Je demande qu'à lui en vouloir et m'arroger le droit d'envoyer chier ses excuses au même titre qu'il s'est permis de ne pas tenir sa promesse. Sauf qu'il y a quelque chose de différent chez lui, aujourd'hui. Son sourire en coin, celui que je trouve vraiment horripilant, n'est pas là. Ses belles paroles, mêlant flirt et taquineries, elles non plus ne sont pas là. Tout ce qui fait qu'il est le lui agaçant et social butterfly qu'il est a disparu et j'ai l'impression d'être face à un autre homme ; ou plutôt, une facette différente du même homme.

Je ne réponds pas mais sa proposition amène un regard que je soutiens volontiers, jaugeant combien je dois le croire, avant de finalement baisser ma défense et accepter de le suivre.

Je ramasse le reste de mes affaires et vais pour le rejoindre dehors, pas sans avoir pris un détour rapide vers le comptoir du café et une requête un peu particulière à la serveuse derrière le bar.

Je le retrouve un peu plus loin au coin d'une rue plus calme devant l'établissement. Au début, je comprends pas de quoi il me parle parce que le rapport entre les trois nazes qui ont fini en garde à vue pour possession de drogue et usage de la violence, et lui me semble bien trop ténu.

La chute est si rapide qu'il parvient à capter mon attention en l'espace de deux secondes dès lors qu'il lâche la bombe.

Il semble épuisé, à bout de tout et complètement hopeless. Je reste de longues secondes sans rien dire, attendant que ça vienne de lui, incapable même de savoir par où commencer et ce que je suis censée répondre à ces aveux. La tête baissée, la voix à peine plus haute que les quelques personnes qui tracent leur chemin dans cette rue peu fréquentée, il me pose une question et tout est plus clair ; je sais enfin quoi répondre.

Je tends le bras devant moi et lui mets sous les yeux une petite bouteille de jus de fruits. Il est pâle, il est cerné, il a dû s'entraîner comme un idiot borné toute la nuit et il vient de se taper plusieurs heures de garde à vue. Rien que les tremblements, même très légers, dans sa voix, suffisent à deviner qu'il est à bout de nerfs.

Je fuis timidement son regard en détournant le visage, clarifiant ma voix comme si je ne venais pas d'acheter ça spécialement pour lui. "Je pense pas que tu sois un tricheur et si tu dis que t'avais pas la crimson, alors je te crois." Je réponds, calmement. Mais eux, c'est différent. C'est pas une histoire à prendre à la légère et ils font leur boulot. "En fait..." j'hésite et mes lèvres pincées disparaissent derrière une moue très fine avant, finalement, d'agripper l'inférieure entre mes dents "j'crois que j'aurais pu être dans cette situation moi aussi." Depuis qu'il en a parlé, les événements ne cessent de circuler dans ma tête et je me demande si tout ça est vraiment une coïncidence. "Est-ce qu'ils ont trouvé la crimson dans ton sac de sport ?" C'est peut-être juste une coïncidence, après tout.