La vessie de la jeune femme ne tenait plus. Nayoung ne pouvait plus se retenir et malheureusement, elle ne connaissait pas le chemin vers les toilettes dans cette partie de la faculté. La jeune femme ne s’aventurait pas vraiment dans les différentes parties de la Yonsei. Ce n’était pas parce qu’elle ne voulait pas, mais juste parce que ça ne l’intéressait pas vraiment. Nana cherchait donc des toilettes, sans réellement remarquer où elle se trouvait. Elle entra donc dans les premiers qu’elle trouva et s’enferma dans une cabine. La jeune femme finitn par en sortir quelques temps plus tard et se lava les mains, contente de s’être enfin soulagée. Elle allait partir quand elle se retrouva nez à nez avec un homme. Nayoung ouvrit la bouche de surprise, voulant sûrement échapper un cri mais elle était incapable de parler. S’était-elle trompée de toilettes ? Ou alors, c’était lui qui n’était pas dans les bons ? Elle n’en savait rien mais elle détourna le regard du jeune homme, rougissant légèrement à cause de la situation. Elle voulut parler mais une nouvelle fois, sa voix lui fit défaut. Elle ne parvenait pas à dire quelque chose dans cette situation. Elle chercha alors son téléphone pour écrire quelque chose dessus mais à cause du stress, elle le lâcha, le faisant exploser contre le sol. Super, il ne lui manquait plus que ça. Nayoung le regarda avec désespoir et soupira. Elle n’avait pas sur elle de carnet pour écrire ce qu’elle voulait dire. Nana s’accroupit pour le récupérer, ses mains tremblants à cause du stress et du fait qu’elle était maintenant incapable de communiquer avec la personne qu’elle venait de bousculer dans des toilettes qu’elle ne savait pas s’ils étaient pour les hommes ou pour les femmes.

« Hey, Min Jae ?! Ça te dit qu'on se fasse un resto jap' ? » Relevant la tête vers ton camarade, celui-ci se tenant près de la sortie de l’amphithéâtre, tu hoches légèrement la tête. « Ouais, pourquoi pas ?! » Un bon plat japonais... Ça fait longtemps que t'en as pas bouffé. Te dépêchant donc de ranger ton ordinateur portable dans ton sac, tu te lèves de ton siège et les rejoins. Mais tandis que tu passes la porte, tu t'arrêtes brusquement, avant de t'exclamer à leur intention : « Partez devant, j'vous rejoins là bas ! J'dois prendre un truc dans mon casier et passer aux chiottes, avant ! » Et sur ces mots, tu te diriges vers le couloir dans lequel se trouvent les casiers, y récupérant rapidement l'un de tes livres de droits, avant de filer tout droit vers les toilettes du bâtiment. Toutefois, et alors que tu pousses la porte des sanitaires, tu te retrouves face à une jeune femme.

Dans un premier temps, t'es un peu décontenancé parce que t'es pratiquement certain d'avoir poussé la porte des chiottes pour hommes. Celle-là même sur laquelle se trouve un logo en forme de silhouette masculine. Puis, après avoir jeté un coup d’œil autour de toi et bel et bien remarqué la présence d'urinoirs, au fond de la pièce, tu arques un sourcil. « Je peux savoir ce que tu fais là ? » Observant la jeune femme qui te regarde, une expression complètement ahurie scotchée au visage, tu reprends : « T'es une sorte de perverse, ou quelque chose comme ça ? » Puis, feignant une moue sévère, tu finis cependant par éclater de rire quand tu la vois détourner les yeux et rougir. « Oh oh oh ! On dirait bien que j'ai raison ! T'es vraiment une perverse ! » Sinon, pourquoi se trouverait-elle dans les toilettes des hommes ? « Tu sais que c'est vraiment pas cool ce que t'es en train de faire ?! Je vais devoir aller te dénoncer... » que tu finis alors de l'achever, un air exagérément grave. Sauf que là, tu la vois paniquer, tenter d'attraper quelque chose dans son sac (son téléphone) puis, finalement, le faire tomber au sol. Et alors qu'elle s'accroupit pour le ramasser, tu remarques que ses mains tremblent fortement. Quelque peu inquiet, tu viens donc t'accroupir à ton tour pour te retrouver à sa hauteur. « Hey, t'inquiète, ça va ! J'disais ça juste pour rire ! J'ai pas l'intention d'aller te dénoncer... » Même si t'avoues trouver ça un brin cheloue comme situation, t'en as littéralement rien à foutre qu'elle soit là. Elle pourrait te mater en train de pisser si ça lui chante, que tu t'en foutrais comme de ton premier caleçon...

L’inattention dont elle faisait preuve n’était pas quelque chose de peu commun. Au contraire, il arrivait souvent que Nayoung soit tellement focalisée sur quelque chose, qu’elle oublie le reste autour d’elle. Son entrée dans les toilettes des hommes n’était donc pas quelque chose d’impossible. Elle avait tellement eu envie d’aller aux toilettes qu’elle n’avait même pas pensé à regarder autour d’elle pour savoir si elle entrait dans ceux des femmes. Si la jeune femme avait fait un minimum attention à ce qui l’entourait, elle aurait vu les urinoirs et puis surtout, elle ne se serait pas attardée dans les toilettes, cherchant celles des femmes qui devaient se trouver pas loin. Mais elle n’avait pas fait attention et tandis qu’elle se lavait les mains, après avoir fait son affaire, et s’apprêtait à partir, elle se retrouva nez à nez avec un homme. Elle grimaça légèrement en le voyant, ayant eu peur. Nana n’eut même pas la possibilité de crier de peur puisque sa voix lui faisait défaut. Elle ne put même pas non plus lui dire ce qu’elle faisait là, ou même démentir le fait qu’elle était une perverse. Elle secoua cependant la tête vigoureusement, espérant qu’il comprenne qu’elle n’était pas ce qu’il insinuait. Nayoung n’avait aucun désir de se faire prendre pour une personne avec de mauvaises intentions.

Nana commença à paniquer en l’entendant dire qu’il allait la dénoncer et chercha frénétiquement son téléphone dans son sac pour lui écrire les quelques mots qu’elle ne parvenait pas à prononcer. Elle se sentait tellement inutile, tellement impuissante face à cette situation. Si seulement elle avait sa voix ! Mais ce n’était pas le cas et même si elle tentait de parler, se forçant à trouver les sons au fond de sa gorge, elle restait silencieuse. La seule façon que Nayoung avait de communiquer avec lui était avec son téléphone. Cependant, un malheur n’arrivant jamais seul, la jeune femme lâcha son téléphone qui s’écrasa au sol avec fracas. Elle se baissa pour le ramasser mais remarqua qu’il était cassé. Elle sursauta quand le jeune homme se baissa à sa hauteur et se sentit encore plus mal quand il reprit la parole, emplissant l’espace et supprimant le silence. Nana releva la tête vers lui, les larmes s’accumulant au creux de ses yeux. Elle ne voulait pas pleurer, mais elle ne pouvait pas faire autrement. L’accumulation des derniers événements de sa vie fit qu’elle se mit à craquer, pleurant à chaudes larmes. Nayoung n’avait pas prévu de pleurer et encore moins dans les toilettes des hommes devant quelqu’un qu’elle ne connaissait pas. Elle attrapa alors, au travers de ses larmes, un bout de papier et un stylo et écrivit quelques mots. Elle ne savait même pas si c’était lisible. « Désolée… Je ne parle pas. » Nana ne pouvait même pas voir si elle avait bien écrit et surtout s’il pouvait comprendre parce qu’elle pleurait toujours et que sa vision était totalement brouillée par les larmes. Un enfer !

T'adores faire chier les gens, Min Jae. C’est comme une passion, pour toi. Un hobby que tu pratiques avec une assiduité sans égale. Mais au-delà d'apprécier les faire tourner en bourrique, tu te réjouis également de les regarder s’énerver. De voir la patience les quitter peu à peu alors que tu prends un malin plaisir à les pousser dans leurs derniers retranchements. Pour quelle raison ? A vrai dire, il n’y en a pas vraiment. T’es juste chiant, c'est tout ! Un sacré petit con qui mériterait une bonne correction… Et pourtant, t’es pas forcément quelqu’un de méchant, Min Jae. Pas foncièrement, en tout cas. Alors, quand cette jeune femme, juste en face de toi, se met à paniquer, tu commences un peu à regretter.

C’était juste une boutade, pourtant. Une toute petite blague, et tu n’allais pas vraiment la dénoncer à qui que ce soit. Mais force est de constater qu’elle a réellement pris tes « menaces » au pied de la lettre et tu te retrouves alors, là, accroupis juste en face d’elle à tenter de la réconforter. Sauf que, toi, t’es pas vraiment doué dans cet exercice, Min Jae. On peut même dire que tu es carrément nul à chier, et tandis que tu jettes quelques regards embarrassés autour de toi, peut-être dans l'espoir de trouver de l'aide – sait-on jamais – ou priant tout simplement pour que personne ne rentre dans les toilettes à ce moment là – raison la plus probable, sans aucun doute - tu reportes finalement ton attention sur la jeune femme, remarquant aux creux de ses yeux les quelques larmes qui menacent de s'échapper. « Euh… » est alors la seule chose que tu parviens à prononcer dans l’immédiat. Et finalement, ce qui devait arriver arriva. Devant l'humain totalement impuissant que tu es, la jeune femme se met littéralement à chialer. Et franchement, sur le moment, tu n'comprends pas trop comment vous avez pu en arriver là. « Hey pardon ! C’était juste une blague ! Je n’voulais pas te faire pleurer… » que tu t’empresses alors de dire, complètement déboussolé par la tournure que prennent les événements. Le pire c’est que tu n’es même pas un peu au bout de tes surprises, et alors que la jeune femme sort un morceau de papier pour y annoter quelque chose, tu arques un sourcil, à la fois curieux et perplexe. Jusqu’à ce qu’elle te tende enfin le dit papier pour que tu puisses voir ce qui est écrit... « Ah… » que tu laisses alors échapper à la lecture des quelques mots, l'air un peu penaud. « C’est ballot… » Sérieux Min Jae ? Tu n'avais vraiment que ça comme réponse, en magasin ? « Enfin, j’veux dire, ça explique pas mal de choses, du coup... » Comme l'incapacité de la jeune femme à se défendre alors que tu la traitais de perverse, par exemple. Gêné, tu viens d'ailleurs te gratter légèrement la tête, avant de reprendre : « M'enfin, écoute... Je suis sincèrement désolé ! C'était vraiment pas dans mes intentions de te faire pleurer alors arrête de chialer, ok ? » Est-ce que tu es mal à l'aise, Min Jae ? Tout à fait !

La détresse que Nayoung ressentait l’empêchait de bien réfléchir et surtout d’être adroite dans ses gestes. Elle n’avait pas prévu de se retrouver dans les toilettes des hommes et encore moins face à l’un d’eux. La jeune femme s’était une nouvelle fois perdue dans les couloirs de la fac et avec son envie pressante, elle n’avait fait attention à rien autour d’elle. Il fallait dire que depuis qu’elle n’était plus avec son ex petit ami, son attention avait baissé. Après tout, elle avait mieux à penser, comme sa peine de cœur par exemple. Alors, quand elle voulut expliquer pourquoi elle ne pouvait pas parler, utilisant son téléphone et qu’elle le lâcha, le faisant s’écraser au sol, Nana ne put plus retenir ses larmes de couler de ses yeux. Elle posa son regard paniqué et dégoulinant d’eau salée sur le jeune homme qui ne savait plus où se mettre et c’était normal. Il rentrait dans les toilettes pour faire ce qu’il avait besoin de faire et tombait nez à nez avec une fille muette et maintenant en pleurs. Ça désarçonnerait n’importe quel homme. Ce dernier tentait même de la rassurer en lui disant qu’il blaguait et n’avait pas voulu la faire pleurer. Même si Nayoung le savait et en avait conscience, c’était quand même compliqué pour elle de ne pas pleurer.

Alors pour le rassurer à son tour, elle sortit rapidement un morceau de papier et un stylo, tentant d’écrire convenablement quelques mots dessus. Quand elle lui tendit, sa réaction ne se fit pas attendre et si dans d’autres circonstances, elle aurait pu la faire exploser de rire parce qu’il était complètement spontané et ne se rendait pas compte de la chose, aujourd’hui, ça ne fit que faire couler plus de larmes. Elle en avait marre de se sentir si impuissante face à chaque situation qu’elle rencontrait parce qu’elle n’était pas capable de dire ce qu’elle ressentait ni même pensait. Elle déglutit lentement et renifla sans grande classe. Elle s’en moquait complètement de tout ça. Elle avait simplement envie d’arrêter de pleurer, sans succès. L’inconnu reprit la parole et, choquée par sa façon de lui parler, elle le regarda, la bouche ouverte, les yeux rivés dans les siens. Comment ça arrête de chialer ? Ce n’était pas comme si Nana faisait exprès. Elle avait envie de le frapper et de crier contre lui qu’elle ne faisait pas exprès et qu’elle voudrait bien y arriver. À la place, elle récupéra un nouveau morceau de papier et écrivit quelques mots dessus. Cette fois, ses coups de crayons n’étaient pas tremblants à cause de ses sanglots, mais à cause de la colère qu’elle ressentait d’un coup. C’était peut-être irrationnel et toutes ses émotions se mélangeaient mais elle n’avait pas apprécié comment il lui avait parlé. « Je fais pas exprès okay ! Alors me dire d’arrêter de chialer pendant que j’essaie ça m’aide pas. » Elle lui plaça le papier contre le torse, un peu trop brutalement, tout en se relevant pour se diriger vers les lavabos. Nayoung se passa le visage à l’eau et tenta de stopper à nouveau les larmes sans y parvenir. À force de se retenir de pleurer depuis sa rupture, elle finissait par craquer et lâcher les vannes de ses émotions.

Ton impuissance face à un tel retournement de situation n’a d’égal que l’absurdité de cette scène que tu es en train de vivre. Toi qui venais simplement pour te vider la vessie, voilà que tu te retrouves à tenter de consoler une jeune femme que tu ne connais ni d’Eve, ni d’Adam. Une scène terriblement digne d’une série ou d’un film pour adolescents… Ces films que ton ex petite-amie adorait regarder à l’époque mais que toi tu as toujours eu en horreur. Pourtant, à en juger tes réactions face à la jeune femme, cela ne t’aurait peut-être pas fait de mal d’en regarder quelques-uns, histoire de te documenter un peu. Car, pour sûr, si tu leur avais accordé ne serait-ce qu’un peu plus de crédit, tu saurais qu’un personnage principal masculin digne de ce nom n’aurait jamais osé balancer un « C’est ballot… » sur un ton aussi désinvolte, en apprenant que le premier rôle féminin est incapable de parler. Boulet que tu es… Et tu entendrais presque cette petite voix à ton oreille te souffler des « cheh » ou des « bien fait pour toi » quand la jeune femme en face de toi – dont tu ne connais toujours pas le prénom, soit dit en passant – se met à pleurer de plus belle. Réaction qui a bien évidemment pour effet de te faire « paniquer » un peu plus de ton côté, te faisant une nouvelle fois « déraper ».

Pourtant, ça aussi tu devrais le savoir Min Jae… Dire à quelqu’un qui est en pleine crise de larmes d’arrêter de chialer, ça n’a jamais fonctionné. Tu ne mets d'ailleurs pas très longtemps avant de comprendre ton énième gaffe, la main de la jeune femme venant s'abattre brutalement sur ton torse, et tu t'empares de ce nouveau papier, grimaçant une nouvelle fois en y lisant les quelques mots inscrits. « Ouais bon, ça va ! J'ai compris ! Je ne te dirai plus d'arrêter de chialer... » C'est que, mine de rien, elle a de la force la petite alors tu ne te risquerais pas à l'énerver plus encore. Te redressant toi aussi, tu viens ensuite glisser tes mains dans les poches de ton pantalon, observant la jeune femme tandis qu'elle se passe de l'eau sur le visage, et tu reprends en haussant légèrement les épaules : « N'empêche, j'vois vraiment pas pourquoi tu te mets dans un tel état pour si peu. J'étais juste en train de plaisanter... » Mais bien sûr, Min Jae... Continue de croire que c'est ta petite blagounette qui est à l'origine de toutes ces larmes. Tu es complètement à côté de la plaque, mon bon ami... « Mais, du coup, comment ça se fait que tu ais atterri dans les toilettes des mecs ? Tu ne sais pas lire, non plus ?! » Comprenez par là, en plus de ne pas savoir parler. Et, plutôt fier de ta nouvelle connerie, tu affiches un léger sourire en coin. Cependant, en voyant le regard que te lance la jeune femme à travers le miroir, tu réprimes rapidement ce sourire, avant de rouler légèrement des yeux. « J'essayais juste de détendre l'atmosphère... » que tu finis alors par lâcher dans un murmure, quelque peu blasé.

Nayoung aimerait bien le voir à sa place, dans les toilettes des filles. Seulement, elle se doutait que contrairement à elle, il s’en sortirait parfaitement bien. Mais ce n’était pas sa faute si elle était ainsi. Déjà c’était compliqué de communiquer quand elle avait l’usage de la parole mais là encore plus. Mais le pire, c’était qu’il n’avait aucune idée de ce qu’elle avait pu traverser : la panique qu’elle pouvait ressentir en présence d’une personne de sexe masculin, en plus dans un espace si clos et restreint. Heureusement, il ne semblait pas réellement dangereux, juste un peu idiot sur les bords, mais Nana n’aimait pas plus cette situation que si ça avait été un autre mec dans ces lieux. La gymnaste préféra s’énerver contre le jeune homme parce qu’il lui demandait d’arrêter de pleurer plutôt que de lui expliquer ce qui se passait. Elle n’avait pas envie de se justifier sur le pourquoi. Alors, elle lui plaqua un peu trop brutalement une feuille de papier pour lui demander de stopper de lui demander d’arrêter de pleurer. C’était comme demander à quelqu’un en colère d’arrêter de l’être par magie. Ça ne se passait pas comme ça malheureusement. Nana se passa alors de l’eau sur le visage et releva le visage pour croiser celui de Minjae dans le miroir. Elle le remercia d’un bref signe de tête, avant de tenter de contrôler ses larmes.

La jeune femme pensa qu’il allait sortir et la laisser tranquille, mais non, il reprit la parole et elle mordit dans sa lèvre pour éviter de crier de frustration. Si elle n’arrivait plus à parler, elle parvenait encore à produire des sons, ce qui prouvait que ses cordes vocales étaient encore fonctionnelles et que son blocage était psychologique. Nayoung décida d’ignorer le jeune homme comme on ignorerait un gamin un peu trop encombrant. Peut-être qu’en faisant ça, il comprendrait qu’il était gênant et qu’il partirait. Malheureusement pour elle, il brisa une nouvelle fois le silence et se redressa pour l’assassiner du regard à travers le miroir. Si elle avait eu des armes à la place des yeux, il y a bien longtemps qu’il baignerait dans son sang. Elle leva les yeux au ciel et récupéra une nouvelle fois un morceau de papier pour inscrire quelques mots. « Retrouve toi dans la même situation que moi sans pouvoir expliquer pourquoi t’es là et peut-être qu’on pourra discuter ! » Elle lui tendit, attendant cette fois-ci qu’il prenne le papier pour éviter d’être trop brusque avec lui. Quand il l’eut dans les mains, elle prit une nouvelle feuille et laissa son crayon écrire dessus ce qu’elle pensait. Une fois fini, elle le tint face à ses yeux pour qu’il puisse le lire, le fusillant des siens. « Et avant de te moquer de quelqu’un, tu devrais savoir qu’on a pas tous la même sensibilité et que potentiellement je pourrai avoir des traumatismes liés avec le fait d’être enfermé avec un homme… Ce qui fait que j’ai paniqué en plus d’être incapable de communiquer. J’aimerai bien t’y voir… Espèce d’insensible. » Même si Nayoung n’avait eu aucun désir de lui dire ce qu’il se passait, elle l’avait avoué à mi-mots. Peut-être qu’ainsi, il comprendrait ce qu’elle traversait.

T'as toujours été quelqu'un de très spontané, Min Jae. Que ce soit dans tes réactions ou dans ta façon d'aborder les autres. A vrai dire, impulsif  serait même bien plus approprié pour te qualifier, dans l'immédiat. Plus péjoratif, c'est vrai. Mais beaucoup plus proche de la réalité. Et, de toute évidence, aujourd'hui ne fait pas vraiment exception à la règle. Tu te retrouves face à cette jeune femme, complètement déboussolée et paniquée, et tu ne réfléchis pas. Tu mets simplement les deux pieds dans le plat. Sans mauvaises arrières pensées, évidemment, ton but étant seulement de rendre cette situation un peu moins gênante qu'elle ne l'est, en usant d'un peu d'humour... Mais, finalement, quid des sentiments de la jeune femme dans tout ça ? Car, clairement, on ne peut pas dire que tu en ais réellement tenu compte dans ta tentative totalement foireuse de détendre l'atmosphère, comme tu le dis si bien.

Et pourtant, quand la jeune femme te lance ce regard noir à travers le miroir, tu hausses les épaules et oses faire l'étonné. Le parfait petit innocent... Comme si tu ne voyais pas le mal dans ton comportement. Jusqu'à ce que la jeune femme ne te mette entre les mains un nouveau petit papier que tu lis avec grande attention. Puis un deuxième. Et, une fois de plus, une grimace vient doucement se loger sur ton visage au fur et à mesure de ta lecture. Parce que tu te sens un peu bête, Min Jae. Bête et un tout petit peu piqué par ces derniers mots, aussi. « Je ne suis pas insensible... » finis-tu d'ailleurs par lâcher, dans un murmure un peu bougon, en lui rendant ses morceaux de papier. « Comme tu l'as si bien dit, on a tous des degrés de sensibilité différents. Et ce n'est pas parce que j'ai essayé de plaisanter de la situation, que cela veut dire que je n'ai pas de cœur... » Parce que c'est faux ! Contrairement à ce qu'elle avance, tu as un cœur... Néanmoins, tu es bien forcé d'admettre que la jeune femme n'a pas totalement tort et que ce qui peut sembler n'être qu'une simple boutade pour toi, une simple taquinerie sans grande importance, peut ne pas forcément être interprété et reçu aussi bien par les autres. « Mais, t'as raison ! Je ne connais pas ta vie et je ne sais rien de ce que tu as pu traverser, alors j'aurais peut-être dû faire un peu plus attention... » Tu aurais peut-être dû, en effet... « Je suis désolé, ok ?! » Au moins, tu as la bienséance de reconnaître que tu as eu tort sur ce point. Même si tu trouves toujours que la réaction de la jeune femme était un brin trop extrême... D'ailleurs, pour une raison que tu ne saurais expliquer, certains de ses mots te reviennent en tête. Et si tu as le bon sens de ne pas la questionner sur ces fameux traumatismes dont elle vient de parler – malgré le petit démon nommé « curiosité » qui te souffle à l'oreille de le faire - tu finis toutefois par lui demander : « Au fait, pourquoi t'es incapable de parler ? Tu es née muette ? »

La situation n’était clairement pas idéale. Nayoung aurait aimé se retrouver partout sauf dans cette merde et encore moins avec un mec. Elle aurait sûrement réagi moins viruleusement si ça avait été une femme avec elle. Potentiellement, elle n’aurait même jamais eu de réaction parce que les femmes étaient ses amies. Nana écrivait donc tout ce qui lui passait par la tête, traitant même le type d’insensible parce qu’il n’avait pas fait attention à sa sensibilité et qu’il avait plaisanté de la situation. Il n’aurait pas dû le faire. Parce que si on pouvait rire de tout, on ne pouvait pas le faire avec tout le monde. Le fait d’être enfermée avec lui l’avait trigger plus qu’elle ne l’aurait voulu. Nayoung n’avait qu’une hâte de sortir de là, mais elle ne pourrait pas tant qu’elle pleurait et qu’elle n’était pas calmée. Elle était quand même fière d’elle. Elle n’avait pas été se cacher dans un coin, en boule parce qu’il était entré. Elle avait fait d’énormes progrès et dans d’autres circonstances, elle aurait pu en sourire. Mais pas là.

La jeune femme leva la tête quand il reprit la parole, s’attardant sur ses derniers mots qui l’avaient traité d’insensible. Il semblait vouloir mettre un point d’honneur à dire qu’il n’était pas un mec sans cœur et Nayoung l’écouta, hochant la tête à ses mots. Dans un sens, il n’avait pas tort. Comme elle venait de le mentionner, chacun avait sa sensibilité et donc elle était aussi en tort dans l’histoire. Soupirant elle hocha la tête et lui sourit légèrement quand il s’excusa. Elle acceptait ses excuses et écrivit rapidement les siennes sur ses morceaux de papier avant de les lui montrer. Nana se retourna une nouvelle fois vers les lavabos et se repassa de l’eau sur le visage, tentant de faire disparaître les traces de larmes sur ses joues. Elle espérait que ça ne se verrait pas trop et que si elle rencontrait quelqu’un qu’elle connaissait, elle n’aurait pas de questions. Pensant la conversation terminée, Nayoung ne faisait attention au garçon que d’un œil. Elle releva la tête à ses questions, croisant son regard dans le miroir. Elle secoua la tête pour répondre à la question qui ne nécessitait pas d’écrire. Elle se mordit dans sa lèvre et sentit son corps trembler légèrement à la pensée de décrire ce qu’elle avait vécu. Elle n’avait pas forcément envie d’en parler à un inconnu, mais elle lui devait probablement ça puisqu’il avait pris la peine de s’excuser et qu’il l’avait vu dans un état proche de la crise de panique. Nana attrapa à nouveau de quoi écrire et elle lui expliqua rapidement ce qui c’était passé. Une fois écrit, elle lui tendit la feuille pour qu’il puisse y lire les quelques mots qu’elle avait couché dessus. « Je ne suis pas muette de naissance. C’est un traumatisme que j’ai. Mon ex m’a agressé… Voilà pourquoi j’ai réagi ainsi quand je t’ai vu… Désolée. »Pendant qu’il lisait, Nayoung détourna les yeux pour ne pas voir la pitié dans ses yeux parce que c’était toujours ainsi. Les gens apprenaient la vérité et ensuite ils ne la regardaient plus comme avant, comme une personne normale, mais comme une victime. Ce qu’elle était, mais elle était bien plus que ce statut. Elle était une personne à part entière.