Sans prévenir, je me levais du canapé en tapant ce dernier message qui t’étais destiné. Vers la chambre, ou même un simple couloir, je me dirigeais avec un cœur battant. C’était stupide, même puéril, mais n’était-ce pas le premier appel que nous nous passions ? Je fermais la porte derrière moi, ne prêtant attention à mes amis qui me lançait de multiples remarques, comiques, ironiques ou même moqueuses parfois. Appuyé contre le mur dans un premier temps, je prenais une grande inspiration avant d’appuyer sur ce bouton vert afin de porter le téléphone à mon oreille. Une sonnerie puis deux… Jusqu’à t’entendre décrocher, enfin. Par quoi devais-je commencer ? Salut ? Comment tu vas ? Où est-ce que tu es ? Cette question était trop intense et possessive… Détaché. J’étais détaché, serein, pas du tout atteint par ce sms qui ne m’était destiné à la base. Tout allait bien… « Allo ? » Un ton timide, hésitant de ma part. Bien loin de l’assurance que tu pourrais peut-être sentir dans mes sms depuis hier.

Que j’attende ? Je me demandais ce que tu avais encore en tête. Allais-tu vraiment m’appeler ? Est-ce que je le désirais ? En tout cas, à cette pensée, je sentis mon coeur s’accéléré. Alors que je me levais, m’excusant de prendre congé auprès du sunbae qui m’avait invité à prendre un verre en cette soirée, celui-ci ne parut guère surpris. Je n’avais été de la plus attentive des compagnies. Il me proposait de me raccompagner néanmoins jusqu’au dortoir de ma fraternité mais je n’eus le temps de répondre que la sonnerie de mon téléphone retentit. Un regard sur l’écran. C’était bien toi. Alors, je refusais sa proposition et sortie de l’établissement d’autant plus promptement. Sans réfléchir, une fois dehors, je décrochais. Et ta voix j’entendis, alors, je prenais conscience de cet émois qui m’empoignais. De cette timidité inhabituelle qui me saisissait. Mon coeur battait si fort. « Yah ! Même pas de slogan « Allô SOS Oppa Service GPS » ? Je suis déçue… » Une pointe d’humour, d’une voix faussement indignée, ce fut tout ce que j’avais trouvé à formuler. Pour paraitre détachée.

Ta voix résonnait à mon oreille, différente de d’habitude mais… indéniablement : mon cœur s’accélérait. J’accueillais ta remarque d’un rire gêné, ne m’attendant à te voir aussi à l’aise. Enfin, l’étais-tu ? Je ne pouvais pas savoir comment tu te sentais mais, pour sûr, de mon côté, ma main tremblait légèrement. « Je devrais la refaire alors. » Je marquais un blanc, me raclais la gorge timidement avant de reprendre plus vivement. « SOS Oppa ! Service GPS, que puis-je faire pour vous ? » C’était avec sérieux que j’avais formulé ses mots mais je finissais par rire sous la gêne. « Aah… C’était gênant… Comment tu vas ? Ton sunbae… » Que dire sur cet homme qui t’avait invité ? « Hmmm... Il ne va pas t’en vouloir… de te voir rentrer comme ça ? » Est-ce que je m’inquiétais vraiment de ça ? J’avais le sentiment de ne pas pouvoir poser la question, que tu me l’apporterais. Mais tu ne m’aurais répondu si tu voulais rester avec lui.... pas vrai ?

Mes talents d’égérie ne seraient probablement pas de trop ce soir pour que ma voix paraisse naturelle. Mon corps lui tremblait légèrement tandis que mon coeur se déréglait complètement. J’en avais conscience. C’était absurde. Mais si agréable et grisant à la voix. Je souriais à t’entendre reprendre, puis je m’étonnais légèrement quand tu eus finis de parler. « Oh ? … je ne pensais pas que tu puisses connaitre la gêne ! » Et je me mettais en marche d’un pas tranquille le long du trottoir. « Serait-ce l’alcool qui te rend timide ? Aish, je vais presque regretter de ne pas me souvenir correctement de cette soirée où nous avons bu ensemble. » Aurais-je manqué un tel spectacle. Je ne pouvais m’empêcher que tu devais être craquant aussi intimidé. Mais en vérité, ne ressentais-tu pas les mêmes émois que moi ? Pouvais-je y croire ? Une façon de le vérifier, ou du moins potentiellement d’étouffer l’espoir : « Si tu te souciais de mon sunbae pourquoi m’avoir appeler ? Mais je suis encore à quelques pas du bar, je peux toujours le retrouver si tu préfères raccrocher ? Tu es avec tes amis…» Je m’étais arrêtée et retournée en direction de mon point de départ.

« Haneul ! » Une voix étouffée à laquelle je ne prêtais attention sur le moment, trop occupé à t’écouter te morfondre sur combien tu aurais aimé te souvenir de cette soirée. « Je pense pas que tu veuilles t’en souvenir.. » Non certainement pas. Mais le sourire sur mes lèvres disparaissait pour deux raisons : l’arrivée de mon ami dans la chambre qui gueulait mon nom sans gêne et tes propos. « Yaaa-ah ! Je me soucie plus de toi que de ce sunbae mais si c’était un type qui met des notes aux examens ou quelque chose, je veux pas que t’aies d’ennuis… » Je levais les yeux vers mon ami qui mimait avec ridicule une fille timide en m’entendant. « Mais c’est pas une raison pour boire avec lui et te laisser faire ! Attends. Tu veux quoi ? » Ma voix plutôt douce avec toi venait totalement de changer en parlant avec lui. « Tu veux ton verre ? » « Je m’en fiche, dégages. » « Dégages ! Dégages ! Je suis avec ma princesse, dégages ! » « Yah ! » criais-je alors qu’il s’enfuyait en riant. « Désolé… »

L’espace d’un instant, mon sang se figeait alors que je crus comprendre que tu m’incitais à faire des courbettes et voire plus auprès d’un ainé juste pour mes notes. Me pensais-tu comme ça ? Puis, tu te corrigeais pour ensuite… Hausser la voix. « Pardon ? » m’irritais-je avant de comprendre que vraisemblablement, tu n’étais pas seul. Rien d’étonnant car je te savais avec des amis. Ceux-ci étaient-ils d’ailleurs tous au masculin ou il y avait-il des filles avec vous ? À nouveau, à cette pensée, je sentis mon coeur se pinçait. Je m’efforçais pourtant de rester sur le ton de l’ironie espiègle. « Désolé ? De quoi ? Pour m’avoir crier dans les oreilles ? » Car oui, ton dernier cri résonnait encore à mes tympans. « Ou pour être le responsable de mon prochain échec aux examens puisque par ta faute, je n’aurais pas vendu mon corps à mon sunbae ? Ou juste pour avoir sous-entendu que je puisse accepter de ce genre de chose juste pour une note ? » Malgré la légèreté conservée jusqu’à là, je ne pus réprimer une pointe d’amertume.

Un sourire gêné et un brin tremblant passait sur mes lèvres à tes mots. Avais-je insinué une telle chose ? « J’ai pas dit ça… » Soufflais-je tout bas en comparaison à précédemment. « Mais l’autre fois quand on a bu au bar, un type t’as proposé de finir la soirée ailleurs et... t’étais tellement contente que t’es venue me demander mon avis pour qu’on y aille… » J’entendais des bruits de pas dans le couloir et levais les yeux au ciel. « C’est pour ça que je m’inquiètes. Je sais très bien que tu n’es pas du genre à...t’offrir… pour ce genre de choses… » La porte s’ouvrait sur mon ami précédent et un autre, accompagné de mon verre qu’il me tendait. « Si Haneul dit des bêtises c’est parce qu’il a bu » prévenait un de mes amis joyeusement alors que j’attrapais le verre qu’il me tendait. « dégaaaages. Arrêtez de faire les enfants et foutez-moi la paix. » « Tu serais le premier à faire pareil ! Ah ! » Je lui donnais un petit coup de pied et le voilà qui me traitait de bourreau, de traitre et bien d’autres noms du même type.

Je ne savais si c’était l’alcool ou la distance qui semblait te rendre un peu plus effacé, plus facilement intimidable que d’accoutumé. « Et alors, quel est le rapport ? » te demandais-je sincèrement étonnée par ta référence à cette soirée dont je ne me souvenais guère. « Oh ? Oh… » Je pensais comprendre le rapport et le sens de cette invitation qu’ainsi formuler même sobre, non, je ne décelais guère d’instinct de sous-entendu. Mais apparemment, il y en avait un ? À la différence par contre que non-alcoolisé je n’aurais très certainement pas eu envie d’accepter. Tu pus alors sans doute entendre le son d’un claquement. Celui de ma paume sur mon front me maudissant d’être aussi stupide parfois. Ou peut-être ne l’entendis-tu pas à cause des voix qui t’entouraient. «  Tu devrais raccrocher, tes amis t’attendent, » dis-je d’une voix que j’aurais voulu neutre bien qu’elle se fit sans doute douce et un peu déçue, car je n’avais pas envie de mettre fin à cet appel. Tout comme je me disais qu’il valait peut-être mieux alors, je m’en remettais à ta décision pour trancher. Après tout, tu étais celui qui avait initié l’appel. « Fais-le quand tu le peux encore, une fois que je me serais remise en marche, il sera trop tard ! » te prévins-je avec une touche d’humour. « Si je pars seule, je t’interdis de me laisser en plan en cours de route ! »

« Non. » Venais-je de lancer ce mot sans réfléchir ? Purement sur le coup de l’instinct ? J’écoutais alors tes menaces suivantes et esquissais un sourire. « Alors enfuis toi de ce bar comme si ta vie en dépendait. J’ai pas l’intention de raccrocher. » J’amenais le verre à mes lèvres en prenant conscience, peu à peu de ce que cela impliquait. Mon cœur s’emballait malgré moi et le sweat que je portais semblais devenir de trop vu la chaleur de la pièce. « Alors dis-moi… Ah. Avant de lancer un sujet. Tu sais rentrer au dortoir au moins ? T’as pas bu au point d’oublier comment on y allait, pas vrai ? » Rapidement, je changeais de main pour tenir mon portable de la droite. C’est que Jungah ne m’avait pas loupé quand même. « T’auras pas peur de marcher toute seule dans les rues avec comme seul accompagnateur au téléphone un oppa idiot ? »

Mon coeur bondit lorsqu’il tendit refuser si fermement. Pouvais-je m’en émouvoir ? Pouvais-je y croire ? Je savais que non. Que tu avais bu et agissais certainement en conséquence comme tes amis le disaient si bien. Alors, je me satisferais juste des gages d’affections que tu me témoignerais ce soir. « Yah ! Tu crois que je suis ivre là ?  Tu as dit toi-même que preuve que non, j’arrivais encore à écrire des sms, » marmonnais-je d’une voix boudeuse comme pour me plaindre de ta vilaine remarque. Nous nous aviserons de ne pas revenir sur mon erreur de destinataire qui suivit. « Mais peut-être ai-je dû assez boire pour préférer la sécurité d’un idiot au téléphone à plusieurs centaines de kilomètre qu’un sunbae en chair et os pour me raccompagner ? » S’il arrivait quelque chose – ce en quoi je ne croyais pas – tu ne serais pas d’un grand secours. Cet appel n’avait aucun sens. Juste celui de communiquer et d’en savourer ce sentiment si doux et grisant. « Enfin, c’est trop tard maintenant ! Je suis partie, tu ne peux plus faire machine arrière ! » Et moi non plus, j’allais de l’avant dorénavant, marchant dans la nuit froide sous les éclairages de la ville.