A peine la portière ouverte, Toggo déboule de la voiture pour courir et aboyer comme un fou. Les deux heures de trajet ont été longues mais il les a bien supporté. Se Jun regarde le chien, un air satisfait sur le visage, quand Bomi entre dans son champ de vision. Il marque une pause. Leurs regards se croisent et il lui sourit.
C’est pour elle qu’ils ont fait cette route.
La veille, quand il a débarqué à l’auberge, il n’a pas su ignorer les traits gris de son amie. Sa joie pétillante effacée derrière une expression polie qui ne faisait pas si bonne figure. Pas dans son assiette. Se Jun lui avait vaguement posé la question sans chercher les détails. Ce simple fait était déjà inadmissible. Dans cette auberge, ils ne pouvaient pas être deux à ruminer. « Tu taff demain ? Si oui, prends ta journée. Et celle d’après. On met les voiles. » C’était ce qu’il avait simplement déclaré avant de se pointer le lendemain, peu après le déjeuner, dans une voiture qui n’était toujours pas la sienne. Dans le coffre, il avait fourré une tente dépliable et quelques affaires qu’on portait pour aller camper. Il avait bien précisé à Bomi de prendre Toggo. En fait, il avait même souligné dans un sms qu’il avait trouvé un coin parfait pour lui. En réalité, il était surtout tombé sur une pub pour un camping qui autorisait les chiens. Quelques photos l'avaient convaincues de réserver deux nuits dans ce cadre vert à quelques heures de Séoul.
Tandis qu’il sort les affaires de la voiture, les jetant sur leur emplacement protégé par les arbres, il glisse quelques coup d’oeil à sa camarade : est-ce que ça suffira pour elle ? Cette fameuse méthode de tout envoyer valser pour mieux se tirer et oublier… La méthode préférée de Kang Se Jun.

« T’aime bien ? » Qu’il finit par demander un peu plus tard en dézippant l’étui de la tente. Le cadre est sympa, à première vue. Il y a un peu de monde mais la plupart sont logés dans des mobile-home ou des tentes plus haut de gamme louées par le camping. Le site indique même qu’il y a une piscine. « Toggo il aime bien, lui. » Un jappement joyeux lui répond. La tente se déplie et il l’examine un instant comme si un détail lui échappait. Il l’a pris assez grande pour qu’ils ne roulent pas dessus pendant la nuit. Il n’y a plus qu’à dérouler les petits matelas. Une tente. Juste une. Quel est le problème ?

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Avoir le cœur en vrac et la tête ailleurs ne forment pas le meilleur mélange acidulé. Depuis quelques jours, la jeune femme est plutôt amère et peine à remplir ses missions au travail. Elle a beau faire des efforts pour rester professionnelle, les clients qui la connaissent sont pris au dépourvu en la voyant sous ce nouveau jour. Ahjumma s’est un peu inquiétée au départ avant de comprendre la cause de ses problèmes. A cet âge, seul un garçon peut être l’origine d’une telle situation. Cela passera avec le temps, disent-ils. Mais pour autant, Bomi reste perturbée : comment le temps est devenu si long ? Résignée, elle panse ses blessures avec lenteur et désarroi. Sa première vraie peine de coeur, c’est quelque chose à publier dans un journal. Devrait-elle s’offrir une hair therapy ? Après avoir jeté plusieurs coups d'œil à son reflet, c’est finalement une proposition inattendue qu’elle finit par accueillir. Son mensonge ne prend pas sur son nouvel ami : Kang Se Jun. Être tous les deux parents d’un animal les a rapprochés suffisamment pour s’offrir une escapade vers l’inconnu. Elle n’aurait pas pris le risque d’accepter dans le cas contraire.

Et la voici, en tant que passagère d’un conducteur bien souriant. C’est toujours aussi agréable de le voir initier les sourires, lui qui était un peu plus renfermé lors de leur rencontre. Maintenant, c’est à son tour d’être un peu sur la réserve. Oh bien sûr, elle est heureuse de pouvoir compter sur quelqu’un. Bien sûr qu’elle ne compte pas se plaindre tout le week-end. C’est juste que ce n’est plus forcément évident, ni naturel. Elle jette parfois un coup d'œil vers le chien, qui est également obnubilé par les paysages qui défilent. Il tire sa grande langue, glissant son museau dans la petite ouverture de la vitre pour prendre le grand air. L’image l’amuse tandis qu’ils finissent par partager un autre sentiment ensemble : le bonheur d’être enfin arrivé. Un sourire se dessine sur ses lèvres quand Bomi descend du véhicule, suivi d’un doggo. Celui-ci ne perd pas une seule seconde pour renifler tout ce qui se passe dans le coin. Elle caresse l’animal, le félicitant d’être resté sage pendant le trajet. Puis, son regard se pose sur Sejun, occupé à décharger la voiture. Une vraie petite famille si on les observe de loin… Pas vrai ? “ Je suis de son avis. Ça a l’air chouette comme endroit. “ Cette sortie n’est pas une mauvaise idée. Passant une main dans ses cheveux, elle le regarde installer la tente. “ Je ne savais pas que tu faisais du camping. Tu te débrouilles comme un petit chef. “ dit-elle d’un ton amusé, bien que sincère. Puis, elle libère Doggo, histoire de l’aider. Elle se demande si elle serait assez douée pour en installer une. Malheureusement, elle a beau chercher dans les affaires, elle ne trouve rien de plus. Il n’y a qu’une seule tente ? “ Oh. “ Au fond, où est le problème ? Elle a déjà dormi dans le même lit que son meilleur ami. Pas de quoi s’inquiéter, pas de quoi s’imaginer des trucs… Il ne faudrait pas penser que Sejun a fait exprès de ne prendre qu’une seule tente. Impossible. L’étudiante a déjà été victime de son imagination avec Hayden. Elle ne peut pas recommencer avec lui… Autant prendre les choses d’un ton léger, même si elle aurait clairement évité de prendre son pyjama Pokemon, histoire de ne pas passer pour une gamine. Hmpf. Trop tard, elle suppose. “ Il y a un problème ? Tu as besoin d’aide ? “ Elle se met à sa hauteur, prête à découvrir l’intérieur de la tente et d’évaluer le taux de proximité.


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Il lui répond d’un sourire et son regard s’attarde sur elle. Bomi a l’air d’apprécier l’endroit mais il la sent toujours dans la retenue. Il ne sait pas ce qui la chagrine et n’est pas certain de vouloir lui demander… Mais lui, ça l’emmerde de ne pas voir son sourire. L’étincelle crépitante qui le réchauffe les jours de pluie est devenue si timide. Peut-être, ici, saura-t-il la raviver… quoiqu’il n’est pas si prétentieux.
Toggo aboie joyeusement pour toi. Se Jun continue de préparer la tente… sa première contrairement à ce que les compliments de sa camarade pourrait faire croire : « Bah, j’en fais pas. C’est la première fois. » Doit-il être flatté ou bien Bomi doit-elle s’en inquiéter ? Les équipements sont assez simples d’utilisation. Aujourd’hui, on fait du bon matos. Et c’est pas son père qui lui aurait appris à camper… Se Jun était pas ce genre de môme, déjà à l’époque. Trainer dehors, oui, encore aujourd’hui - d’ailleurs, il est plutôt du genre à dormir à la belle étoile et c’est pas vraiment du camping… - mais il n’aimait que trop retrouver la sûreté de sa chambre, sa nintendo et ses pokemons. Mais il est manuel, ça doit aider. « Mais t’inquiètes, on s’envolera pas. » Il se tourne, lui offre un sourire mi confiant, mi amusé. Le camping est bien équipé… s’ils ont un problème, ils pourront toujours aller voir ailleurs… ou dormir dans la voiture.
Dormir. Ce sujet là, Se Jun ne s’en soucie probablement pas assez. Il y a deux sacs de couchages mais une tente. Où est le problème n’est-ce pas ? Il voit Bomi perplexe. A côté de lui, il l’observe évaluer la tête. « Non, t’inquiètes. » Il déplie leurs couchettes et l’étale dans le fond de la tente, sans les coller ni trop les éloigner. « On devrait pas avoir froid normalement » Le temps est correct, il l’a même vérifié ce matin. « Si jamais, j’ai un sweat dans la voiture. » Il n’était pas du genre prévoyant mais il se souvenait avoir enfourné diverses affaires dans son sac avant d’enlever Bomi.
Il se lève, fait un aller-retour à la voiture pour sortir le reste des affaires. Toggo a déjà vidé la moitié de sa gamelle d’eau, aussi il lui remplit et lui met quelques croquettes sur lesquelles il se jette : « Morfale. » s’amuse-t-il avant de faire signe à Bomi de le rejoindre : « Hey. Viens m’aider à accrocher le hamac ! » Non sans une esquisse un peu fier au coin des lèvres, il lui exhibe le petit bijou de détente qu’il a déniché : un hamac blanc dans lequel ils pourront se prélasser. Chacun leur tour. Se Jun n’avait pas songé qu’il n’y avait qu’une place… quoique… Il lui montre deux arbres, pas loin de la tente et lui tend un bout du hamac en gardant l’autre : « Y’a une piscine aussi. Si ça t’intéresse. »

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