ootd Il naît l'ombre d'un sourire sur les traits calmes de son visage. La main de Sei qui rejoint la sienne lui procure une sensation de chaleur qui, contrairement à celle qui se répand dans son cœur, est parfaitement tangible. Elle réchauffe l'épiderme assailli par le froid. Comme il l'avait déjà fait cent fois, mille fois auparavant. Il avait prêté ses sweats à capuche, il avait reboutonné son manteau jusqu'au col et avait pris ses mains dans les siennes pour les protéger du froid.

En ces instants, Hina plus que jamais comprend la ligne invisible sur laquelle, tout ce temps, sans même s'en rendre compte, ils avaient marché conjointement.

Tous ces gestes de tendresse et d'amitié qu'aucun d'eux n'avait jamais osé clarifier par peur de tout faire s'effondrer.

S'il ne s'agissait que d'elle, peut-être s'en serait elle accommodé jusqu'à la fin des Temps ; la seule satisfaction de passer du temps avec lui, auprès de lui et de persister à exister dans sa vie lui étant amplement suffisant pour ne pas avoir à en réclamer davantage.

Sans doute était-ce réducteur mais Hina n'avait jamais eu la prétention de se revendiquer quoi que ce soit d'indispensable dans la vie de quelqu'un. Elle trouvait sa présence dispensable et ennuyeuse, ainsi qu'on le lui avait souvent reproché tout au long de son adolescence.

Et puis, Seiwong était arrivé et il avait mis tout son monde en orbite autour de lui. Un monde pas très grand, minuscule à vrai dire et sans dessus-dessous. S'il avait été une métaphore, alors il aurait été le Soleil des journées grises ou la Lune des nuits très sombres. Aux yeux de la petite artiste il était tout parce qu'elle n'avait rien. Et jamais l'idée de vouloir lui en prendre plus que ça ne lui avait effleuré l'esprit tant ce qu'il lui avait offert était grand.

Elle n'avait jamais su comment lui rendre un jour ne serait-ce que l'équivalent. Toute une vie de travail aurait été impossible. Et voilà qu'aujourd'hui elle se surprenait à le décevoir en ayant même été incapable de voir le moindre de ses sentiments nourris à son égard.

Était-ce seulement possible ? Il lui semblait qu'à sa vie douce et ordonnée, elle n'avait apporté que des soucis et des contraintes de gamine abandonnée.

Inconsciemment, elle ne pouvait s'empêcher de se poser la même question que lui s'était posée : découvrait-elle seulement maintenant la nature de ses sentiments ou les avait-elle sciemment ignorés tout ce temps ?

Elle non plus n'aurait pas su lui répondre avec beaucoup de certitude. Son univers avait toujours été un peu étrange et un peu sombre pour avoir envie d'y entraîner quelqu'un. Ainsi revenait la figure de la fine ligne sur laquelle ils avaient dansé, tous les deux, pendant toutes ces années.

Savoir tout en ignorant et vouloir sans pour autant s'arroger le droit de prendre.

Tandis qu'il prend une inspiration entre deux phrases, Hina doucement dégage sa main de l'étreinte parfaite. Elle prend appui sur son épaule pour s'élever sur le muret, ses deux genoux s'enfonçant dans la dalle de pierre sans jamais chercher à l'interrompre ni même le faire taire.

Lorsque le silence revient et qu'il semble étouffer face à l'absence de réponse de sa part, Hina sait que c'est à son tour de parler et qu'il n'existe qu'une seule réponse qui puisse le libérer.

Elle s'abstient cependant de mots qui l'auraient rendue gauche et maladroite face à la pureté de sa déclaration. Elle résonne à ses oreilles comme la plus douce des mélodies. Une mélodie qu'elle n'aurait jamais pensé entendre un jour (ni même songé à ce qu'il existe quelque chose d'aussi beau à entendre). Sa langue glisse timidement sur ses lèvres et elle se penche vers lui pour l'embrasser avec une urgence nouvelle qu'elle ne se connaissait pas.

Si le premier baiser était furtif et éphémère, le second porte quant à lui l'empreinte de son adoration et de sa dévotion qu'elle s'applique à déposer contre ses lèvres dans un souffle haletant.

"Sei. Demande moi ce que tu veux savoir." Murmure-t-elle en constatant -impuissante- la faiblesse de sa respiration, saccadée comme les battements erratiques de son cœur dans sa poitrine.

ootd C'est elle qui le lui a demandé mais lorsqu'il le fait, elle sent le rythme de son cœur qui s'accélère et elle ne sait plus où se mettre. Comment fait-on pour avouer des sentiments ? Elle ne l'avait jamais fait. Avant lui personne ne lui avait dit ces mots magiques. Hina avait l'impression de les comprendre pour la première fois, de les avoir toujours connus mais d'en découvrir la saveur pour la toute première fois.

Ils étaient effrayants ces quelques mots. Depuis qu'ils avaient glissé de ses lèvres avec son intonation douce et sa jolie moue, Hina ne rêvait que de les entendre à nouveau, encore et encore qu'il lui dise qu'il l'aime et qu'il l'avait toujours aimée.

"Oui."

Ce n'est pas un murmure contrairement à ses habitudes. C'est une affirmation, une vraie, une déclaration maladroite avec le cœur au bord des lèvres. Elle se l'entend dire avec une telle certitude que la précipitation lui coupe l'air.

Un peu comme si elle avait attendu cette question toute sa vie ?
Sans même se rendre compte combien elle avait eu besoin de le dire.

Aussitôt ses épaules s'affaissent et son regard brûlant de confiance quitte le sien. Elle s'écarte légèrement de lui, s'assied de nouveau sur le muret en pierre et laisse ses jambes osciller dans le vide. Ses deux mains glissent contre ses joues. Elle se rend compte qu'elles sont chaudes. Elles s'embrasent inconsciemment et elle craint qu'elles ne soient déjà toutes rouges. C'est embarrassant.

Tout un tas de choses se bousculent dans sa tête et elle ne sait plus à quoi penser. Comment lui dire ce qu'elle voudrait lui dire ? Sans fausse note et sans risquer de le faire fuir. Sa confession de tout à l'heure lui revient en tête et Hina a l'impression de flotter et de se noyer tout à la fois.

Il provoque en elle tout un tas de sensations avec lesquelles elle n'avait pas prévu de devoir coopérer ce soir. Alors, elle opte pour un regard timide et incapable de voler plus haut que le bout de ses chaussures. Un regard un peu perdu dans la nuit et qui s'accorde bien avec la fragilité de sa voix et la façon dont le bout de ses doigts semble doucement trembler.

"T'es la seule chose que je voudrais jamais changer dans ma vie." Confesse-t-elle d'une voix frémissante. "Chaque fois que je me demande à quoi une vie différente aurait bien pu ressembler, j'arrive jamais à l'imaginer sans toi." Elle mord prudemment dans sa lèvre, osant alors jeter un regard au garçon resté à ses côtés.

"Je sais pas si c'est à la hauteur mais c'est comme ça que je t'aime."