YUJIN & SIAN

Je ne sens plus le bout de mes doigts. Vais-je mourir ? Probablement d'un manque de sang quelque part dans mon corps avec le poids de tous ces sacs qui me coupent la circulation. En plus, je commence à avoir mal au dos, mais la journée n'est pas terminée tant que je n'ai pas suffisamment entendu le bruit merveilleux d'une carte de crédit acceptée. Autant j'aime faire du shopping, autant je hais devoir moi-même trimballer tous mes trucs qui sont lourds et encombrants. Commander mon foutu milkshake est une épreuve olympique et je perds patience quand vient le tour de Sian pour commander, disant que je vais nous trouver une table où prendre une pause de tous ces efforts physiques qui vont me rendre dingues. J'en déniche une pas trop loin, posant ma collation sur la surface lisse et laisse tomber mes sacs autour de celle-ci. Mes pauvres avant-bras sont marqués par les bandes laissées par la pression du plastique contre ma peau. Dans tous les cas, mon état de zèbre partira dans les prochaines minutes, mais je ne peux en dire autant de la dame en robe courte léopard qui boit un café un peu plus loin. Son maquillage est si intense que j'oublie presque de m'asseoir, m'installant au moment où Sian me rejoint sans que mon regard ne quitte le phénomène. « Tu crois qu'elle sait qu'on est lundi ? Et au centre commercial ? » Je me penche un peu au-dessus de la table pour m'approcher de mon amie, goûtant mon milkshake aux ananas par la même occasion. Non, sérieusement, j'ai les yeux qui brûlent et je détourne le regard en clignant les yeux à répétitions, secouant légèrement la tête dans l'espoir vain d'effacer cette image de ma mémoire.

YUJIN & SIAN

Comment cet homme fait-il pour acheter autant de choses en si peu de temps? Je me le demande parfois. Même un peu trop souvent. N’allez pas croire que je n’aime pas passer du temps avec lui, au contraire. Yujin est l’une des personnes que j’aime le plus sur cette planète Terre et jamais, au grand jamais, je n’échangerais mon meilleur ami pour qui que ce soit. Cette petite princesse en est à traîner un million de sacs, alors que je traîne tout simplement ma bourse ainsi qu’un petit sac contenant quelques sous-vêtements. Contrairement au jeune homme qui devait avoir un solde bancaire sans fin, j’étais plutôt limitée niveau budget. Ce n’était pas si mal, au fond. Je n’achetais que le nécessaire. Alors que lui, je pariais que même en ouvrant sa commode, qui devait être pleine à craquer, il ne devait pas savoir quoi mettre. Je le laisse aller nous trouver une table, commandant mon habituel milkshake banane coco, et le retrouve sans trop le faire attendre. Juste à voir ses yeux ronds et à suivre la trajectoire de son regard, bien visible, pour tomber sur cette erreur humaine. « Je ne crois pas qu’elle sache quoi que ce soit, mon cher… » Malheureusement pour elle, son look tout entier était un flop total. Je dépose mon petit sac à mes côtés, prenant place près de mon ami, sortant mon portable de la poche arrière de mon jean pour ouvrir la caméra, prenant, en douce, une photo de la pauvre femme. « Tu ne crois pas qu’on devrait la présenter à quelqu’un? Qui ne tomberait pas raide dingue de cette beauté sublime, dis-moi… » L’ironie se fait sentir, bien entendu.  

YUJIN & SIAN

Une insulte au monde de la mode se tient sous mes yeux, il ne faut pas s'attendre à ce que je fasse comme si de rien était. Oh non. Je refuse de passer sous silence un tel affront pour la population humaine. Où se cache la sélection naturelle lorsqu'on a besoin d'elle ? J'avale ma gorgée de milkshake tandis que mon regard ne peut s'empêcher de retourner se brûler sur cette vision dégoûtante, horripilante. Que dis-je ? Cauchemardesque au point où je doute avoir une bonne - courte - nuit de sommeil dans les six prochaines semaines.  « Je ne crois pas que ses yeux soient reliés à son cerveau. Personne de voyant se fringuerait comme ça pour sortir où que ce soit. Faudrait effectivement lui présenter quelqu'un. Quel homme ne se jetterait pas à ses pieds ? Elle a besoin qu'on lui refasse sa garde-robe. » Je cherche ma paille une seconde fois, tirant une longue gorgée sans pouvoir retirer mon attention du phénomène de foire qui finit par nous remarquer. Je fais mine de rien, continuant de regarder dans sa direction en levant juste un peu les yeux pour faire genre de fixer quelque chose derrière elle. Comble de l'horreur : elle me fait un clin d'oeil. Je l'ai très bien vu, trop bien même, et je m'étouffe sur mon milkshake. Par automatisme, je tousse un peu tout en tapant mon poing contre mon torse et me réinstalle dans ma chaise pour faire entièrement face à Sian. Reprenant mes couleurs, je lève un regard de chien battu vers ma meilleure amie qui veut tout dire. « Je suis souillé à jamais. »

YUJIN & SIAN

Je ne pourrai jamais retenir mes sourires en présence du jeune homme. Il avait cette prestance, cette façon d’agir qui me faisait affreusement rire. Certes, cette dame commettait un crime contre l’humanité. C’était affreux de devoir faire subir quoi que ce soit de ce genre à la population. J’avais déjà porté une robe de ce genre, oui, mais avec au combien plus de classe. Ça ne pouvait même pas se comparer, pour être franche. Je fignole doucement la photo pour la rendre encore plus attrayante qu’auparavant, en profitant d’ailleurs pour envoyer la photo à mes petits requins avec un sous-titre du genre « À donner au plus offrant. » J’étais certaine que Jae y trouverait quelque chose de bon. Dès que je relève les yeux, je tombe sur le regard de chien battu de Yujin, affichant un air surpris. Qu’est-ce qui venait de se passer? « Tu as besoin de quelque chose pour te changer les idées? » J’avais clairement manqué le petit échange entre la dame et mon meilleur ami. Dame qui nous regarde encore, d’ailleurs. Qui semble un peu envier ma position puisqu’elle se dandine sur son siège, les prunelles bien posées contre mon ami. Je semble totalement invisible, en fait. J’attrape le menton de mon cadet entre mes doigts, m’avançant doucement pour poser mes lèvres aux coins des siennes, en profitant pour le débarbouiller du milkshake qu’il avait craché un peu partout. J’entends une chaise crisser et, lorsque je tourne la tête, je vois la femme se dandiner vers la sortie. « Kaching. Problème réglé, mon beau. »

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Je n'ai pas souvenir d'avoir été autant terrifié par un simple clin d'oeil, mais venant d'une telle personne il y a de quoi s'étouffer. Supplice supplémentaire, Sian ne semble même pas avoir remarqué cet échange glorieux avec cette femme aux standards beaucoup trop élevés pour ce qu'elle peut chopper. Déjà, elle a au moins quinze ans de plus que moi et c'est largement assez pour me faire frissonner de dégoût en sentant son regard se faire plus insistant sur ma personne. Je le sens salir mon âme jusque dans ses bas fonds - déjà qu'elle est pas très nette cette âme. « Tout pour m'en sortir avant que la folie l'emporte jusqu'ici. » Je ne suis pas vraiment surpris du geste de Sian, à la rigueur j'en suis même ravi puisque le bruit d'instinct d'une chaise qui traine contre le sol écorche mes oreilles. Un coup d'oeil en sa direction pour la voir retourner dans la foule en mouvement me permet de souffler dans un soupire légèrement dramatique. J'appuie le coude sur la table, posant le menton dans ma paume de main et fait des cercles avec ma paille dans mon milkshake. « On a pu observer un spécimen qui s'habille selon son espèce. » Si un ami mâle sert aux filles à s'extirper des griffes de gros lourds dans les clubs, l'inverse est aussi vrai dans les centres commerciaux et je suis bien content d'avoir Sian en ma compagnie plutôt que n'importe qui d'autre - Dylan par exemple, ce type aurait empiré la situation j'en suis certain. « J'ai jamais eu autant peur d'un clin d’œil venant d'une femme qui pourrait avoir le double de mon âge. »

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Pauvre petit homme. C’était tellement facile de le faire flipper. En même temps, avoir l’attention d’une femme dans ce genre n’avait rien de flatteur, sauf si c’était exactement ce que vous cherchiez. Or, je savais que ce n’étais absolument pas le cas de Yujin, puisqu’ils ne jouaient pas dans la même équipe que cette croqueuse d’hommes. « Tu t’en remettras. Tu préfères cette femme ou un vieux pervers, qui te fait ce genre de clin d’œil? » Ma question est des plus sérieuses. Je repose d’ailleurs mon attention sur mon meilleur ami, glissant au même moment ma paille entre mes lèvres. « J’ai été honorée de jouer ta petite amie jalouse~ » Un grand sourire prend place sur mes lèvres tandis que mon portable vibre sur la table, m’arrachant un petit couinement. Jae avait vu ma photo. Et apparemment, il l’aimait bien. Mais ce n’est pas ce qui retint le plus mon attention, au contraire. Je venais de recevoir un courriel de l’une de mes boutiques favorites et ils venaient tout juste d’ouvrir les soldes. La robe que portait le mannequin était d’un charme absolu et mes yeux se rivèrent de nouveau sur le visage de mon cadet. « Je t’en prie, ne me dis pas que tu comptais rester assis ici encore longtemps..? » Parce que si elle ne se dépêchait pas, cette robe ne l’attendrait pas.

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À sa question, je plisse les yeux. Ai-je vraiment envie d'y réfléchir ? Non, mais il est déjà trop tard puisque je porte réflexion sur la chose. La réponse me parait vite évidente. « Une femme comme celle-là. Elles sont plus faciles à chasser tandis qu'un homme c'est le bordel pour s'en défaire. Crois-moi. » Je baisse le regard vers mon milkshake, secouant lentement la tête de droite à gauche avec de mauvais souvenirs de soirée en tête - rien de bien grave au final, je vous rassure. Prenant une énième gorgée de mon breuvage, j'épie ma meilleure amie se balader sur son téléphone rapidement et je reconnais que trop bien cette réaction. J'essaie même de jeter un coup d’œil à l'écran, sauf que je suis trop loin pour y parvenir adéquatement. À sa question, j'incline légèrement tout mon corps vers la droite, admirant le tas de sacs m'appartenant qui décorent le pied de table. Tout aussi lentement, je lève les iris en direction de Sian pour ensuite les alterner entre elle et les sacs. Je ne pense pas survivre bien longtemps avec tout ça, alors si elle veut cette robe elle va devoir faire un effort de son côté. Le moindre muscle sur mon corps n'est que pour faire joli, en vrai ils ne servent pas tellement. « J'accepte de bouger de cette table si un partage équitable des sacs est réalisé. Je paie ta robe s'il faut, mais seulement si elle me plait à moi aussi. » Il faut savoir imposer ses critères également, non mais. Ce centre commercial manque cruellement de préposés au trimballage des sacs.

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« Oh je te crois. Ne t’en fais pas. » Je savais exactement de quoi il parlait. Je sortais assez fréquemment en boîte, et croyez-moi, ce n’était pas toujours une partie de plaisir. À croire que seules les personnes ne sachant pas se comporter s’y retrouvaient. L’excitation pouvait déjà se lire sur mon visage. Lorsqu’on parlait de shopping, j’étais toujours la première à dire oui, même si je n’étais pas la plus dépensière. Au contraire, je faisais tout de même attention à mon portefeuille, bien que me procurer certains items pour renflouer ma garde-robe l’était assez fréquent. Je vois le regard de Yujin passer de ma personne à ses sacs, tour à tour, et je sais très bien ce qu’il va me demander. « Oui maître. Dobby ferait tout pour maître Byun. » Je me redresse sans plus attendre, fourrant mon portable entre mes seins avant d’attraper un peu plus de la moitié des sacs de mon meilleur ami. Être serviable, c’est mon genre. Avoir un panier pour traîner tous les sacs, aussi, ça aurait été parfait. Mais on fait avec ce qu’on a. Dès que le Sango est prêt, je file vers la boutique, entrant sans trop attendre et me dirigeant vers l’endroit où se trouve la robe que j’avais vue. « Je te donne aussi le droit de choisir quoi que ce soit qui, selon toi, me ferait bien. Tu as de très bons goûts pour un garçon. » Dis-je en lui lançant un clin d’œil amusé. Le taquiner, l’un de mes passe-temps favori.

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Moi, Byun Yu Jin, refuse de voir mes bras expérimenter l'apparence d'un zèbre à nouveau si ce n'est pas pour se rendre directement à la fraternité afin de renflouer le bordel qu'est déjà ma chambre. Ça me fait penser qu'un jour ce serait intelligent de faire le tri dans les fringues que je porte et celles que je peux jeter. Mon regard se fait donc insistant sur mes intentions parce que femme ou pas, je n'ai pas à être galant avec Sian. Qu'elle bouge ses petits bras si elle veut cette robe. « Grouille-toi, Dobby. » Un peu de pression pour la taquiner et je me lève à mon tour, abandonnant mon milkshake presque vide pour saisir le restant de mes sacs. Comme je n'ai pas de seins, mon portable retrouve le confort des poches de mes jeans parce que ah nous les hommes nos jeans ont de véritables poches pour y mettre des trucs tels que téléphone, porte-feuille et clefs. Je la suis jusqu'à la boutique, épiant déjà le moindre bout de tissu de mon œil aiguisé - oui je sais, c'est cliché pour un gay, mais que voulez-vous. « Même si tu ne me l'aurais pas donné, je l'aurais pris. Tu n'es qu'une elfe de maison sans droit. » Je commence à fouiller les vêtements un à un, écartant sèchement ceux que je considère indigne d'être regardé. « Je dois chercher un truc en particulier ? » Autant savoir maintenant vers où je dois m'orienter plutôt que de me fatiguer à chercher inutilement. Je ne tolère aucune dépense d'énergie inutile pouvant être affligé à mon corps.

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Le bout de mon nez se fronce doucement lorsque j’entends le surnom qu’il me donne. Ce n’est pas parce que moi je l’utilise qu’il a le droit de le faire. J’espère surtout qu’il n’en prendra pas l’habitude. Je ne ressemble aucunement à un elfe de maison, et même si Yujin me payait pour être son porte-sacs, je ne le ferais pas. Tâche ingrate qui ne me colle aucunement à la peau. J’ignore assez rapidement le premier commentaire de Yujin. Même sans permission, il l’aurait prit, je le sais. Je le connais un peu trop bien. Même si je sais parfaitement ce que je viens chercher, je ressors bien souvent avec quelque chose de bien différent parce qu’apparemment, ça ne m’allait pas du tout. Je tire un premier crop top du présentoir à vêtements, le posant sur moi pour voir si ça m’allait. « Avec la robe je visais le sexy. Du coup, n’importe quoi qui me rendrait sexy. » Je lui offre un clin d’œil, suivit d’un léger grognement félin accompagné du signe de patte. « Je veux être aussi sexy que ta future milf. » Je crois que je le taquinerais longtemps. Ça resterait dans les anales, c’était sûr et certain. « J’ai besoin de quelque chose qui.. qui impressionnera, mais pas trop excentrique. Tu vois ce que je veux dire…? » Impressionner quelqu’un. Voilà. C’était probablement ce que je souhaitais faire avec ces nouveaux vêtements.