ur a loser, lol

C’est vrai que je me contredis. Et que ma manière d’amener les choses n’était certainement pas la plus habile de la décennie. Lui laisser carte blanche, c’est le genre de pari risqué auquel je ne devrais pas me frotter. Quoi que le savoir capable de surpasser certaines limites suffirait à me laisser tenter par l’expérience. Je jurerais que parfois, si lui et moi ne partagions pas un même toit et qu’accessoirement, mon frère n’était pas non plus son propriétaire, il aurait pu se passer tellement plus de choses entre nous que parfois, j’ai du mal à me l’avouer, à faire taire ma conscience et à me remettre les idées en place. Evidemment, les choses sont décidément plus simples quand on connait le quotidien du garçon et ses pensées les plus profondes. Il y a un peu de ça aussi que me fait douter des hommes, un peu, tout le temps. De grands et de beaux mots au visage. Quand par derrière, et n’allez pas imaginer là de sales positions, le voile de la considération qu’ils prétendait vous porter tombe et révèle les pires pensées.

« C’est pas parce que la critique ne va pas dans ton sens qu’elle n’est pas objective. Bien sûr que je t’ai rendu ton baiser. Pour que la science avance, faut savoir faire des sacrifices, je te l’ai dit ! Mais je t’aurais sans doute servi un whisky ou une eau-de-vie traditionnelle si j’avais su que tu comptais redorer ton blason en m’embrassant. Qui sait où ces lèvres ont bien pu traîner, hein ?! » J’attrape sa mâchoire dans le creux de ma main et la presse entre mes doigts avec une certaine expression de dégoût surjoué.

Il occupe la place sur le siège d’à côté et l’entendre bafouiller autant de conneries avec une assurance aussi crue, ça me donne envie de me taper la tête contre le plan de travail de la cuisine. « Je te rappelle le nombre de rendez-vous que j’ai eu à saboter avec les lubies de ma mère de me voir mariée dans l’année ? Tu t’adresses vraiment pas à la bonne personne pour parler rendez-vous parce que si tu veux mon avis, le meilleur rendez-vous, c’est pas de rendez-vous. » Je vous le dis, un jour je vais finir par développer une phobie-dating. « Mais si tu veux vraiment mon avis, la meilleure technique de drague pour toi, elle est muette. Laisse donc s’exprimer ce corps et ce physique si avantageux ! » Je m’exprime avec théâtralité, un sourire moqueur au coin des lèvres. « Souviens-toi juste de ce que tu dois faire et oublies ce que tu voudrais dire, ok mon amour ?! » Je crois que la phrase exacte c’est, sois beau et tais-toi. Mon amour, c'est purement pour l'effet de style.

Je saute du haut de mon siège avec une fierté non dissimulée et récupère sa bière vide que je dépose avec la mienne aux pieds de la poubelle. « D’ailleurs. Ma mère voulait savoir si je rentrais dans la semaine et elle a proposé que tu viennes passer la fin des fêtes à la maison. Mais je lui ai dit que t’avais mangé un bol de riz pas assez cuit et que t’avais des problèmes de constipation depuis alors que ce serait pas trop possible et tout ça… elle te souhaite un bon rétablissement, du coup ! » Oui bah, fallait improviser.

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tenue + Et blablabla, et blablabla. Toujours la même rengaine. Seah ne pouvait-elle dont tout simplement pas avouer que ce baiser lui avait plu ? Qu’il embrassait bien ? Visiblement, cela lui couterait trop cher. Elle avait beau critiquer son égo, elle n’était pas mieux, au final. Car ok, les femmes sont différentes, certaines sont plus sensibles que d’autres, elles n’aiment pas les mêmes choses, donc, sexuellement parlant, les débriefs sur ses performances peuvent varier. Mais il avait toujours eut d’excellents retours sur ses baisers. Alors merde, qu’elle assume ! Mais en bon gentleman, et surtout, n’ayant pas l’envie d’avoir cette discussion de sourd, Jun Young ne releva pas les dires de sa cadette. Sauf sur un détail. « Parce que les tiennes n’ont jamais trainé sur une teub peut-être. ». Cru. Comme souvent avec lui. Mais là, c’était du à de l’agacement. Rien de plus. Et quand elle se mit à lui prendre sa mâchoire, il prit volontiers une grimace, une bouche de poisson exagérée. Deux enfants. Et lorsque Seah le relâcha, il prit donc place à ses côtés, s’installant pour l’observer de nouveau, dans le but de trouver une faille, et, d’à son tour, lui assainir des remarques cinglantes.

« En dehors de tous ces gars qu’elle te trouve, t’as bien eu de vrais dates, non ? Au collège, ou au lycée, j’sais pas. Tes exs, t’as pas que fait du coloriage avec eux j’pense. Donc vous avez fait quoi, aux débuts ? Aux tout débuts. ». Et voilà qu’elle repartait dans son délire de psychanalyste et coach-dating. Comme s’il avait besoin de ça ! Un refus sur cent accords, ce n’était rien du tout. Enfin. Juste un peu salé. « Donc tu admets que j’suis beau. ». Et d’un sourire victorieux, un ! « Vraiment ? Tu penses ? Ca m’étonne, mais ok, je note. ». Finissant sa bière, il eut à peine le temps de la poser que celle-ci disparut dans la main de Seah. Elle partit les jeter, et le basketteur se frappa alors le front en l’entendant raconter gaiement sa conversation téléphonique d’avec sa mère. « … Evidemment, t’as rien trouvé de plus glamour. Mais tu sais, on a une pharmacie pas loin de la maison, j’peux aller acheter des médicaments facilement et m’en remettre sous deux jours ! ». Jun Young décida alors de l’imiter et quitter son siège. Et, de ce pas félin qui le caractérisait si bien dans ses phases de chasse, il la rejoignit, pour finir par se coller à elle, contre son dos, et l’entourer de ses bras. Il se pencha pour avoir son visage près du sien, et prit sa voix de charmeur. « Moi je veux la voir, belle-maman. Lui dire, et surtout, lui montrer combien j’aime ma petite femme. ». Sur ce, il lui déposa un baiser dans le cou, ses mains longeant les bras de la demoiselle pour les lui caresser, puis un deuxième, un troisième… Avant se bloquer sa tête avec son bras, la forcer à se pencher, et lui frotter le haut du crâne avec son poing. « Tu vas voir qui c’est qui est constipé ! Sale naine ! Sois plus gentille avec moi si tu veux pas finir avec un chaebol hautain et mysogine ! ». Car, ne l’oublions pas, elle lui devait quand même beaucoup ! Certes, le basketteur n’était pas le prince charmant, mais en attendant, il aidait Seah à ne pas finir prisonnière d’une vie imposée.

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Je le dévisage, les yeux grands ouverts et la mâchoire qui m’en tombe presque à sa répartie cinglante, crue et sans filtre. J’hésite un long moment avant de répondre, imitant le poisson quand je pense trouver quelque chose à dire et puis qu’en fait, non. « Cette conversation s’arrête là. » Je vais pas aller me griller pour ses beaux yeux et sa langue un peu trop pendue. Je feins l’innocence sur mon doux visage et lui lève mon index sous le nez pour lui signifier que c’est non-négociable – mais je trouve surtout que ça me donne des airs de maîtresse qui réprimande un enfant de maternelle et que du coup, c’est moyen pour la crédibilité. Je vais plutôt débarrasser les bières vides, ça nous permettra peut-être d’embrayer sur un sujet moins tangent.

« Rappelle-moi pourquoi on parle de ça encore ? J’ai pas demandé de psychanalyse pour ma part. J’aime juste pas l’ambiance d’un date, ok ? Et le collège et le lycée n’ont absolument rien à voir. A cette période je devais pas échapper à la folie de ma mère mais au radar de mon frère. Quoi que t’aurais tort de dénigrer le coloriage. C’est une activité très noble ET-- il se trouve que je suis un peu le Picasso du feutre. » Je le fixe en faisant rapidement bouger mes sourcils comme si je venais de lui raconter le potin du siècle – ou que j’essayais de lui dealer de la farine à prix moyen.

Loin de réciproquer ses petits regards qui me font déjà regretter d’avoir formuler à voix haute une confession que j’aurais mieux fait de garder pour moi, je lève les yeux au ciel en le sentant se glisser dans mon dos pour me coincer entre lui et les éléments de cuisine. « C’que t’es mignon… tu ferais ça pour moi ? Alors, il faudra aussi que je te présente à mon grand-frère. Il sera là lui aussi… il va t’adorer, j’en suis certaine. » D’un sourire espiègle, je me prendrais sincèrement au jeu mais la scène est presque trop adorable pour être réelle. Depuis sa voix suave à mon oreille jusqu’à ses baisers qui se déposent dans mon cou avec une infinie douceur. Je me surprendrais sans doute à aimer ça si ce n’était pas lui, notre petit jeu à nous et une délicatesse surfaite qui ne lui ressemble pas. Un jeu d’acteur parfait qui m’arrache un sourire presque satisfait.

Et puis, le bourrin revient à l’assaut.

Je proteste au point que ma voix me lâche, que ma gorge me trahit et que le souffle vient à me manquer. Tortillant mon corps dans tous les sens pour échapper à la torture de ses bras qui me coincent et de son poing qui me shampooine le crâne en même temps qu’il me décoiffe. D’un coup sec dans les côtes, mon coude met fin à mon supplice et je m’écarte violemment de lui en manquant d’y laisser mon équilibre au combat. « YAISH ! » Je me redresse, sourcils froncés, cheveux en bataille et tapant du pied pour manifester mon mécontentement. « J’y peux rien si c’est la première excuse qui m’est venue à l’esprit ! Fallait que je réfléchisse vite et figure-toi que si la première chose à laquelle je pense quand je pense à toi ce sont des problèmes de constipation, c’est pas de ma faute ! A ta place je poserais des questions ! Et je me remettrais en question. » Je me recoiffe, défroisse mes vêtements chiffonnés et plisse les yeux en le fixant d’un regard mauvais et prédateur.

« Heol ! tu me menaces ? Essaye un peu de faire ça. Essaye un peu et la prochaine fois que ta mère appellera sur ton téléphone que t’auras encore oublié dans mon salon, je lui toucherai deux mots de ton mode de vie et elle débarquera chez toi ambiance militaire ! » Je riposte d’une traite et sans ciller.

Qu’il n’oublie pas que ce jeu-là se joue à deux.
Et qu’autant ma mère peut se montrer très relou à m’imposer des rendez-vous que je subissais jusqu’à lui mentir sur ma prétendue relation avec Jun Young.
Autant sa mère à lui ne vaut pas mieux sur le plan traditionnel et qu’il devrait lui aussi me remercier d’être une (fausse) petite-amie aussi exemplaire, jolie et bien élevée pour relever son niveau.

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tenue + D’un point de vue extérieur, on pourrait aisément les prendre pour frère et sœur. En effet, ils ont une complicité, un lien des plus explosifs. Comme cette fameuse expression « comme chien et chat ». Reste juste à définir qui occupe la plus de quel animal. M’enfin, ce n’est qu’un détail. Pour revenir à nos moutons (décidément trop d’animaux en si peu de temps), les deux jeunes passaient leur temps à s’envoyer des pics, se chamailler pour un rien, s’amuser à emmerder l’autre ne n’importe quelle façon. Evidemment, parfois, ils se montraient calmes, et avaient des discussions posées. Mais c’était comme un match permanent entre eux. Sans fin. La récompense ? Le but ? Allez savoir. Peut-être un simple gonflement d’égo, ou bien le plaisir de soumettre l’autre. Dans tous les cas, Jun Young comptait bien se servir des propos de sa cadette contre elle. Se taire et laisser son corps agir ? Très bien. Avec plaisir même. Mais elle allait regretter d’avoir prononcer ces mots. Tout d’abord par cette étreinte, ces caresses lentes, ces tendres baisers dans son cou. Puis cet emprisonnement par son bras pour s’amuser à la décoiffer. Elle faisait moins la maligne là !

Sauf que, bien sûr, Seah répliqua. Et un coup dans les côtes fit lâcher au basketteur sa prise, tandis qu’un grognement sourd de douleur quitta ses lèvres. La connasse ! Se massant le flanc, il fronça les sourcils et la dévisagea. « Maîtrises toi la gosse ! Si tu m’abîmes, t’auras le coach sur le dos ! ». En effet, faute que la saison de basket ait reprit, il se devait d’être au meilleur de sa forme. « Blablabla, vaudrait mieux pas pour toi que tu saches c’qui me vient à l’esprit quand j’imagine ta tronche de sèche grillée ! ». Claquant sa langue dans sa bouche, il la regarda se refaire une « beauté ». Quelle peste. « Bah vas y ! Elle ne te croira pas ! Jim lui fait aussi des éloges sur moi, et mes résultats sont bons. T’es en plus mauvaise position que moi la naine. ». Enfin, tout du moins, dans sa tête. Car Maman Choi l’appréciait beaucoup, Seah. Et elle croirait sans doute plus la jeune femme que son géant de fils.

Jun Young s’ébouriffa alors les cheveux et lâcha un long soupire. « Tu sais quoi ? Tu me soules encore plus que cette fille. C’pas de ça que j’avais besoin. T’es vraiment une amie en carton. Le jour où t’auras une peine de cœur, faudra pas compter sur moi. ». Mais oui, bien sûr. On sait tous que derrière ce caractère de coureur de jupon à la grande gueule, tu as un grand cœur, toujours prêt à être l’épaule sur laquelle se reposer. Mais tu veux faire ton grand, et ton détaché. Idiot va. Sur ces mots, le basketteur daigna lui adresser un insignifiant geste de la main, avant de quitter la demeure principale pour se rendre chez lui. Dans son studio. Pas la force de retrouver en ville. Autant défouler ses nerfs sur un bon jeu vidéo, jusqu’à ce que le sommeil ait raison de lui. Jun Young n’était pas un rancunier, mais ce manque de compassion et de sincérité de la part de sa fausse petite-amie, aussi jolie soit-elle, il ne l’oubliera pas. Du moins, voulait-il s’en convaincre.