Le Ladies’ Paradise. Haine aimait autant cet endroit qu’il en détestait le nom. Depuis un peu moins d’un an qu’il était ici, il fréquentait ce bar un peu particuliers. Vanté pour faire plaisir à ces dames, il n’en restait pas moins que ça n’avait rien à voir avec le sexe, mais plutôt avec l’orientation sexuelle ! Ici, les employés étaient tous de superbes hommes qui laissaient souvent tomber la chemise au plus grand plaisir de Haine. Par contre, il n’était pas de ces minettes qui venaient ici pour hurler et tendre les mains avec avidité. Dieu merci, ce n’était pas son genre ! Il était plus mature et posé que ça et savait quand il était temps de toucher avec les yeux seulement. Ce qui était le cas ici, selon lui. Alors c’est ce qu’il faisait présentement, trempant ses lèvres glossées dans le verre de saké qu’il tenait à la main. Il buvait lentement, dégustant davantage qu’autre chose. Avec son gabarit et ses origines, il ne tolérait pas autant l’alcool qu’il l’aurait désiré !

Il s’ennuyait un peu ce soir, pour tout dire. Rien ne semblait vraiment avoir de saveur. Il aurait dût être là avec des amis mais depuis qu’il était arrivé en Corée, il était un peu solitaire malgré lui. Personne ne semblait avoir autant d’intérêt qu’il l’aurait bien désiré. Mais soudainement, son regard savamment poudré croise celui désabusé d’un grand et puissant caucasien. Du genre qu’on ne croisait pas souvent, ni ici, ni dans son Japon natal. Forcément, cet homme à la plastique irréprochable attire son regard. Accoudé au bar, il avait tout du dieu grec sur lequel tous les regards étaient tournés. Pourtant, il semblait insensible à cette attention... trop occupé qu’il était à observer autour de lui, effaré. Ça soutire un rire amusé à un Haine qui se lève finalement de sa place, verre à la main.

Le Japonais s’approche du grand caucasien, poussant l’audace à venir s’asseoir sur le siège à coté de lui. Posant son verre sur le comptoir du bar, il a un petit clin d’oeil taquin pour l’homme. Levant une main, il retire une longue mèche blonde qui s’était prise aux cils de l’étranger avant de la ramener à lui.

« Vu votre tête, je suppose que vous n’avez pas bien saisit le principe de l’endroit avant d’y mettre les pieds. Mais quelle chance pour moi. Je m’ennuyais jusqu’ici. Maintenant, je peux m’amuser un peu à vos dépends ! », taquine Haine tout en offrant à l’étranger un petit sourire en demi-teinte. C’est qu’Haine n’était pas exactement le genre d’homme incroyablement chaleureux qu’on aimait rencontrer à tout va. Mais, il n’était pas non plus complètement antipathique et avait même la fibre sociale pour peu que la personne qu’il abordait ne soit pas un abruti fini. Et oui, il aimait charmer, mais jamais en lourdeur, merci bien ! Tendant une main dans le but avoué de se présenter à l’américaine, il reprend la parole. « Murakami Haine. Appelez-moi Haine. On peut peut-être se tutoyer ? »

Il a un signe de la main pour le barman. Lorsque celui-ci s’approche, il demande un verre d’eau pour lui-même et à ce qu’on remplisse à nouveau le verre de son compagnon improvisé. Appuyant un coude sur le comptoir, il soutient son menton d’une main fine, le regard à nouveau posé sur l’étranger, malicieux.

« Ne vous sauvez pas. Prenez le temps de savourer votre verre. Ces messieurs ne vous sauteront pas dessus. Ils sont là pour le plaisir des dames et ne nous calculent même pas. », assure-t-il tout en poussant un petit soupir, son regard se posant sur un de ces jeunes Apollons qui passait non loin d’eux. « Sans vouloir vous vexer, le pire qui puisse arriver c’est qu’on vienne essayer de vous faire remplir une demande d’emploi. »

Haine en revient à son vis-à-vis. C’était davantage un compliment qu’autre chose, même s’il avait été avancé de façon assez plate, presque comme s’il avait parlé de la météo. Pas qu’il était désintéressé. Au contraire. Mais, cet homme-là devait bien être conscient de son charme, non ? Ça devenait presque une donnée qui allait de soi...

« D’où est-ce que vous venez ? Vous n’avez pas le profil de passer inaperçu ici, si je puis me permettre. Pourtant, je suis moi-même étranger. »

Si l’homme était ici depuis un petit moment, il pouvait très certainement l’avoir compris grâce à son accent !

Raphael était pour le moins… Désappointé. Bien sûr, les retranscriptions anglaises en coréen étaient souvent un peu bancales. Parfois il avait même dû réfléchir un moment avant de comprendre ce que la personne en face de lui ou l’article voulait dire… Le summum, même, c’était d’entendre ces groupes à la mode massacrer la langue de Shakespeare à tout bout de champs à la radio. Mais ça encore il arrivait à en faire abstraction parce que l’accent coréen faisait que les passages en anglais passaient relativement inaperçu à ses oreilles. Ho il ne se moquait pas, bien conscient qu’il devait donner la même impression aux natifs du pays du matin calme mais voilà quoi… Tout cet argumentaire pour expliquer qu’il avait déjà eu du mal en soit à lire le nom de cet établissement coloré et vraisemblablement festif ! Et lorsqu’il avait finit par comprendre que le nom en question était « le paradis des femmes » c’était tournée de telle façon dans sa tête qu’il avait comprit que c’était un paradis avec SEULEMENT des femmes.

Finalement il était loin du compte. De beaux –et moins beaux, tout était une question de goûts- jeunes hommes passaient entre les tables, servant la clientèle en lui faisant de jolis sourires qui l’avait un peu laissé de marbre. Raphael était sensible aux charmes masculins, il n’avait jamais vraiment cherché à le nier mais hm… Ce n’était pas ce qu’il s’était attendu à trouver ni ce qu’il avait eu envie de voir à la base. Donc il était, si pas hermétique, assez distant avec les activités de ce club, finalement.

Lui il aimait les femmes coquines et les hommes un peu plus viril disons. Enfin… Non c’était réducteur de dire les choses comme ça parce que bien des hommes ici étaient virils, à leur façon. Mais disons qu’il les aimait moins « fleur bleue » pour grossir le trait. Et qu’importe qu’ils ne le soient pas dans la réalité mais seulement sous les néons glamour de l’endroit. Quoi qu’il en soit, Raphael s’était décidé à boire son verre quand même avant de quitter les lieux. Déjà parce qu’il avait eu envie de se poser mais aussi par fierté ! Pas question qu’on rigole dans son dos en comprenant qu’il fuyait les lieux après avoir mal comprit quoi !

Sauf qu’il ne passe de toute évidence pas inaperçu. Au-delà du physique très différent et de son sexe lui-même différent de la clientèle la plus représentée, son dépit s’était vraisemblablement peint sur ses traits assez longtemps pour que quelqu’un le remarque. Un homme… Vraiment petit, en fait. Des traits atypiques avec un nez qui se démarquait bien sur ses visages. Son maquillage était élaboré et ça le fascinait toujours un peu de voir cette facilité avec laquelle les asiatiques piquaient les cosmétiques de ces dames pour se les approprier. Ca lui allait bien… Ca lui donnait des airs féminins, surtout ces lèvres pleines et glosées, limite indécentes. Pas ce qu’il aimait le plus chez les hommes, loin sans faut, mais Raphael ne lui retirait pas le charme qu’il dégageait, surtout avec cette assurance bien dosée.

Raphael a un bref soupir lorsque la voix de l’homme lui parvient, mettant dans le mille. La voix l’avait surprise d’ailleurs, étrangement plus grave que ce à quoi il s’était bêtement attendu. Et il y avait encore de cet accent qu’il commençait à connaître par cœur à présent !

« En fait l’Asie troll le reste du monde. La Corée n’existe pas. C’est un petit bout de Japon, n’est-ce pas ? »

Haine se présente d’une poignée de main, ce qui était encore assez rare ici et Raphael la serre en retour, acquiesçant pour le tutoiement, se présentant rapidement :

« Raphael. Bennett. »

Et après un vague regard autours d’eux, il reconnait :

« Je m’attendais à ce que le parados soit peuplé de femmes… Et non pas voué au plaisir de celles-ci. »

Haine fait remplir son verre et Raphael a un remerciement rapide, d’un mouvement de la tête. Il avait prévu partir après son verre mais il n’allait pas non plus insulter le petit japonais quoi.

« Mais c’est peut être mieux. »

Il avait conscience d’avoir l’air de dire tout et son contraire alors après une bonne gorgée du breuvage ambré qui colorait son verre, Raphael explique :

« J’avais un peu peur que les femmes ici arborent ce côté « j’ai 13 ans et j’aimerais t’appeler oppa » qu’elles ont trop facilement lorsqu’elles veulent plaire aux hommes. »

C’était peut être le fantasme des coréens et des vieux pervers des autres continents mais de son côté il était moins réceptif. Il aimait certes les femmes coquines mais matures aussi ! Un ricanement franchit ses lèvres à propos de la proposition d’emploi et Raphael taquine :

« Je devrais peut être. Si ça se trouve ça paie bien. »

C’était évidemment une blague et Raphael gagnait sûrement beaucoup mieux sa vie en affaire que ces hommes qui travaillaient ici !

« Je suis américain. Mi-Etats-unien, mi-canadien pour être précis. Partie francophone oui. »

Il gagnait du temps sur quelques questions éventuelles, commençant à les connaître depuis qu’il avait mit les pieds en Corée.

« Et toi ? Le Japon donc. Venu pour affaires ou résident ? »