Une plainte passait mes lèvres à tes propos alors que naissait l’envie de te prouver l’inverse. J’arriverais à suivre ce que tu m’expliquais et me narrait, demain, je m’en souviendrais du mieux que je le pouvais ! Pas seulement qu’on avait parlé jusqu’à pas d’heure, mais bien des sujets et, pourquoi pas, des détails aussi prononcés et poussés que je pourrais. A mes yeux, je n’étais totalement saoul, pas encore. A la fine limite entre ce qu’il fallait et le trop certainement ? Quelque chose du type ? Malgré mon ivresse avancée, tu acceptais de te livrer à moi, un peu plus encore. Alors je me concentrais, j’écoutais avec énormément d’attention… mais me perdait quand même. Des draps je me redressais, les traits tendus car perdu. Tes explications prenant fin, mon téléphone restait choir dans les draps pendant que j’utilisais mes mains pour compter. De la gauche ce que tu venais de dire, de la droite, ce que tu m’avais dit. « Attends. T’as un frère et deux sœurs. Mais si t’as des jumeaux, ton frère et Liwei la dernière… ça fait quatre. Mais t’as qu’un frère, donc.. Les jumeaux ne sont pas des garçons, mais ça ne peut pas être des filles non plus sinon Liwei ne serait pas dernière des trois… » Je marquais quelques secondes de blanc en réfléchissant avant de me rappeler un cours sur les jumeaux que nous avions vu au lycée. « Ah ! Les jumeaux. » Je pointais mon index et mon majeur gauche de mon index droit. « C’est des faux jumeaux. Alors t’as ton frère qui est jumeau avec un de tes sœurs, en plus de Liwei qui vient s’ajouter donc un total de trois. C’est ça ? » Je pointais l’écran du doigt dans l’attente d’une réponse... que je n’attendais pas vraiment à vraie dire. « Donc Liwei est l’enfant du premier mariage de ton père et les jumeaux du premier de ta mère avec un autre homme. Mais c’est bizarre de sortir avec son frère par mariage… C’est comme si Mingyun sortait avec Jethro… C’est pas un bon exemple. Woa... C’est trop bizarre. » Quelle était la probabilité que deux personnes séparées se rencontrent et se marient ? Mais plus encore, que leur enfant tombent amoureux l’un l’autre ! Est-ce que l’un des deux couples ne devrait pas rompre pour le bien de l’autre ? Bien que je pensais avoir mis le doigt sur l’explication, je n’en semblais pas moins perplexe et perdu, cette situation était assez unique et bien loin de ce qu’il était coutume de voir.

Ta capacité de réflexion fut mise à l’épreuve plutôt que je ne l’avais pensé au fil de mes présentations. Ainsi, je t’avais perdu pratiquement d’entrée de jeu à l’évocation des jumeaux. En voulant t’éclairer, je t’avais embrouillé. Au début, mes traits se durcirent légèrement, puis se détendirent. Je ris à t’observer compter le nombre de mes frères et soeurs pour tenter de résoudre cette énigme jusqu’à ce que tu trouves la clé. Oui, les jumeaux Park étaient des faux jumeaux, mais il m’était déjà peu agréable de préciser que mes ainés étaient des demis-frère et soeurs, alors employer le terme de faux. Parce que la génétique ne fait pas de nous quatre des frères et soeurs par le sang, à mes yeux, ils le sont, véritablement, pleinement. Ils sont ma famille. Une conception néanmoins compliquée et bancable chez nous, comme tu semblais le relever. 


Je levais les yeux quelques instants pour regarder le porche de l’entrée de la fraternité. À présent, je me tenais au pied du bâtiment et pourtant, je n’interrompais notre conversation. D’autant moins que je ressentais le besoin, voire l’envie de préciser certains éléments. « Notre frère n’a pas grandi avec nous. J’avais dix ans la toute première fois que je l’ai vu, quand il a rejoint notre famille à Singapour, » dis-je doucement, la voix sans doute empreinte d’une once de peine. Mon amour pour mes parents, mes soeurs et mon frère était trop grand pour que je puisse supporter qu’ils soient juger. Nous en avions tous que trop soufferts. Enfin surtout eux, puisque ma différence d’âge et ma génétique m’avaient tenu à l’écart. « Donc tous les deux avaient quinze ans… » Je remontais le temps et les souvenirs. Tous les quatre n’avions véritablement vécu ensemble que si peu de temps. Puis, ils étaient partis et m’avaient laissé derrière. « Ce fut étrange pour moi aussi. Si tous les deux ne se sont jamais vraiment considérés comme frère et soeur… » Je les comprenais désormais mais les premiers temps, la révélation de leur relation m’avait profondément blessée. « Pour moi, ils sont autant mon frère que ma soeur, pleinement. » Alors oui, c’était toujours un peu étrange. « J’ai appris à ravaler mon égoïste et à être heureuse pour eux, » souriais-je tendrement.

Assis dans les draps dans un premier temps, c’était en continuant de réfléchir à ce sujet étrange que j’entendais d’une oreille tes propos. A dix ans la première fois ? J’eus l’envie de demander « pourquoi pas avant ? » mais… N’était-ce déplacé au vu de notre relation ? Alors je me rallongeais, reprenant le portable dans ma main pour confortablement poser la joue contre le drap. Un instant mes yeux se fermaient pour profiter tant de ta voix que du confort que je m’offrais à m’installer de la sorte dans un lit qui n’était mien puis ils se rouvraient sur ton si joli visage. Avais-tu toujours été si belle ? A avoir fermé les yeux le temps de quelques secondes, j’eus l’impression qu’un ange avait pris possession de mon écran, un ange portant ton nom. Sans doute était-ce le moment où mon esprit se mettait à dérailler ? La fatigue et l’alcool, un mélange détonnant.

Sur mes lèvres, un sourire prenait place en t’écoutant. Je n’étais surpris de te savoir te sacrifié pour le bonheur d’autrui, étrangement… En fait si un peu. C’était surprenant, mais tellement attendrissant que je n’y portais d’attention et me délectais seulement de la douceur qui s’immisçait en moi. « Tellement mignonne… » Deux mots qui m’avaient échappés mais que je pensais bels et biens.  « L’important est que tout le monde soit heureux ; même si c’est une situation bizarre, elle n’est pas immorale pour autant… » Ils n’étaient de la même famille à proprement parlé, bien que le malaise restait palpable dans mon esprit. Une situation étrange, qui était bien difficile à accepter, mais ça ne me regardait. Et tant que ça ne me regardait, je ne jugerais ni ne donnerait d’opinion. « T’es arrivée ? » Une question qui me brûlait les lèvres tant je ne voulais la poser, pourtant… Je ne pouvais ignorer l’absence de bruit de pas dans un des quelques silences qui se créait de notre conversation ; même si sur mon visage tu pouvais voir la déception de ne pouvoir te garder au téléphone plus longtemps. Même ma voix s’était faite plus triste et basse dans mon interrogation, incapable de me retenir même si j’étais inquiet quant au froid dans lequel tu te trouvais.

À t’entendre t’émerveiller de ma pureté si généreuse et adorable à tes yeux, j’oubliais momentanément la nostalgie de mes souvenirs pour grimacer.  J’aurais pu rétorquer farouchement qu’en rien je n’étais mignonne. Pourtant, je ne le fis. Les instants suivants, j’esquissais un nouveau petit sourire, amusé par cette image que tu me supposais. « Je ne dirais pas l’avoir accepté facilement… » soufflais-je avec bien plus de légèreté que la situation d’antan ne le permettait. Je ne raconterais pas la colère, la résistance et tout le foin que j’avais fait au cours de leur mariage. J’avais gâché un jour si important dans la vie de mes aînés. « C’est l’alcool qui te leurre, je ne suis pas si mignonne, » dis-je, mitigée. Je regrettais mes actes datant d’avant mon arrivée à la Yonsei. Et non seulement l’incident de Cambridge mais aussi mon comportement vis à vis de ma famille avaient été cause de mon exil en Corée du Sud. Mon père voulait me protéger de moi-même en quelques sortes. De la haine qui m’habitait depuis mes treize ans. Néanmoins, en parler avec toi, me plaire de ton ignorance avait quelque chose de doux aussi. À la différence de l’ultime question que tu me posais. « Et oui, je suis arrivée… » Doucement je soupirais. J’avais espéré que peut-être tu ne le remarquerais. Que je puisse prolonger cet appel ne serait-ce encore quelques minutes. Pourquoi l’idée de raccrocher était-elle si pénible ? « Oh ! » m’exclamais-je soudainement éclairée d’une lueur d’espoir. « Tu veux voir Mingyun ? »

Une question et la confirmation tombait. Tu étais belle et bien arrivée. Si cette idée me ravissait en partie, car tu étais hors de danger à présent, que tu pourrais être au chaud enfin et te reposer, une partie de moi, plus égoïste, ne voulait raccrocher. J’aurais aimé que cet appel dure plus longtemps et j’étais bien incapable d’y mettre un terme. Alors, évidemment, à ta question, cette proposition qui amenait la promesse d’un peu plus de temps en ta compagnie j’acceptais. D’abord d’un mouvement de tête à moitié étouffé par les draps, puis d’une réponse de vive voix. « Oui ! Je veux voir notre bébé ! » N’étais-tu celle qui se plaisait tant à dire que nous étions ses parents ? Cette idée m’apparaissait bien plus facile à accepter avec le temps qui était passé et, surtout, l’alcool pour me faire dire une chose pareille sincèrement et sans crainte. « Il va bien ? Ça fait que deux jours, mais j’ai l’impression d’être parti pendant des mois… » Lequel des deux me manquait le plus ? La Chine ? Ou la Corée ? Lorsque je me trouvais dans ma terre natale, mon pays d’origine me manquait et inversement lorsque c’était sur cette dernière que j’étais. Partagé entre deux univers qui ne pouvaient se mélanger et cohabiter peu importe combien je pouvais le désirer.

Sur une idée pour faire perdurer, aussi longtemps que possible cet appel, j’ouvris la porte du dortoir de la fraternité. Mon coeur avait agréablement palpiter à t’entendre accepter. Ton engouement se tournait-il uniquement sur Mingyun ou toi aussi, tu souhaitais que nous discussions encore un peu plus longtemps ? Étrange sensation de ne plus ni vouloir, ni pouvoir me passer de toi. La distance facilitait les choses. Je pouvais te témoigner plus aisément de mon envie et mon instinct de complicité avec toi sans avoir à affront de front les conséquences. La porte d’entrée se refermait derrière moi et j’avais dans l’obscurité. « Je ne sais pas s’il dort ou s’il est réveillé… » murmurais-je discrètement. Au cas où quelques renards seraient rentrés et surtout, pour ne pas être prise en flagrant délit de… d’appel visio avec toi.


Je me dirigeais jusqu’à ma chambre, poussant silencieusement la porte. « Mingyun… » appelais-je  d’une voix douce et discrète. Je traversais la pièce pour y allumer la lampe de chevet. Dans la pénombre, des petits yeux se dessinèrent. « Oh, il est là, mon bébé. » Je tournais le téléphone de telle sorte que tu puisses le voir ainsi lover entre deux peluches au coin de mon lit. « Regarde qui est là mon chaton ! » J’étais curieuse de voir son attitude face à l’écran et au son de ta voix.

Avançant dans le noir, sans autre lumière que celle de ton portable, cela me rappelait quelques idioties que j’avais pu faire avec Namseon dans le dortoir. Qui aurait l’intelligence d’appeler des esprits  en plein milieu de la nuit avec un fils de chaman exactement ? Heureusement que jamais tu ne nous avais attrapé encore, cette aisance à avancer dans l’obscurité en était presque effrayante d’ailleurs. Et si tu nous surprenais un jour et nous donnait un coup au cœur ? Je ne voulais y penser…C’était la crise cardiaque assurée en plus de perdre le peu de virilité que mon comportement permettait d’offrir à ton opinion. D’ailleurs, celle-ci devait diminuer une nouvelle fois lorsque je vis enfin notre boule de poil adorée entre ces peluches sur ton lit. Alors tu dormais encore avec des peluches ? « Mììììngyùùùn ! » Un sourire radieux se dessinait sur mes lèvres à sa vue, tel un père voyant son bébé adoré pendant un voyage d’affaire. Ma main libre se levait dans un petit signe que j’espérais qu’il verrait et comprendrait, un simple coucou pourtant rempli d’amour. Sur le lit, le chaton s’étirait, les pattes en avant pour quitter son abri chaud et s’avancer vers toi. « J’ai envie de lui faire un câlin… » Son petit museau se levait vers le portable, fixant celui-ci de son regard curieux alors que le père gaga que j’étais lui offrais des cœurs formé de l’index et du pouce croisés. « Des bisous aussi. Pleins de bisous. Aah il me manque ! » A mon retour, pour sûr, je serais bien plus aux petits soins avec lui que je ne l’avais été encore avant ! Ce bébé me manquait tant…

À t’entendre être complètement gaga envers notre chat à travers le téléphone, je ne souris sans que tu ne puisses me voir. Un peu moqueuse mais amusée et attendrie, je me demandais si toute ton attitude était à mettre sur le compte de l’alcool ou si sobre, tu n’aurais pas été semblable vis à vis du chaton. « Je ne sais pas si tu es ridicule ou mignon. » Tu pus voir ma main apparaitre dans le champ de la vidéo pour caresser le petit félin ronronnant. « Sans doute, les deux à la fois. » Mìngyùn se frottait allègrement contre ma main tout en massant la couverture sous ses pattes avant. « Mais pas sûr qu’être mignon soit à l’avantage d’un homme, » ajoutais-je, histoire de te taquiner. « Attends… » prononçais-je posant le téléphone à plat sur le matelas au-dessus duquel, tu ne dus tarder à voir apparaître un minois de chaton curieux qui penchait la tête sur le côté avant de poser une patte sur ton nez par écran interposé. Pendant ce temps, j’allumais le plafonnier afin de chercher dans mes tiroirs d’où j’extrayais un support sur lequel je plaçais ensuite le téléphone, sur ma table de chevet. Les mains libres, je pus prendre notre bébé de mes doigts pour le lover contre moi, à hauteur de ma gorge, apparaissant cette fois-ci avec lui à l’écran. « Je vais le câliner et lui faire des bisous en ton nom alors. » Je te tirais discrètement un petit bout de langue avant de déposer un baiser sur le sommet du crâne de Mìngyùn.

Sur mes traits, une grimace se formait. Tu ne pouvais la voir, je ne le savais que trop bien, mais comment rester impassible lorsqu’ainsi tu te moquais de moi ? « Yaaah-ah ! » Certainement que la voix plaintive que je venais d’employé n’aiderait à calmer tes remarques, mais je ne savais faire autrement. C’était ainsi que j’étais après tout ! Un homme qui savait être aussi mignon que charismatique, insouciant mais sérieux, un doux mélange de contrastes dont j’avais souvent conscience. Alors ce soir, je serais mignon, insouciant une fois de plus, irréfléchi même sans doute mais au moins, ne nous amusions-nous pas ainsi ? « Pourquoi tu voudrais que je sois à mon avantage ? » Une question que je posais alors que sur l’écran s’affichait la bouille de notre bébé si mignon. Sa patte sur mon visage très certainement, je faisais mine de me faire marcher dessus jusqu’à ton arrivée où je reprenais mon sérieux. Enfant disions-nous ? Ainsi installé sur ce qui semblait être ta table de chevet, c’était avec tendresse que j’observais votre échange. Etais-je jaloux à cet instant ? Ou heureux de pouvoir assister à une telle scène ? Je ne savais, je n’arrivais à savoir. « Il fait meilleur dans ta chambre ? T‘as toujours froid ? » Je n’avais oublié combien tu devais avoir eu froid à marcher aussi longtemps en extérieur, m’inquiétant alors que tu ne tombes malade.

Ta question sur la raison d’être à ton avantage ne trouva de réponse. Prétendument trop occupée à chercher dans mon tiroir pour t’entendre, ne sachant que rétorquer en vérité. Il n’y avait pas de raison, non ? Juste des mots au hasard pour t’embêter. L’interrogation ainsi passer outre, je revenais dans ton champ de vision pour câliner notre petite boule de poils, assise sur mon lit. « Ah ? » réagis-je à tes inquiétudes, prenant alors conscience de ne mettre déshabiller en rentrant. « Oui, il fait bon ici, je n’ai juste pas encore pris le temps d’enlever mon manteau, » t’assurais-je en reposant notre fils sur le matelas. J’ôtais ensuite mon chaud vêtement d’extérieur, révélant en conséquence à tes yeux la tenue que je portais ce soir. Une envie me vint. J’attrapais le téléphone et le maintenais légèrement en hauteur afin de mieux t’y apparaître. « Alors, étais-je belle ? » te demandais-je en chassant une mèche de cheveux en arrière afin de dégager mon col. Que tu puisses admirer ma tenue pour sortir aujourd’hui. Apprêtée sans excès mais élégance et ravinement. Je ne savais exactement pourquoi, mais j’avais envie de te l’entendre dire. Que tu prononces ces mots me témoignant, qu’à tes yeux tout particulièrement, je l’étais. Belle à regarder. À qui avais-je réellement le plus pensé lorsque je m’étais habillée ce soir ?