problème de père, comme d'habitude ! » Enlevant ensuite tes chaussures, quand ta cousine t'invite à rentrer, tu la prends chaleureusement dans tes bras en guise de bonjour, avant de finalement remarquer la présence de ton oncle, dans la cuisine ouverte qui donne sur la salle à manger. Celui-ci semble s'activer à préparer le repas et tu lui souris. « Bonjour Tonton ! Ça te dérange si je t'emprunte ton canapé pour le week-end ? » Était-ce réellement une question ? Allez savoir...

Loin d'être une évidence pour Ryuu, la cuisine était devenu un plaisir pour lui. Il trouvait dans le fait de couper des légumes, les faire mariner, mijoter, dans le fait de laver le riz, faire les nouilles quelque chose de méditatif. Un moment de paix qu'il s'offrait à lui-même pour préparer quelque chose qui serait bon pour lui-même mais aussi pour faire plaisir à ses proches. La chaleur printanière se rapprochait déjà de celle de l'été et Aoi n'avait pas manqué de s'en plaindre. En bon père qu'il était, il avait décidé de préparer des soba accompagnés de tempura de légumes. C'était ainsi qu'on le trouvait dans sa cuisine ouverte, un pantalon en coton gris et un t-shirt extra large sur le dos et avec son super tablier de chef noué à la taille. Il venait de finir de tremper les morceaux d'aubergine et de courgette dans la panure et allait mettre l'huile à frire lorsque quelqu'un sonna à la porte. Aoi alla ouvrir et en entendant le prénom de sa nièce, Ryuu se retourna. « Oh oui les pères ça fait ça des fois. » Grimaçant à la remarque de sa fille, il préféra faire comme si de rien n'était. « Emi ! Genki ? » Avec un sourire entendu, il indiqua d'un signe du menton le canapé, occupé actuellement par les chats mais sur lequel sa nièce était toujours la bienvenue. « J'espère que la dispute avec ton père ne t'a pas coupé l'appétit ! Ce serait dommage, tu ne pourrais pas profiter des soba... » Ce sur quoi Aoi tira la langue à sa cousine. « Ça fera plus pour moi. » Ryuu se mit à rire et leva les mains, comme s'il se rendait. « J'ai compris le message, je vais quand même faire une portion de plus. » Il y en avait sans doute assez pour eux trois mais les deux filles partageaient ce même trait de caractère : la gourmandise. Alors autant être prévoyant. S'il en restait, il aurait son repas prêt pour le lendemain midi au salon de tatouage. « Monster tu sers quelque chose à ta cousine s'il te plait ? » Et à Aoi de prendre la main de Emi pour l'entraîner devant le frigo et la laisser choisir. Ryuu haussa les épaules et retourna à sa cuisine, c'était un homme avec une mission !

Tu adores ton papa. Du plus profond de ton cœur... Vous aviez d'ailleurs une relation plutôt fusionnelle, jusque là, quand bien même tu vivais au Japon et lui en Corée. Mais cette relation a quelque peu été entachée lorsque de nombreuses révélations le concernant se sont succédées, dès l'instant où tu as posé les pieds sur le sol coréen, il y a maintenant un peu plus d'un an. Et malgré les efforts de ce dernier pour tenter de recoller les morceaux, tu as du mal à lui pardonner. Ce qui donne assez souvent lieu à quelques prises de tête entre vous, à l'issue desquelles tu prends pratiquement toujours la décision d'aller squatter chez ton oncle et ta cousine. Et cette fois encore ne fait pas exception à la règle. Tous deux ne sont d'ailleurs pas surpris le moins du monde, quand tu leur annonces pourquoi tu es là et, hochant simplement la tête aux paroles de ta cousine, tu finis par entrer dans l'appartement, le sourire bien vite retrouvé. Sourire qui s'élargit d'ailleurs un peu plus quand tu croises le regard de ton oncle. Oui, tu vas bien ! Beaucoup mieux, en tout cas, et après t'être rapidement débarrassée de ton sac, tu te diriges sans plus tarder vers la cuisine, prenant place sur l'un des tabourets hauts disposés tout autour de l'ilot central. Toutefois, ce sourire que tu arbores depuis que tu as passé le pas de la porte laisse finalement sa place à une expression quelque peu outrée, lorsque ta cousine se met à te tirer la langue. « Comme si une simple dispute pouvait me couper l'appétit... » Et puis quoi, encore ? « Tu rêves, cousine ! Je vais savourer ces soba comme s'il s'agissait de mon tout dernier repas en ce monde ! » Tirant toi aussi la langue à ta cousine, tu laisses échapper un rire quand ton oncle se résout à devoir faire une portion de plus, et tu te laisses finalement entraîner jusqu'au frigo par ta cousine, avant d'en extirper une brique de jus de fruit. Et tandis que Aoi retourne vaquer à ses occupations, tu restes planter là, observant ton oncle, le verre à la main. « Tu as besoin d'aide pour tout préparer, Tonton ? » T'es, certes, pas la meilleure cuisinière qui soit mais en commis de cuisine qui épluche les légumes ou fait frire quelques trucs, tu devrais pas trop mal t'en sortir. Du moins, tu crois...

Ryuu ne connaissait pas très bien son ex beau-frère. Il avait été au mariage de sa sœur, il avait été très présent pour Emi, tout comme sa sœur avait été présente pour Aoi, mais les liens avec son ex beau-frère... Il l'appréciait parce qu'il savait qu'il prenait grand soin de Emi et qu'il l'aimait mais les choix qui avaient été fait auraient pu être plus judicieux. Cela dit, qui était Ryuu pour juger les choix des autres ? Parce que des choix foireux, il en avait fait ! Mais ce qui le peinait, c'était que sa nièce était celle qui payait l'addition (tout comme sa fille avait payé la sienne). Il était donc hors de question pour lui de ne pas l’accueillir lorsqu'il la voyait arriver sur le pas de sa porte avec son sac à l'épaule. Il n'imaginait pas à quel point elle avait dû se sentir seule en prenant conscience de la chronologie des choses et des mensonges qui l'avaient entourée. Elles n'avaient pas les mêmes vies mais Emi et Aoi semblaient pouvoir se comprendre sur les déceptions cumulées à cause de leurs pères. Si Ryuu ne pouvait pas changer ses choix passés, il faisait de son mieux aujourd'hui et laisser les filles se soutenir mutuellement en faisait partie. Il les regarda aller se chercher à boire alors qu'il se lançait dans la préparation d'une nouvelle portion. Il regarda par dessus son épaule à la question de Emi, avisant Aoi qui retournait dans sa chambre sans doute pour terminer ses devoirs et pouvoir passer la soirée avec sa cousine. « Oh tu peux éplucher une courgette et une aubergine de plus si tu veux. » Il pointa les dits légumes d'un geste du menton. Pour le reste, sa nièce saurait où trouver un couteau, la planche à découper était déjà sur le plan de travail. « Je finis ça et je prépare la panure pour les tempura. » Et il glissa la nouvelle portion de nouille dans l'eau frémissante avant de retourner devant la préparation de sa panure qu'il rallongea pour en avoir assez pour la portion supplémentaire. « Quand tu auras fini d'éplucher les légumes et d'en faire des rondelles, tu pourras les tremper là-dedans et les mettre dans l'assiette avec les autres. On fera frire tous ensemble. » Il ajouta un jaune d’œuf et se mit à battre le mélange. « Tu veux parler de ton père ou plutôt de ta dernière chorégraphie ? » Il ne la forcerait à aucun moment et il n'y avait parfois rien à dire sur les disputes entre les père et la fille mais il lui laisse l'opportunité de vider son sac si elle en avait envie.

Tu sais très bien que peu importe la raison, tu seras toujours la bienvenue chez ton oncle et ta cousine. Qu'à n'importe quel moment de la journée, la porte de leur appartement te sera toujours grande ouverte. Et c'est vrai que, parfois, on est en droit de se demander si tu n'en profiterais pas un tout petit peu ?! Mais, en même temps, qui dirait non à la bonne bouffe de tonton Ryuu ? Certainement pas toi ! D'ailleurs bien décidée à profiter - toi aussi - de ces délicieux soba préparés par ton oncle, c'est un énorme sourire criant victoire qui vient se loger sur ton visage quand tu finis par obtenir gain de cause face à ta cousine. Ceci étant dit, il est hors de question pour toi d'aller te prélasser sur le canapé – malgré l'appel incessant des petites boules de poils qui s'y trouvent – et de laisser ton tonton adoré s'occuper de tout. Toi aussi, tu veux mettre les mains à la patte ! Déposant donc ton verre encore à moitié plein sur l’îlot central, tu acquiesces de la tête quand Ryuu te propose d'éplucher quelques légumes pour commencer. Puis, après avoir pris soin de correctement te laver les mains, tu te munis d'un couteau, t'appliquant à éplucher et découper cette courgette et cette aubergine. Et tu t'appliques tellement, à vrai dire, que cela te prend peut-être le double – voire le triple - du temps que ton oncle aurait mis pour le faire, si c’est lui qui s’en était occupé. Mais c'est pas grave ! Tu veux que tes petites rondelles soient parfaitement découpées, et tandis que Ryuu s’attèle à préparer de quoi paner tous ces bons petits légumes, tu relèves brièvement la tête quand il t’interroge sur ton père, avant de finalement hausser les épaules et reporter ton attention sur la tâche qui t’a été attribuée. « Bof… Il n’y a pas grand-chose à dire… » Pas grand-chose à dire et, en même temps, beaucoup trop. Car, en soit, la raison de cette dispute qui t’a amenée à venir te réfugier chez ton oncle est tout aussi futile que toutes celles qui l’ont précédée. Un simple prétexte pour pouvoir - une fois de plus – déverser cette colère et cette frustration que tu nourris envers ton père. Mais, justement, c’est surtout de cette colère-là et des raisons qui font qu’elle existe, que tu devrais parler… Sauf que t’es pas trop sûre d’en avoir envie. Pas dans l’immédiat, en tout cas… Alors, sans transition aucune, tu décides simplement de changer de sujet de conversation, préférant la seconde option. « Au fait, j’ai passé un nouveau casting, récemment, et l’un des jurés a dit qu’il aimait beaucoup mon style ! » Encore un casting, oui… Et vu l’entrain avec lequel tu le dis, on pourrait presque croire que cette fois-ci est la bonne. Pourtant, la seconde d'après, ton visage s’assombrit et ta moue se fait toute tristounette. « Mais ça fait plusieurs jours que j’attends et je n’ai toujours pas reçu de réponse, alors je n'sais pas si c'est très raisonnable de continuer à espérer… » Concernant ce casting, tout du moins... « C'était un casting organisé par le label dans lequel travaille Jude, d'ailleurs... » Ton oncle n'est pas sans savoir que tu as, fut un temps, eu un petit crush sur le jeune homme. Mais jamais rien ne s'est passé entre lui et toi. Et finalement, tant mieux sinon vous ne seriez peut-être pas amis aujourd'hui, toi et lui. « Et toi, tonton ? Tout se passe bien au salon de tatouage ? »

Emi n'était pas sa fille mais elle avait autant sa place dans son foyer que ne l'avait Aoi. Au fond, sa sœur aînée s'était souvent occupée de Aoi lorsqu'il était en tournée, lorsqu'il était en cure. Si sa fille avait été élevée par ses grands-parents, sa tante avait été un grand soutien dans son éducation. C'était aussi ce qui expliquait pourquoi les cousines étaient aussi complices. Et c'était à la fois parce qu'il estimait qu'il devait bien ça à sa nièce et parce qu'il appréciait énormément de passer du temps avec elle et de voir la petite femme qu'elle était devenue qu'un couvert était toujours prêt à être rajouté à leur table ou qu'un oreiller était toujours prêt à être ajouté au canapé. La contrepartie était qu'elle mette la main à la pâte, une contrepartie loin d'être obligatoire mais Emi ne rechignait jamais à l'aider (contrairement à Aoi). Alors qu'ils avaient tous les deux les mains occupées, Ryuu questionna sa nièce. Il connaissait presque la réponse d'avance car au final, il n'y avait vraiment pas grand chose à dire. Les raisons des disputes entre Emi et son père restaient les mêmes et cela prendrait du temps pour que leur relation retrouve un certain équilibre. Tristement, c'était quelque chose qu'il maîtrisait.

« Ah ! » Un casting. Encore. Il ne jugeait pas Emi pour son envie de vivre de sa passion. Il avait juste peur pour elle. Ce milieu était cruel, plus cruel même que celui dans lequel il avait lui-même évoluer. La musique se devait d'être excellente, parfaite mais pour leurs apparences, moins d'attentes et d'exigences reposaient sur eux. Puis, il n'y avait pas les chorégraphies et ces relations ambiguës avec les fans. Alors il avait peur pour elle, il craignait de la voir se brûler les ailes. Mais ne comptez pas sur lui pour la décourager, il était plus du genre à s'assurer qu'à chaque pas, elle était sûre de où poser son pied. « Il aimait ton style ? Ça peut vouloir dire beaucoup de choses ça. Il a détailler un peu son avis ? » Parce que dire simplement à une personne qu'on aimait son style, cela ressemblait à un compliment pour adoucir un refus s'il n'était pas d'avantage explicité. « Le label de Jude ? » Etant au courant de certaines choses vis à vis de ce label, des choix qu'ils avaient poussé Jude à faire, Ryuu n'était pas certain de vouloir que sa nièce intègre cette agence mais si c'était ce qu'elle désirait que pouvait-il dire ? « J'ai travaillé avec ce label, tu veux que j'essaie d'avoir un contact ? Ou que je demande à Jude ? » Elle n'était plus une enfant et pouvait se débrouiller mais il était un peu limiter dans l'aide qu'il pouvait lui apporter. « Ou alors je te laisse demander à Jude ? T'arrives à lui parler sans rougir maintenant ? » Il se tourna pour regarder par dessus son épaule, lançant un regard espiègle à sa nièce. Il savait que c'était un cœur d'artichaut et imaginait sans mal que Emi avait déjà jeté son dévolu sur un autre jeune homme. « Si ce n'est pas casting ça sera un autre. Je sais que tu vas y arriver. » Elle avait tant de détermination, c'était impressionnant. Alors qu'il terminait de préparer la panure pour les tempura, Ryuu coupa la plaque chauffante avant de vider l'eau bouillante pour égoutter les soba. « Le salon ? » Il se retourna pour regarder Emi et tout en faisant, il ne fît pas attention et se versa de l'eau sur le dos de la main. Immédiatement, un juron sortit de sa bouche et de l'autre main, il fît couler de l'eau froide sur sa peau rougit. Il reposa la casserole sur la plaque et regarda Emi avec un regard contrit. « Oui oui ça va au salon. J'espère juste que ça ne va pas me gêner pour tenir le dermographe. » Parce qu'une mauvaise brûlure pouvait rendre les mouvements compliqués et il espérait vraiment que ce n'était pas le cas de cette stupide maladresse.

C'est vrai que tu peux être sacrément naïve, Emi. T'es pas bête, loin de là. Mais t'as un peu de mal à lire entre les lignes, parfois. Et cette fois encore n'a pas vraiment fait exception à la règle. Même si c'est avec la tête remplie de quelques doutes que tu avais fini par quitter la salle de casting, les paroles de ce juré avaient tout de même fini par te convaincre que tu avais tes chances. Cependant, les jours continuant de passer et ta messagerie vocale faisant toujours état d'aucun message laissé, tes espoirs ont peu à peu commencé à disparaître avec le temps. Et, finalement, c'est les paroles de ton oncle qui ont pour effet de t’assigner le coup de grâce. Pourtant, tu sais que ce n'était certainement pas dans ses intentions. « Oui, je sais que ça peut vouloir dire beaucoup de choses. Et non, il n'a pas détaillé son avis plus que ça... » finis-tu donc par répondre, sur un ton légèrement bougon. Pour autant, si tes chances de rejoindre cette agence semblent compromises et que cela te fait un peu chier car tu aimais l'idée de te retrouver dans le même label que ton ami Jude, tu refuses de bénéficier d'avantages que d'autres candidats n'auraient pas. A tort, te rétorqueraient certainement quelques personnes mais tu veux pouvoir réussir parce que tu le mérites et non pas parce que ton ami ou ton oncle auraient fait jouer leur carnet d'adresses. Alors quand ce dernier te propose de prendre contact avec le label – pire encore, de demander à Jude de le faire – tes yeux s'écarquillent et tu hoches vivement la tête de gauche à droite, dans un signe de négation. « Je te remercie, Tonton, mais j-je veux me débrouiller toute seule ! » Levant ensuite les yeux quand ton oncle te taquine à propos du jeune homme – tu l'attendais un peu venir, celle là – tu lui tires la langue avant d'ajouter : « Yah, Tonton ! Tu sais très bien qu'on est juste amis, lui et moi ! » Oui, tu as eu un crush sur lui, fut un temps (il y a à seulement quelques mois de ça, en vérité...). Et oui, tes joues avaient tendance à se teinter de rouge quand il se trouvait à proximité ou que tu devais lui parler. Mais c'est de l'histoire « ancienne » tout ça. Ton crush sur le jeune homme s'est envolé aussi rapidement qu'il était apparu. Comme ce fut le cas de tous les précédents, d'ailleurs... Cependant, s'il y a bien une chose qui demeure intacte et qui ne risque pas de te quitter de si tôt, c'est ta détermination. Tant pis si ce casting ne donne rien, tu ne comptes pas abandonner ton rêve de débuter dans un groupe un jour. Esquissant d'ailleurs un sourire face aux encouragements de ton oncle, tu termines enfin de couper tes légumes. Mais alors que tu interroges le père de Aoï sur la bonne marche de son salon de tatouage, un juron de sa part te fait sursauter et quand tu comprends que ce dernier vient de se brûler, ton visage se charge d'une expression inquiète. « Tout va bien, Tonton ?! » Mais ta question à peine posée, tu abandonnes ton couteau sur le plan de travail et te précipites vers ton oncle pour prendre connaissance de l'étendue des « dégâts ». Et c'est vrai que sa main a pris une jolie teinte rouge. Pour autant, tu espères toi aussi que cela ne le gênera pas pour travailler. « Tu penses que ça peut être grave à ce point ? » Parce que tu n'y connais rien en brûlure, toi. 1er degrés, 2ème degrés, 3ème degrés... Comment savoir ce qu'il en est vraiment ? Et surtout, quels sont les soins adaptés ? Tu n'en sais rien du tout ! Alors, sur un ton presque innocent, tu finis par demander : « Si on met un peu de pommade, ça ne suffira pas à faire passer la douleur ? » Encore, faudrait-il que ton oncle ait de la pommade à disposition...

Ryuu était le premier à encourager les jeunes artistes à s'accrocher à leurs rêves. Il le faisait pour sa propre nièce. Cependant, ne comptez pas sur lui pour enjoliver la réalité, c'était un milieu difficile, souvent cruel. Ce monde était ingrat, certains talents étaient ignorés pour des raisons qui lui échappaient complètement. Ne pas abandonner demandait beaucoup de détermination et d'abnégation, il ne doutait pas que Emi ait tout ce qu'il fallait pour s'accrocher. Il releva la tête de ce qu'il faisait pour observer la jeune femme, un petit sourire en coin, il hocha la tête à ce qu'elle disait avant d'éclater de rire. « Bien Mademoiselle Jung, je vous laisse vous débrouiller seule. Tu sais que je suis là au besoin. » Il afficha un sourire plus en coin. « Oh je sais que vous êtes juste amis mais ça te peinait presque il n'y a pas si longtemps ! » Il lui fît un clin d'œil amusé. Sa nièce était aussi fleur bleue et crucheuse en série que lui prenait extrêmement de temps à développer sentiment et attirance. Comme quoi, pour tout ceux qui en prétendaient le contraire, les différentes orientations et sexualités n'étaient pas héréditaires et génétiques. À papoter mais surtout se moquer gentiment de Emi, Ryuu eut un retour de karma immédiat, se brûlant avec le plat qu'il était en train de préparer. Il avait de bons réflexes et coupa le tout avant de mettre sa main sous l'eau. Pour rassurer la jeune femme, il lui montra sa main, attendrit par l'inquiétude de sa nièce. « Ce n'est pas grave mais ma peau risque de tirer un peu pendant un ou deux jours. » Il n'était pas dermatologue mais son métier l'obligeait à avoir quelque connaissance sur la peau et son fonctionnement. Et il avait tendance à être la tête dans les nuages, les bobos sans gravité, c'était monnaie courante pour lui. « Dis toi que ça fait moins mal que de se faire retirer un tatouage. » Ryuu s'était déjà fait détatouer et on ne l'y reprendra plus, il préférait de loin recouvrir plutôt qu'enlever. Il hocha la tête à ce que lui disait Emi. « Ah oui ! » Il coupa l'eau et essuya sa main avec un torchon propre. « Il y a de la crème cicatrisante dans la salle de bain, tu peux aller chercher le tube s'il te plaît ? » Elle semblait surprise qu'il soit si préparé. « Que ce soit tatouage ou détatouage, c'est très important. » Il était le premier à donner une liste de différentes crèmes à ses clients lorsqu'ils quittaient le salon. Emi ne mit pas longtemps à revenir avec le bon tube, l'oncle tendit la main pour le lui prendre mais elle refusa, visiblement décidée à le soigner. Il tendit donc sa main blessée avec un air faussement résigné. La jeune femme débouchonna le tube et comme ils étaient une famille de petits chaos sur pieds, le bouchon lui échappa des mains. Ryuu tenta un sauvetage mais de sa main brûlée, sa peau en souffrance le rappela à l'ordre et il avorta son mouvement, l'objet tomba alors au sol. Un des chats se mit en chasse de l'objet et lui donna un coup de patte. « Uta dame ! » Et le bouchon prit de la vitesse et roula pour finir... sous un meuble. Uta fixa le dessous du meuble, comme si son nouveau jeu pouvait en surgir soudainement. Ryuu poussa un soupir et regarda sa nièce. « Quelle famille ! » Il se mit  rire, pas surpris par la maladresse habituelle de sa nièce et lui tendit de nouveau sa main, ils verraient pour le bouchon plus tard, le repas n'était même pas encore terminé !