Je comprends qu'il essaye de me faire changer d'avis parce qu'il s'inquiète. Mais là j'ai l'impression que c'est plus de l'inquiétude. Aujourd'hui on en est plus à ce stade là, je crois. C'est comme une bataille de convictions. Quoi qu'à ce rythme là c'est plus une bataille mais la guerre finale. Parce que tous les deux on doit saturer. Moi sûrement moins que lui parce que j'aime pas les 'guerres' mais maintenant je commence à en avoir marre d'entendre toujours les mêmes critiques. Du coup je commence à accepter petit à petit qu'il y a pas d'autres options qu'un conflit avec mon ami. « J'ai les idées claires. Et toi tu devrais t'inquiéter de ton manque d'humour là. » Conseil d'ami. Non mais sérieusement on peut plus plaisanter ici ? Il y a définitivement pas d'autres options. Je soupire discrètement avant de porter ma cigarette à mes lèvres. J'ai même pas fini celle là que j'ai déjà envie de m'en griller une autre. Je reste jamais énervé très longtemps et pourtant là c'est l'inverse. La plus énorme erreur de ta vie de toute façon comment je peux me calmer en entendant des trucs pareil ? « C'est la plus brillante idée de ma vie. » Je réplique aussitôt. D'accord il y a mieux comme réplique mais je joue pas au jeu de la meilleure répartie. Il trouve que c'est une erreur et moi l'inverse. Vrai dialogue de sourd jusqu'à la fin.

Il change de sujet, meilleure chose à faire. Su Nah, pas le meilleur sujet. J'ai pas envie d'en parler, de m'étendre sur le sujet. C'est bien trop récent, j'ai comme le ventre noué, la gorge serrée. Je décide de faire passer le message. « J'ai pas d'explications à te donner. » A vrai dire j'en ai pas donné à Su Nah non plus. Alors manquerait plus qu'elle l'apprenne de la bouche d'un autre. Non, je parle suffisamment froidement pour éviter qu'il ne pose d'autres questions. Et involontairement je continue à être froid envers lui. Je m'en veux un instant, prêt à m'excuser pour finalement plus rien regretter la seconde d'après. Pas parce qu'il me réponds mal non mais à cause de ce qu'il me réponds. Je sens la colère monter et mon regard doit en dire beaucoup sur mon état. « T'as vraiment cru qu'un jour je pourrai regretter ? Jamais je viendrai te dire une connerie pareille. Au moins j'aurai essayé de faire ce que j'ai envie. Ouais même si je venais à me rater violent j'aurai tenté. » J'ai que vingt ans, c'est le moment ou jamais merde. Puis il me demande si c'est la dernière fois qu'on se voit. « Vu le soutien que tu m'offres ça risque d'être la dernière oui. » C'est con que ça se finisse comme ça, c'est con de répondre aussi sèchement à une question comme celle là. Mais j'ai pas envie d'aller contre ça. Je sais que je vais en chier et je réalise que c'est pas à lui que je pourrai en parler. Je termine ma cigarette, jette le mégot par terre et soupire encore.

« Désolé si ce genre de choses ne me fait pas rire… quand à mon manque d’humour, tu devrais y être habitué depuis le temps ! » C’était vrai. Il me connaissait depuis assez longtemps pour connaitre mon sale caractère. Je m’ouvrais difficilement aux autres, même qu’aux premiers abords, on pouvait croire que j’étais arrogant et trop sûr de moi. Alors que, pas du tout. On m’avait dit plus d’une fois, que j’étais intimidant quand on ne me connaissait pas. Une chose sur laquelle je travaillais, mais aujourd’hui, je n’avais aucune envie des faires un effort. Ce qu’on retenait depuis un moment, ces discussions qu’on mettait de côté, les repoussant le plus loin possible dans un ultime espoir de sauvé notre amitié, éclataient maintenant. Et ca risquait de faire mal. La meilleure idée de sa vie …. On était arrivé à un stade où plus aucun de nous deux ne changerait d’avis, même si on essayait de faire entendre raison à l’autre. Je soupirais. Soit, qu’il reste dans les illusions que la liberté lui donnait. Je n’étais pas son père, et je n’avais rien à lui dire d’ailleurs. J’étais fatigué de parler à un mur.

Quand je change de sujet, prenant Sunah comme dernier argument que je pouvais utiliser, il me répondit sèchement. Qu’il n’avait aucune explication à me donner. Il n’avait pas tort. Sunah était une amie, mais une amie sur qui je n’avais aucune influence. Je la voyais quand je passais chez Hee Jae ou quand on sortait tous les trois. Je parlais et riais avec elle, mais ca s’arrêtait là. Tout ce que je savais, c’était que Hee Jae l’aimait, et je jouais à l’instant, juste sur cela. Finalement, il me parlait sur un ton si froid que je n’osais pas parler plus de Sunah. Sans doute lui avait-il déjà parlé et qu’il a eu le même genre de discussion qu’avec moi. Entendre plusieurs fois la même chose des gens qui nous sont proches, ne devait pas être facile à supporter. Mais au fond, il fallait qu’il comprenne qu’on était inquiet pour lui, qu’on voulait juste l’aider, même si c’était maladroit. Mais ca, il ne voulait pas se le foutre dans le crâne. Il avait son opinion et n’allait pas en changé et sa réponse me confirma encore une fois, que je ne n’arriverais pas à le faire changer d’avis. Je soupirais à nouveau. « Fais ce que tu veux Hee Jae… quoi que je puisse dire de toute façon, tu diras le contraire… » J’en avais marre de parler à quelqu’un qui ne voulait rien entendre. Ca ne servait à rien de m’énerver contre lui. Il avait déjà prise sa décision. Pourtant, quand il parlait du soutien que je ne lui donnais pas, ca me sortit par les yeux. Et sans vraiment de raison, je m’énervais en disant ces mots. « Bon sang Hee Jae, tu veux que je te dise quoi ? Que je fasse qui de plus ? Je ne suis pas d’accord avec toi ! Je ne vais pas dire oui oui à tout ce que tu me dis, juste pour ton bon plaisir… je te dis ce que je pense, c’est tout. Je m’inquiète aussi pour toi et j’ai peur que tu regrettes ta décision, c’est si grave que ca ? » J’étais hors de moi. Cette histoire commençait franchement à me taper sur les nerfs. Je n’avais pas envie de quitter mon ami, en étant fâché, mais à ce rythme-là, c’était bien ce qui risquait de se passer.

J'en ai marre de cette discussion. Enfin, si on peut appeler ça une discussion. Moi qui ne m'énerve presque jamais là monsieur joue avec mes nerfs. Pour ce qui est de ma remarque sur son manque d'humour je pensais pas qu'il le prendrait si mal. Quand on y pense c'est le comble quand même d'être devenus si potes. Je rigole de tout, parfois de ce qu'il faut pas et lui prends certaines choses trop au sérieux. On va aller loin tous les deux. Ironie quand tu nous tiens. Clope aux lèvres, je soupire, je suis en train de décimer mon dernier paquet pour des conneries. Pas que je considère cette conversation comme une idiotie mais avouons le on avance pas. J'ai rien contre le fait de perdre du temps mais la faut pas exagérer non plus. Puis il me parle de Su Nah moi qui me plains de pas avancer maintenant on va carrément accélérer. Sujet suivant. J'ai mal, je veux éloigner la douleur de mes pensées à défaut de pouvoir la faire disparaître de mon cœur. J'ai le regard froid, mon ton est froid, c'est pas dans ma nature. Je me surprends moi même à réagir au quart de tour. Et puis il me parle de regrets alors la surprise laisse place à la compréhension. Il y a des limites à ce que je peux entendre, à ce que je peux tolérer. Des limites qu'il vient de franchir. Oh j'imagine bien que j'ai franchi les siennes aussi. Quand je dis qu'on va aller loin.

Ma cigarette n'est plus que l'ombre d'elle même, tout ce consume, même l'amitié semblerait-il. Évidemment que je dirai le contraire à chaque fois. Et pas par esprit de contradiction mais parce que mes convictions n'iront jamais dans le sens des siennes. Dire le contraire, lui aussi ferait pareil. Je me retiens de lui répondre que la réciproque est vraie même si je le pense fort. Je me retiens de répondre tout court. Il brise le silence, cette fois sera la dernière ? J'y avais pas pensé. Et je parle en même temps que je pense. Je parle sans réfléchir. Mais au fond même si j'y avais réfléchi j'aurais répondu pareil. J'imagine que je viens juste de franchir ses limites en fait. Je ne l'ai jamais vu énervé. Je suis désolé pour lui, pour nous, de ne pas vouloir calmer les choses. Putain, jusqu'au bout on a pas la même définition de soutien. J'ai l'impression de me prendre toutes nos contradictions en plein visage. « Tu m'expliques pourquoi on parle encore en fait ? » Question conne qui n'attends pas de réponse. Mais c'est vrai pourquoi on en arrive là, en sachant pertinemment dès le départ qu'on allait parler dans le vent. Aller Hee Jae essaye d'expliquer ton point de vue de façon diplomatique. « Je te demande pas d'être d’accord avec moi putain ! Juste que t'accepte ma décision. Mais c'est peut être carrément trop te demander ? » D'accord niveau diplomatie on y est pas. Je sais qu'il s'inquiète mais pas besoin de donner des leçons de morale pour faire passer le message. « Mec c'est bien beau de dire ce que tu penses. Bravo je te félicite ! Mais si tu peux pas accepter que je puisse penser différemment j'ai plus rien à faire là. » Oh je sais il va peut être se dire Hee Jae pourquoi t'accepte pas mon avis aussi. Mais qui est celui de nous deux qui a besoin de soutien ?

Pourquoi on parle encore ? Excellent question. Je ne savais pas pourquoi je parlais encore avec un borné comme HeeJae. Il camperait sur ses positions, tout comme moi. Aucun de nous deux n’allait lâcher l’affaire. Cette conversation tournait en rond et on n’avançait pas. Je ne voyais pas l’utilité de continuer. Il avait fait son choix, et moi, le mien. « Ouai peut-être… je comprendrai jamais ton point de vue, ni toi, le mien ? On est trop borné pour essayer de comprendre ce que l’autre ressent. Et ta décision n’est pas acceptable pour moi. » Mes paroles étaient dures. Sans doute que je n’aurais pas dû lui parler comme ca. En y repensant, je trouverais cela puéril de ma part de ne pas avoir accepté simplement sa décision. Je culpabiliserais surement plus tard. Mais, en attendant, j’étais énervé et tendu. Et même si je ne pense pas vraiment tout ce que je dis dans ces moments-là, il y a toujours une part de vérité. « Alors casses-toi Hee Jae ! Je ne sais même pas ce que tu fous encore là si tu avais décidé depuis longtemps de tout plaquer. » C’était surement les mots de trop, mais on ne le saura jamais, car la sonnerie retentit, annonçant la fin de la pause. Sans me retourner, j’entrais à l’intérieur, en laissant Hee Jae, seul avec sa cigarette presque consumée entièrement. C’était la dernière fois que je l’avais vu. On s’était quitté sur une dispute, une dispute qui avait mis fin à notre amitié déjà bien fragile.