Assis sur mon lit, affalé, la tête dans l’oreiller, fallait bien l’avouer, je me faisais clairement chier. Tara n’était pas à ce soir-là, j’étais donc seul, bière à la main dans ma chambre. J’attendais Xiao Chen, un message envoyé quelques heures avant et elle ne devait bientôt plus tarder. Elle connaissait maintenant le dortoir du moins, surtout le chemin jusque ma chambre et tous savaient pourquoi on la trouvait ici de temps à autres. Croiser une Pyobeom dans les couloirs du dortoir peut faire peur quoi. En tout cas, ça faisait un bout de temps que je ne l’avais pas vue, elle faisait sa petite vie et j’en étais très heureux pour elle. J’aimais la voir sourire. A l’époque, en Chine, ce n’étais pas son sourire que je voyais le plus souvent, maintenant, loin de tout ça, je supposais que tout s’arrangeait doucement. Il fallait que je me tienne au courant. Je voulais savoir si ma princesse allait bien.

Un léger soupire, je traînais sur mon téléphone, buvant quelques gorgées de ma bouteille en verre. Je vaquais sur chaque réseau social que je pouvais trouver, quelques messages envoyés, et je soupirais. J’avais passé la journée à ne rien faire, je n’étais pas allé en cours, comme si c’était étonnant. Je me désespérais presque et ma mère avait essayé de me joindre quelques jours auparavant. Je ne savais ce qu’elle me voulait et je n’avais pas répondu, toujours étonné ? Je me tenais bien sans elle, pas sans son argent de chaque mois, mais sans sa présence, je me portais à merveille et je me demandais encore pourquoi elle essayait de prendre de mes nouvelles alors que je savais pertinemment qu’elle s’en foutait.

Des légers cognements contre ma porte me firent sortir de mes songes et je devinais que ma petite sœur venait d’arriver. « Entre, c’est ouvert ! » criais-je de mon lit, la flemme intersidérale de lever mon postérieur confortablement installé.

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Un sourire vint s'afficher sur mon visage alors que Xiao entra dans la pièce. Elle était belle, mais je m'abstenais de faire la remarque. Je le pensais mais loin était la coutume de faire des compliments à tout va. En tout cas, j'étais heureux de la voir et son air ironique me fit doucement rire « Eh, j'vais pas me lever juste pour t'ouvrir la porte, il manquerait plus que ça. » Et j'haussais les sourcils à cette remarque. J'étais content mais c'était pas pour ça qu'il fallait perdre les bonnes vieilles habitudes. « Evidemment, sers-toi ! » Pour accompagner mon approbation, je lui fis signe de tête vers le pack se trouvant au pied de mon lit. Vivre avec une femme dans la même chambre pouvait être un inconvénient mais pas quand cette femme s'agissait de Tara. Je bénissais chaque jour que Dieu faisait pour m'être retrouvé, encore une fois, au bon endroit et au bon moment. Mais soit.

Ma petite protégée enfin assise et je me redressais un peu pour la regarder, buvant une gorgée de ma bière tout en lui lançant mon briquet pour qu'elle puisse ouvrir la sienne. Faute de matériel adéquate, on faisait avec les moyens du bord. Cette situation me rappelait la Chine. Combien de fois nous étions-nous retrouvés dans ma chambre pour s'enfiler des bières et parler de tout et surtout de rien? Maintenant avec quelques années de plus et au pays de matin calme, je voyais la différence que par les traits plus matures de la plus jeune. « Alors, comment tu vas? Il y avait longtemps ! Tu te fais rare et ça me plait pas trop tout ça. »  Un ton accusateur mais un regard bienveillant. Elle savait que je plaisantais même si, au fond, je le pensais.

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La brune assise à mes côtés et je me sentais déjà mieux. Sa présence m’apaisait mieux que celle de personne. Chen était l’une des rares personnes à qui je pouvais parler à cœur ouvert, parler sans me cacher derrière une image délurée et lointaine. Souvent, je parlais comme si j’étais totalement insouciant, comme si rien ne m’atteignait. C’était certainement pour me persuader moi-même mais avec elle, cette partir de moi s’envolait ou alors c’était la vraie qui partait temporairement. Je ne savais pas très bien. J’étais juste bien. Je pouvais boire ses paroles des heures sans m’en lasser. Et ça, je ne le disais pas, c’était comme ça. On ne disait pas mais on montrait souvent. Un frère et une sœur. Un chien et un chat. Une étoile et un ange gardien. C’est tout ce que nous étions.

Une gorgée de ma bière déjà entamée et je souriais à cette remarque. Aucun besoin de rétorquer qu’elle appuyait la véracité de ses paroles, ce qui me fit fendre davantage mes lèvres. Le regard posé sur elle et j’étais heureux qu’elle se sente bien, libre. Qu’elle ait enfin trouvé sa place. D’un autre côté, cela me fendait quelque peu le cœur. Une jalousie perdue qui prenait doucement le dessus alors qu’il n’y avait pas lieu. Je me sentais presque honteux de ressentir ça alors que je ne souhaitais que le bonheur de la chinoise. « Vraiment? J’en suis heureux alors ! » Je l’étais réellement mais quelque part, au fond de moi, mon côté égoïste ressortait et j’aurais voulu ne la garder que pour moi. Juste pour moi.

« Je suppose que tu as dû te faire des amis là où tu es maintenant, non? Parle-moi de tout ça. Je veux tout savoir. » Et tel un grand-frère protecteur, je reprenais mon rôle à cœur joie alors que j’attendais avec impatience qu’elle me raconte tout ce dont j’avais besoin de savoir. Elle savait qu’elle ne pouvait rien me cacher. C’était comme si je lisais dans ses yeux, que je comprenais sans un mot ce qu’elle insinuait, ce qu’elle cachait.

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Sans plus attendre, je me redressais face à elle, m’installant confortablement, le dos contre le mur et les jambes toujours étalées sur le matelas. Mon regard était rivé sur elle et j’écoutais chaque mot qu’elle prononçait. Je tiquais au mot ‘meilleur ami’ et elle le vit puisque, rapidement, son geste me fit sourire. Je fronçais alors le nez, le sourire en coin et je bus de nouvelles gorgées de bière. Cette gamine, qui n’en était plus tellement une, avait un débit de paroles hallucinant lorsque je commençais à lui poser des questions et ce n’était pas sans me déplaire puisque, même si je n’étais pas tant curieux de nature, lorsqu’il s’agissait de Chen, c’était bien différent. « Eh bien, tu en as des choses à dire. Heureux que tu te plaises chez les roses. » Encore une gorgée pour finir cette phrase et je repris. « De quoi tu parles d’avoir embrassé ton président ? C’est quoi ces histoires ? Dans quel genre de soirée tu traînes sans moi, toi ? » Les yeux plissés, je la regardais d’un air soupçonneux. Je n’aimais pas la laisser seule et c’était des histoires comme celles-ci qui me rappelaient pourquoi. « Oh, et tu fréquentes toujours Syuhei ? » J’avais eu des échos de sa part, en effet. Je ne le connaissais pas tant et je faisais confiance en ses fréquentations du moins, les plus proches, et il me semblait qu’il en faisait partie mhmh. Je prenais le temps d’assimiler chacun de ses dires afin de n’en louper aucun, de ne louper aucune information. « Et d’où est-ce que tient Moe ses informations ? Je veux dire… je connais Taz et Sae. Je suis même assez proche de la bleue et je doute que ce soit un faux couple. Ou alors, ils cachent bien leur jeu ces deux-là. » Au fond de moi, je préférais me dire que leur couple était vrai sinon, les deux se seraient bien foutu de ma poire. Surtout que, depuis peu, Sae et moi étions plutôt proches. Elle se confiait parfois à moi quant à son couple et si tout ça n’était que foutaises, c’est bien à elle que j’aurais offert l’oscar de la meilleure actrice ou peut-être de la meilleure entourloupeuse. Si même ce mot existait. Dans tous les cas, j’étais bien ravi de voir que n’avait changé entre nous. Entre Chen et moi. Nous étions toujours ces deux gamins qui parlent de tout et surtout de rien à partir de pas grand-chose. Il ne m’aurait pas étonné que cette conversation parte dans des trucs sans aucun sens ni lien jusqu’à en refaire le monde, les cadavres de bouteilles se noyant au sol. Elle grandissait cette petite. Peut-être un peu trop vite.

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