Fringues sombres sur le dos, la capuche de son sweat rabattue sur son crâne vide de neurones, Guwon frime devant la caméra cachée. Son plan va se dérouler à merveille, comme toujours. Il n’est pas à sa première expérience du genre. Si vous avez la curiosité de taper prank sur tik tok, vous avez de grandes chances de tomber sur son compte en premier. Ses vidéos sont populaires, sa stupidité ou son humour - selon les points de vue - attire facilement les curieux ou les envieux. Il ne se prend pas au sérieux. Il aime le grotesque, les réactions humaines face à des situations inédites et rocambolesques car elles sont souvent les plus sincères. Il faut savoir faire preuve d’autodérision car au fond, il n’y a pas mort d’homme. C’est en tout cas son nindo sauf quand il est question du rap. Il a une street credibility à préserver pour pouvoir se faire un nom dans un milieu qui… ne veut clairement pas de lui ! Le garçon devrait, un jour, ouvrir les yeux sur ses vraies compétences et sur tout le reste… Mais quand on aime une passion, sommes-nous obligés d’être bons voire excellents ? En tout cas, à passer ses journées dans le noir comme Vitaa, Guwon finit par avoir une illusion optique et sonore quand il se croit être le roi du hip hop. Pas de bol.

Pourtant, caché dans un recoin du parking public, il est convaincu que cette demoiselle ne sort pas de son imagination. Pas besoin de s’emballer… Disons juste qu’après avoir attendu autant de temps pour avoir une victime, il y a de quoi être d’être la marionnette des mirages. S’avançant fièrement, et par on ne sait quel miracle, discrètement vers sa proie, il entend cette vieille musique de Shrek dans un coin de sa tête : “ Hey now, you’re a rockstar, get your game on, go play ! “ Tout aurait pu se passer bien si cette pauvre inconnue avait des dons de télépathe… Mais il découvre, à son insu, que la supposée proie est au sommet de la chaîne alimentaire et qu’elle est plus dans l’aspect physique que mental… La preuve quand Guwon subit un mauvais coup à l'œil après avoir été tiré le canon à confettis. Un beau spectacle dont il ne peut pas profiter, recouvrant une partie de son visage de sa main. Un peu sonné par l’attaque, c’est avec le cœur meurtri qu’on l’entend se plaindre comme un homme… Car oui, un homme blessé ne sait dire qu’une seule chose : “ Maman. “

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Nami était en route pour récupérer son vélo, laissé sur le parking devant le resto dans lequelle elle était allée manger. Elle était repue. Elle était heureuse. Et une seule envie, rentrer chez elle, boire un bon litre de café et travailler. Une soirée bien remplie mais qu'elle espérait productive, elle avait plusieurs vidéos à monter, des restaurants à faire découvrir, des bons plans à présenter. Bref, son quotidien. Alors qu'elle chantonnait tranquillement, un écouteur sur les oreilles l'autre enlevé pour, théoriquement, être alerte à ce qui l'entourait, elle se dirigeait vers son vélo. Et de toute évidence, enlever un écouteur ne lui avait servi à rien, car elle n'avait absolument pas entendu le jeune homme s'approcher d'elle. Ce qu'elle a bien entendu par contre, c'est le tir du canon à confetti. Et dans un cri et un geste de pur instinct de survie, elle finit par lui coller son poing dans la figure.  

"Oh mon dieu, désolée" Bon, était-elle vraiment désolée ? A moitié seulement. C'est qu'elle lui en voulait de lui avoir fait peur. Intentionnellement en plus de ça. Qui pourrait se dire que c'était une bonne idée de faire peur à une femme seule, la nuit ? Un idiot. "Vous allez bien ?" demanda-t-elle d'une petite voix. Les petits confettis continuaient de voler autour d'eux alors qu'elle tentait de calmer son pauvre petit cœur et ravaler les larmes qui pointaient le bout de leur nez. Maintenant que son cœur reprenait un rythme normal petit à petit, la colère commençait à remplacer la peur. "Mais ça va pas de faire ça ! Heureusement pour vous que j'avais pas un spray au poivre dans les mains !" Ou un taser. Ou autre chose. Quoique, peut-être aurait-il appris sa leçon au moins. Et qu'il y réfléchirait à deux fois avant de tenter de faire mourir de peur quelqu'un qu'il ne connaissait pas. Qu'il fasse ça à ses amis, pas à de pauvres inconnus qui ne demandent rien d'autre que rentrer chez eux en paix.

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Plus c’est gros, plus ça passe. Guwon est à mille lieux de s’inquiéter. Dans une autre dimension, il serait le vaillant successeur de Midas, celui qui a le pouvoir de tout transformer en or. Le succès est toujours de mise et il peut compter sur son talent illimité pour sublimer le tout. Ses idées, si on se concentre cinq minutes, ne sont pas inédites mais ça attire tout de même les curieux. A force de consommer du contenu issu des réseaux sociaux, tout devient rapide à consommer au point que les gens finissent par se déconcentrer avec le temps. C’est en tout cas la théorie des vieux boomers qui sont dépassés par les évènements, par les jeunes et par un orgueil qu’ils ne peuvent plus satisfaire ! Qu’importe, les tenants et les aboutissants, cette histoire remplit les poches de Moon Guwon. D’ailleurs, il commence à manquer de place qu’il a songé à devenir un kangourou ! De quoi rentabiliser un maximum si on néglige le flow.

Le flow, c’est devenu un concept étranger pour le garçon, quand il se retrouve victime d’un coup bien placé. Il ne faut pas juger un livre à sa couverture. Comment aurait-il pu devenir que la cible de ses singeries serait une championne de MMA ? Si on se concentre sur sa théorie, peut-être qu’il n’a pas appelé sa mère à la rescousse, peut-être qu’il a voulu parler de ce sport. Non, rien à faire, c’est trop tard. Sa réputation est ternie. Il a intérêt à supprimer tous les rushs. Quoi que, les gens pourraient avoir pitié et donc lui feraient des dons pour dissimuler son oeil au beurre noir ? Il ne faut pas trop compter dessus alors qu’il se sent un peu plus près des étoiles.

Il entend la voix de l’inconnue s’adresser à lui. Des excuses pour le mauvais geste. Guwon s’en doutait qu’un jour la chance finirait par lui tourner le dos. Il ne s’attendait juste pas à ce que ça soit si tôt. Qu’allait-il devenir ? “ Je crois que j’ai été touché par la grâce divine. “Un rappel à la réalité que même dans la mythologie grecque, les histoires ont tendance à mal tourner. Tant pis pour Midas, tant pis pour Guwon. L’inconscient finit par réagir : “ Oh j’aurais préféré le spray au poivre… Maintenant, je suis marqué à vie. “ Lui et son sens de l’exagération. “ Vous avez un miroir ?!! “ demande-t-il subitement et en panique. NON. IL NE VEUT PAS RESSEMBLER À UN POUILLEUX. Ses yeux commencent à briller, non pas à la vue des confettis, mais il ne veut pas ressembler à La Bête. “ Désolé, ce n’était pas contre vous. Je voulais faire une vidéo pour Internet. “ Ce n’est pas une excuse, juste la réalité des choses. “ Je suis étonné de voir que vous n’avez pas tant aimé mes confettis, surtout vu la couleur de votre vélo. “  Peut-être qu’il va finir avec un deuxième coup à l’autre œil. “ Vous avez un sacré coup droit… Je ne sais pas si on a déjà eu l’occasion de vous complimenter là-dessus. “


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