« Omo... OPPA ! regarde ça ! » Ses prunelles se chargent d'une électricité doucereuse, les éclairs flambent ses pupilles dilatées par l'excitation qui la prend ; ses joues adopte la pâle couleur d'un rose. Ses talons bas claquent sur le béton du sol dans un rythme calculé avec minutie : elle accorde son pas au sien alors que ses deux mains sont agrippées à son bras, non consciente alors d'offrir aux étrangers l'image d'un couple heureux. Non consciente de bien des choses, en réalité, elle que le bonheur inonde, elle qui irradie de son sourire-soleil. « Oh ! Oppa ! Comme il est mignon ! » Chaemi cherche à attirer l'attention de son ami en tirant sur son pull, désignant du bout du doigt un chiot rouquin appartenant à une dame âgée ; ses cheveux balaient le vent, à moins que ça n'en soit l'inverse. Animaux, vitrines de friandises, chaussures, vieillerie, tout passe sous son regard admiratif, tout s'acclimate à ses commentaires ravis.
La Yu raffole de ces rares sorties en compagnie de son aîné, membre presque fraternel que le sang a douloureusement oublié de relier ; homme qu'elle aurait tant voulu aimer comme une femme le ferait, si son palpitant ne s'était pas évertué à faire les mauvais choix. Un garçon qui sait tout, un frère qui protège, un homme qui aime, un ami qui conseille, Tae Hyun est tout, et pourtant, si peu de choses lorsqu'on y pense. La gamine-fée resserre ses doigts autour du vêtement du garçon, adaptant son pas sur le sien, dessinant sur son visage pâle une moue sérieuse. « Est-ce que l'on est bientôt arrivés, Tae Hyun oppa ? » Elle remonte la fermeture de son manteau à fourrure et glisse l'une de ses mèches aux pointes colorée derrière son épaule rougie par le froid automnal. Et finalement, même si elle a souvent rêvé d'évasions et d'ailleurs, il n'y a jamais que dans la foule coréenne que la jeune étudiante se sent chez elle, à son aise, dans une presque-norme ; elle qui, si clichée, appartient à cette moitié de la population qui pense que la femme se doit d'être douce et mignonne, pour ensuite être mère de famille et entretenue par un homme.

Je l'ai toujours dit « Lorsque j'aurais une situation stable, je me casse. Je quitte la maison. » Bon... Il y a plus stable comme situation mais je peux m'en sortir, j'en suis sûr. En plus ça me permettra de ne plus croiser le visage de mon père à chaque fois et croyez-moi que ça me motive. J'ai déjà visité deux appartements déjà mais rien qui m'a tapé dans l'oeil, aujourd'hui, j'ai les clés pour en visiter un troisième et c'est avec Chae Mi que je m'y rends. Chae Mi c'est un petit bébé, comme ma petite soeur. Contrairement à Chae Nah, nous avons aucun lien familial mais je la considère tout comme, en plus, c'est la petite soeur de Jasun. Autrement dit, je ne peux que la considérer comme quelqu'un de la famille. Chae Mi et moi sommes loin de se ressembler mais justement, elle m'apporte beaucoup avec sa joie de vivre, et de nouveau, elle s'émerveille  devant une petite chose, devant rien. Ça sera quoi cette fois ? Et bien, un chien. Elle tire même sur mon pull pour attirer totalement mon attention. « Oui, il est mignon. » lui dis-je en posant mon regard sur ce dernier, je suis moins enthousiaste qu'elle ça c'est certain. Mais ce n'est qu'un chien et pour être honnête, c'est Chae Mi que je trouve mignonne à agir de la sorte. Je pose mon regard sur elle avec un fin sourire avant d'ajouter « Je crois que ce n'est pas très loin... » Je me mets à chercher le bâtiment du regard tandis que Chae Mi, elle, ne m'a toujours pas lâché le bras. Et en réalité ça m'arrange, au moins je sais qu'elle est là près de moi et je suis rassuré. D'ailleurs si mes cousines pouvaient en faire de même... Mais j'ai toujours eu cet instinct protecteur, d'autant plus lorsque je suis avec mes cousines et mon frère alors vous vous imaginez bien qu'avec Chae Mi, ça ne manque pas non plus. Mais elle a l'air tellement fragile, précieuse, que je ne peux m'en empêcher. Croyez-moi que si quelqu'un ose lui faire du mal, il aura affaire à moi. Enfin, pour en revenir au sujet principal, j'aime le fait de visiter l'appartement avec elle, son avis, je le prendrais en compte. Je sais qu'elle m'aidera. « Attends ! » lui dis-je tout en arrêtant de marcher et posant ma main sur la sienne, cette dernière se trouvant toujours sur mon bras, afin de l'arrêter. Mes yeux se posent sur un immeuble. « Je crois que c'est là, viens. » Je me mets en route, marchant à ses côtés. « J'espère vraiment qu'il sera cool cet appart... » Je soupire légèrement puis ajoute tout en posant mon regard sur Chae Mi. « Et j'ai vraiment besoin de ton avis, ça serait comme chez toi aussi. » Ou autrement dit « Tu pourrais venir ici quand tu veux » mais ça, elle le savait déjà. Mais ne pouvant pas m'empêcher de jouer le Tae Hyun, je finis par lui demander    « Tu n'as pas trop froid ? » Sait-on jamais, je l'ai vu remonter la fermeture de son manteau. Vous comprenez pourquoi mon frère en peut plus et veut que je le lâche, mais j'y peux rien, moi... J'ai pas envie que Chae Mi attrape froid!

Bras dessus, bras dessous. Sa frimousse dessine la courbe d'un sourire élégant sur ses traits poupons ; le vent souffle dans ses cheveux tressés en arrière dont une mèche se rebelle inlassablement pour barrer son front et faire face à la brise. Ses pas emboîtés à ceux de son aîné la gonflent de joie et son cœur palpite avec entrain pour hurler au monde entier à quel point il lui suffit de si peu pour être une femme heureuse. Une enfant heureuse. Seoulite, coréenne, Yu ; Chae Mi. Elle se sent si elle-même, dans une foule dont elle ne se distingue pourtant pas. Parce qu'elle a été bercée aux idéaux d'ancien temps, parce que sa vision du monde est à la fois trop pure, et bien trop violente. Elle mordille sa lèvre inférieure en plissant les yeux, réhaussant ses pommettes rosées. « J'ai mal aux pieds, oppa ! Ah, vivement que je trouve un amoureux qui puisse me porter comme une princesse, c'est si a-ff-reux de marcher autant ! » Elle glousse. Mais l'enfant-candeur se surprend à rêver, et ses prunelles inquisitrices détaillent les passants avec un voyeurisme dont elle n'a pas conscience. Elle détourne cependant ses orbes avec pudeur lorsqu'un couple échange un baiser, et les questionnements fusent : aura-t-elle l'audace d'oser un tel geste en pleine rue, sous le regard de tous ? Si gênant... Elle aspire à bien plus simple : un mari pour qui elle plaquera sans remords ses études afin de devenir une cuisinière de génie, et à qui elle donnera de beaux enfants qui l'accueilleront avec le sourire lorsqu'il rentrera du travail. Un joli appartement avec une suite parentale et un joli mobilier : un joli mobilier dans lequel elle cachera les photos de son ancien corps avant chirurgie, parce qu'elle se devra d'être charmante et sexy aux yeux de son homme. Il va de soit, c'en est naturel : jamais il ne devra avoir honte d'être à ses côtés. Ses pensées s'entrechoquent et la réalité la frappe lorsqu'elle manque de percuter un inconnu ; elle s'excuse platement, longuement. « Ah, on est arrivés Taetae ? » Elle s'autorise un petit surnom dans un énième gloussement et à nouveau, adopte son rythme de marche. « C'est vrai ?! je pourrais venir souvent ? Je viendrais t'apporter des gâteaux, et aussi t'aider à faire le ménage ! Oppa ! Il te faut une cuisine toute équipée ! Oh, je sais ! Je te ferais un cadeau pour ton emménagement ! » Chaemi babille, excitée à l'idée de faire partie d'un tel projet ; elle sautille et claque finalement un baiser imprévu sur la joue de Tae Hyun dont elle rougit sitôt. « Non, tout va bien... Jihye unnie m'a offert une écharpe il y a quelques jours, grâce à elle, je n'ai plus froid. » Elle se saisit de son bras à nouveau et l'attire vers le bâtiment dans une foulée rapide, frappant frénétiquement sur chaque bouton de l'interrupteur plutôt qu'y appuyer le doigt. « Yah ! Sunbaenim ?! Mon ami Taehyun oppa vient visiter son appartement, il faut nous ouvrir ! »

Chae Mi c'est mon petit bijou, une petite boule d'énergie, à la fois adorable mais fragile, alors oui je prends soin d'elle autant que je le peux et ça, Jasun le sait très bien lui aussi. À croire que tout nous relie. Je repose mon regard sur ma petite Chae Mi lorsqu'elle se plaint d'avoir mal aux pieds, même en se plaignant, elle arrive à être mignonne. Je souris quelques peu surtout lorsqu'elle se compare à une future princesse. « T'en fais pas, on est bientôt arrivés, tu pourras reposer tes petits petons. » Petons, Tae Hyun, tu ne peux pas dire pieds comme tout le monde ? Il y a bien qu'avec Chae Mi que je peux utiliser ce mot. M'enfin quoi qu'il en soit, j’accélère un peu le pas, pas beaucoup afin que Chae Mi puisse me suivre mais au moins, elle n'aura plus mal aux pieds très longtemps. D'ailleurs je ne tarde pas à l'arrêter lorsque je vois le fameux immeuble. En tout cas si je ne me trompe pas, mon appartement se trouve ici... Le numéro 8, et en plus, il n'y aura pas beaucoup d'étage à monter alors c'est parfait! Et alors que nous nous mettons en route vers cet immeuble, Chae Mi commence à me poser quelques questions, je dirais même se faire des plans dans sa tête. Par contre qu'elle ne se fasse pas trop d'idée, je ne l'invite certainement pas pour faire le ménage... Mais Chae Mi étant Chae Mi, la mignonnerie incarnée, je ne peux m'empêcher de sourire lorsqu'elle me dépose un bisou sur la joue, après avoir sautillé de joie. Son énergie me fatiguerait presque. « Tu sais quoi ? J'ai une idée de cadeau. » dis-je, toujours sans lâcher son bras, je tourne ma tête dans sa direction afin de la regarder « Tu viens me voir le plus souvent possible, d'accord ? Ça serait un beau cadeau ça. » Comment je pourrais vivre moi, sans ma petite Chae Mi ? Il en est tout simplement hors de question! Mais lorsque je lui demande si elle n'a pas trop froid, elle me répond que Jihye lui a acheté une écharpe, arf, Jihye... Une amie à moi également mais disons que j'ai eu certains échos qui ne m'ont pas plu, m'enfin, bref. C'est avant qu'elle m'emmène rapidement près du bâtiment, appuyant frénétiquement sur les boutons de l'interrupteur. Je manque d'éclater de rire la voyant faire « C'est bon Chae Mi, c'est bon ! » lui dis-je saisissant sa main près de l’interrupteur avant de venir ouvrir la porte. « C'est ouvert. » lui dis-je, toujours avec ce sourire amusé sur les lèvres, je la laisse passer et nous entrons dans ce bâtiment, grimpons quelques marches avant de nous retrouver devant la porte de l'appartement. Je sors les clés qu'on m'avait gentiment prêter la veille et l'insère dans la serrure. « Tu es prête? » Bon, j'espère qu'elle ne s'attend pas à un palace... Mais à voir ce que ça donne, c'est donc à cet instant que j'ouvre la porte, laissant Chae Mi passer avant moi. Qui sait, peut-être que Chae Mi est la première à mettre les pieds dans mon futur appartement ?