00h15.
Il était tard. Dans le genre trop tard pour un professeur qui devait se lever avec le soleil le lendemain histoire d’arriver à l’heure pour donner son cours d’histoire de l’époque des grandes guerres japonaises. Pourtant, Jae Wook n’avait eu d’autre choix que de reporter l’heure du couché et pour cause, il avait un boulot assez important à terminer et à remettre entre les mains de la yakuza. Cette fois, ce n’était non pas du décodage... mais du codage ! Il avait dût mettre au point un code hautement sophistiqué qui devait être extrêmement difficile à violer. Le genre qui donnerait un mal de crâne à n’importe quel cryptologue confirmé. C’était un travail qui s’était échelonné sur plusieurs mois, fort heureusement, mais il avait promis le résultat final pour ce soir et c’est donc ce qu’il était allé porter dans la plus grande des discrétions. Il ne l’avait même pas remis entre les mains de son frère celui-là et pourtant Dieu sait qu’il confierait sa vie à Jae Rim. Mais certaines choses nécessitaient le moins d’intermédiaires possibles.

Ce n’était donc pas par simple envie d’une ballade nocturne que le professeur Kim se trouvait dans les rues de la Digital City à une heure aussi avancée de la nuit. Mains dans les poches, il revenait à pieds, lui qui avait pris un taxi pour quitter son quartier. Il était encore tout près de la planque des yakuza où il avait dût aller porter la longue documentation à l’homme de confiance qui avait été mis en contact avec lui. Le genre de document qui était probablement déjà en train d’être brûlé dans l’âtre d’un foyer. La nuit aurait probablement pu être plus calme, mais les bruits de fond venaient tous des rues voisines alors que Jae Wook s’enfonçait dans les ruelles, se perdant un peu dans l’ombre de celles-ci avec son complet sur mesure bien noir. Sauf que soudainement... il entend des cris graves qui ordonnaient en japonais de « le rattraper ».Il fronce les sourcils tout en se plaquant contre un mur, réalisant que les voix et les bruits de pas pressés venaient en sa direction. Avant toute chose, il voit débouler un jeune homme qui lui est familier.

Jae Wook ne remarquait pas toutes les têtes à la Yonsei, on s’entend... mais difficile d’oublier celle-là. Ce garçon avait quelque chose de très caractéristique. Beau et énergique, il avait l’air d’un jeune dieu lorsqu’il déboulait dans le stationnement au volant de sa magnifique voiture sport de l’année. Mais ce soir, c’était quand même un peu différent. Et on pouvait le comprendre parce qu’à mesurer le bruit que faisait les hommes derrière lui et les quelques éclats métalliques, il était facile d’en déduire quelques petites choses. Premièrement, ces hommes étaient des yakuza. Ça paraissait juste au fait qu’ils parlaient et japonais et à certaines façons qu’ils avaient de tourner leurs phrases. Ensuite, ils étaient nombreux. Pas besoin d’avoir trois diplômes universitaires pour le savoir, mais c’était son cas en plus. Pas mal, hein ? Et finalement, eh bien ces bruits métalliques... des katana, sûrement. Rien de très rassurant. Jae Wook connaissait les bruits qui couraient sur Yang. Son prénom ne lui venait pas en tête... ça reviendrait peut-être. Quoi qu’il en soit, on disait de Yang qu’il était un jopok. Mais ayant fréquenté des mafieux depuis plusieurs années et son frère en étant lui-même un très important, ça l’avait toujours doucement fait rire. Quelque chose ne collait pas...

Alors ni une, ni deux et même si ça pouvait passer pour un acte de trahison, que Jae Wook ne soit pas officiellement yakuza n’y changeant pas grand chose, il attrape le jeune homme par le bras pour le tirer vers lui. Rapidement, il le pousse entre le mur et une poubelle, suivant le mouvement histoire de le plaquer contre le dit mur. Il pose une main contre les lèvres du garçon et de l’autre, il vient appuyé un index contre les siennes.

« Shht... », murmure Jae Wook. Lentement, il tourne la tête de côté. Un peu accroupis, ils étaient bien cachés et les hommes passent tout droit, en faisant toujours autant de bruit sinon plus. Franchement... il connaissait des yakuza plus efficaces que ça. Ceux-là devaient être des larbins qui n’y connaissaient pas grand chose et aimaient faire beaucoup de bruit pour rien. Le regard félin et sombre comme deux puits sans fond de Jae Wook vient s’ancrer à celui du jeune homme. « Qu’est-ce que tu as fait pour attirer leur colère comme ça ? »

Son ton était rauque à souhait mais non, Jae Wook ne fumait pas. La nature lui avait cassée la voix d’une façon qui l’énervait parfois un peu alors qu’autour de lui, on complimentait souvent. Sûrement rien à côté des compliments que le garçon devant lui devait recevoir quotidiennement.

« Tu devrais savoir que la Chil Sung Pa n’est pas bienvenue dans ce quartier. », commente Jae Wook, un sourire aussi rare que bref étirant ses lèvres, accompagnant un ton gentiment moqueur. « On raconte que tu fais partie de cette jopok-là. »

Il le relâche finalement, tournant le dos à Yang pour jeter un coup d’oeil dans la ruelle. Tout semblait être revenu au beau fixe et de fait, Jae Wook sort de sa cachette inconfortable et trop étroite. Il glisse une main dans sa nuque, grimaçant un peu en se retournant vers le jeune homme.

« Tu vas être gentil et garder ça pour toi. Je pourrais avoir des ennuis. », demande finalement le professeur de langues. « Je me doute que tu ne sais même pas ce qu’est la Chil Sung Pa. Pourquoi est-ce que cette rumeur te colle à la peau au point que tu ais des petites frappes yakuza à tes talons ? »

C’était quand même pas de bol, fallait l’admettre...!

Il ne sortait que très rarement de nuit enfin du moins à pied. généralement il avait sa voiture ou il traînait dans le campus, pas en dehors. il n'avait rien à faire dans une ruelle, minuit passé à fumer une cigarette au clair de lune. cependant c'était bel et bien ce qu'il faisait. pourquoi ? il n'en savait damn rien. disons qu'il n'arrivait pas à dormir, encore une fois. il se posait des questions, sur lui, sur sa vie, son futur. il n'était pas satisfait et c'est ce qui le tourmentait. il avait tout pour être heureux, de l'argent, une entreprise, une famille aimante, des relations sexuelles quand bon lui semblait et pourtant, oui pourtant, il n'était pas heureux. même pas un chouilla. il n'était pas triste pour autant, il se sentait juste normal, rien de plus, rien de bien excitant. cela faisait d'ailleurs longtemps qu'il n'avait pas été excité pour quelque chose, en dehors des femmes soyons clair. peut-être devait-il songer à se poser sérieusement avec une femme, quoique l'idée ne lui paraissait pas réellement bonne. quelle genre de femmes pourraient accepter les penchants du jeune homme et son lourd passé ? probablement aucune. Il porta la cigarette à la commissure de ses lèvres, faisant demi-tour, se décidant enfin à rentrer au dortoir. "et téma les mecs. c'est pas le jopok, le sale con de jopok" junwei tourna la tête surpris, jopok mais à la fin quelqu'un allait lui expliquer ce qu'était un foutu jopok ? biensûr il était au courant des rumeurs qui courrait sur lui, et sincèrement  tout ce que cela prouvait c'était l'ignorance et la naïveté des étudiants de son université. avait-il réellement une gueule de mafieux ? " et toi approche un peu qu'on te fasses bouffer tes dents " malgré l'obscurité, il ne lui était pas difficile de discerner le groupe qui s'approchait dangereusement de lui. junwei était un homme violent certes, mais seulement au pieu, pas dans la vrai vie. un homme ok, deux peut-être mais vu ce qui s'approchait de lui, il n'y avait aucun doute. il n'avait pas ses chances, et d'ailleurs il ne voulait même pas se risquer à les affronter. il tenait à son visage, c'était ce qui faisait fonctionner l'entreprise, un commerciale avec la gueule amoché ça ne faisait pas bonne pub pour l'entreprise. " hmm si ça vous déranges pas j'aimerais qu'on se la joue tranquille, genre je pars de mon côté et vous du vôtre. " je tiens à mes dents, se retînt-il de dire, avalant douloureusement sa salive tout en laissant tomber son mégot au sol. le bruit d'objets métalliques frappant le sol répondit à sa question. le dialogue n'était guère envisageable. inspirant profondément, le jeune homme s'élança dans le sens opposé de ses "agresseurs". putain il se sentait vraiment pitoyable, une vraie fillette mais que voulez-vous là maintenant il ne faisait pas le poids. cela était toujours plus simple de s'en prendre à quelqu'un à plusieurs, plus lâche aussi mais que voulez-vous il s'agissait de la loi du plus fort. il manqua de se rétamer, déboulant dans une nouvelle allée , faisant de son mieux pour ne pas regarder derrière lui. il regretta presqu'aussitôt la cigarette qu'il venait de fumer. il crachait ses poumons.

"shttt " en un temps trois mouvements, le jeune chinois se voyait propulsé contre un mur caché par des poubelles. il ne chercha pas à comprendre, plus préoccupé par sa respiration qu'il tentait tant bien que mal à récupérer. sa mère ce que ça faisait mal. il entendit à demi mot ce que son interlocuteur lui disait mais encore une fois, junwei se préoccupait plus par la douleur thoracique dont il était actuellement victime plutôt que par les paroles de cet inconnu, qui cela dit en passant venait de lui sauver la vie. d'un geste net, il retira le doigt qu'avait posé l'inconnu sur ses lèvres. il lui était reconnaissant certes mais cette proximité de lui plaisait guère et ne l'aidait pas réellement à se sentir mieux. " je ne sais pas ce qu'ils veulent, mais ils vont regretter ses fils de chien " il était rare qu'il s'exprime de manière aussi vulgaire mais l'après coup le rendait relativement mécontent. si l'on voulait se la jouer bâtard avec lui alors il se la jouerait bâtard aussi mais d'une manière plus réfléchie. " merci pour l'aide, j'y serais sans aucun doute passé .. mais t'es pas des leurs au moins ? " oui il se méfiait, de un parce qu'avec cette obscurité et l'absence de lentilles de vue, junwei ne reconnaissait pas son interlocuteur mais aussi parcequ'il savait à quel point autrui pouvait se montrer manipulateur. " je ne fais pas partis de la chil sung je sais pas quoi, et si je choppe celui qui a balancé cette rumeur de merde je lui fais la peau. sérieusement le successeur yang membre de la mafia , putain ils sont ignare ou quoi ? " passant un main dans sa chevelure, il ferma les yeux tentant de se calmer. il fallait qu'il contrôle sa voix, ses paroles. ce n'était en aucun cas nécessaire d'alerter ses bandits ou encore de s'attirer des ennuis avec son "sauveur". d'ailleurs il se demandait bien de qui il pouvait s'agir, sa voix lui disait quelque chose. quel con de ne pas avoir mis ses lentilles, d'ailleurs ... tapotant les poches de son jean, il lâcha un "merde" avait de se passer une main sur le visage.il avait fait tomber ses lunettes pendant la course poursuite. " je le garderais pour moi, aucune raison de le divulguer faudrait-il encore que je sache qui vous êtes. " il plissa du nez tout en lui faisant signe qu'il ne voyait rien, si ce n'est une silhouette le surplombant. oui son interlocuteur semblait plus grand, plus vieux aussi.

Jae Wook ne fait que peu attention à la façon hâtive et un peu brusque avec laquelle le jeune homme se dégage, tendant plutôt l’oreille pour être certain qu’un autre de ces abrutis ne traînait pas dans le coin. Sauf que soudainement, il attire à nouveau son attention en pestant tout haut et le regard sévère et sombre de Jae Wook se pose sur le garçon. Il arque presque soigneusement un de ses sourcils noirs, peut-être un peu étonné que la peur ressorte de cette façon en rage à l’état pur. En quelque part, il lui rappelait un peu son frère. Jae Rim avait parfois de belles montées en pression et elles étaient quelques fois dictées par une peur vive.

« Il vaut mieux que tu attendes d’être un peu moins sous le coup de l’émotion avant de faire quoi que ce soit. », fait posément remarquer Jae Wook. « Ils ont l’air idiots, j’en conviens. Mais ils savent comment utiliser leurs poings et c’est bien tout ce qui les intéresse. »

Quant à être des leurs ou pas, ça attire un bref sourire sur les lèvres de Jae Wook. Mais le genre de sourire froid qui ne reflétait aucune joie, ni chaleur. Ça lui avait été posé d’une façon qu’il n’avait tout simplement pas apprécié. Et il avait lui aussi son petit caractère, qu’on n’en doute pas.

« Pas tout à fait, non. », répond simplement l’homme, n’ayant clairement pas l’intention d’en dire davantage. « Je serais bien idiot de sauver un ennemi dont l’épineux problème allait être réglé dans les minutes qui suivent. J’ai plus intéressant à faire à cette heure. Aller dormir, par exemple. »

C’était aussi simple que ça. Quant à la suite, ça fait brièvement rire Jae Wook. Et il était quand même rare de pouvoir lui soutirer un rire, il fallait le noter ! Il est peut-être un peu moqueur, mais pas méchant. Presque attendrit, en fait, devant cette naïve et puissante jeunesse. Ce garçon avait vraiment tout pour être une de ces figures emblématiques de l’Université, il fallait l’admettre. Téméraire, beau et peu modeste. Il savait qu’il avait de la valeur et ne comprenait sûrement pas pourquoi il devrait prétendre le contraire. Amusé et histoire de titiller un peu cette forte confiance en lui, Jae Wook reprend la parole.

« Je ne connais pas de « successeur Yang », mais je tâcherai de le dire à qui de droit, monseigneur. », s’amuse moqueusement Jae Wook. Il n’avait que peu de plaisirs sociaux mais ce soir, cette rencontre avait quelque chose de différent et d’amusante ! « Tu devrais parler moins fort par contre. S’ils te remettent la main dessus, je ne suis pas certain que je pourrai quelque chose pour toi. »

À part appeler les flics et c’est lui qui aurait les problèmes ensuite. Il pourrait bien sûr lancer un appel au secours à son frère, mais quelque chose lui disait que si ces deux personnalités fortes et têtues se rencontraient, ça allait faire de purs feux d’artifices. Du genre qu’il vaut mieux regarder à un bon kilomètre de là sous peine de devenir aveugle. Puis, quelque chose de nouveau attire son attention. L’enseignant en japonais penche légèrement la tête sur le côté, observant le jeune homme avec curiosité... avant de réaliser que ce comportement étrange qu’il avait soudainement semblait se traduire par un problème de vision. Cette fois, Jae Wook retrouve tout son sérieux.

« Tout va bien ? Tu as perdu tes lunettes... Ou bien tu vois mal pour une autre raison ? Si c’est le cas, je t’amène immédiatement à l’hôpital. », convient Jae Wook tout en faisant déjà un pas vers le jeune homme. Il avait peut-être eu droit à un puissant coup à la tête et pas question de le laisser seul dans cet état. Ça aurait limite pu être une chance. Après tout, ne pas connaître son identité ne permettait pas au garçon de lui causer quelques soucis que ce soit. Mais Jae Wook n’avait pas la personnalité du parfait criminel. D’ailleurs, ses activités ne l’étaient pas. « Kim Jae Wook. J’enseigne le japonais à Yonsei. Je sais que tu y es étudiant d’ailleurs, mais je ne connais pas ton prénom. »

Par contre, il se souvenait bien de son nom et en avait eu la confirmation. Successeur Yang... C’était presque mignon !