Les joies du TD

Kyong Hee & Jin Kyung

J'aime vraiment mon travail. Vraiment. Mais c'est pas pour autant que j'aime m'attarder au bureau quand je sais que je pourrai être chez moi à regarder le dernier épisode de Bones. C'est pour ça que quand Kim Jin Kyung, un élève dont je n'avais jamais vu la tête (tant mieux pour lui, quand je les connais bien c'est jamais très bon signe pour eux) est venu faire une demande dans le bureau de la vie scolaire pour avoir une salle de chimie afin de terminer un projet pendant la soirée, j'étais pas spécialement enchantée. Parce que je savais que les surveillants auraient tendance à le laisser tout seul en mode freestyle et que c'est absolument hors de question pour moi qu'un étudiant se retrouve seul le soir dans une pièce pleine d’éléments chimiques potentiellement dangereux : si il essaie de faire une bombe je serai partiellement responsable (peut être pas aux yeux de la loi mais aux miens en tout cas oui) et je refuse de vivre avec ça sur la conscience.

C'est pour ça qu'au lieu d'être allongée dans mon canapé et roulée en boule dans mon plaid en regardant mes séries américaines favorites, je me retrouve installée sur la chaise du prof de chimie à étudier et remplir une tonne de papier administratifs, tout en jetant régulièrement des coups d’œil suspicieux en direction de Jin Kyung qui travaille devant moi. Je ne suis pas étonnée de ne jamais l'avoir vu dans mon bureau : il a l'air d'être un étudiant sans problèmes notables. J'ai pris le temps de regarder son dossier avant de venir et j'ai remarqué qu'il avait de bonnes notes, de bonnes appréciations de la part de ses profs de TD, bref, le genre d'élève que j'aime et qui EN PRINCIPE ne devrait pas s'amuser à faire de bombe. Mais on ne sait jamais.

Après avoir signé un énième papier, je décide de faire une petite pause et m'appuie sur le dossier de ma chaise en croisant les bras sur ma poitrine, les yeux fixés sur le petit chimiste devant moi. Finalement, je brise le silence, histoire de me renseigner un peu sur le jeune homme et de m'assurer qu'il n'est vraiment pas en train de me faire une bombe (parce qu'on est jamais trop prudent, même si je me doute qu'il ne ferait pas ça devant moi) :

« Alors monsieur Kim, qu'est ce que vous nous préparez de beau ? C'est pour vos examens de fin de semestre ? »

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Le SB Ride demandait beaucoup de travail. En tant qu’étudiant, je ne pouvais pas me permettre de rater tous les cours… Mais, je ne pouvais pas non plus laisser toutes les commandes à In Su. Le pauvre devait déjà faire des horaires de folie pour satisfaire nos clients. Je ne pouvais que l’aider deux jours entiers par semaine. Ainsi, j’avais l’impression d’être inutile aux yeux de mon collaborateur et meilleur ami. Alors, parfois, je ratais quelques cours de physique pour lui donner un coup de main à la boutique. Seulement en cas d’urgence… Enfin je crois. En tout cas, j’étais allé réclamer la clé d’une salle de TP pour pouvoir rattraper mon retard. Les expériences improvisées lors des examens étaient la pire idée au monde. Pour comprendre ce chapitre, je n’avais pas le choix. Je devais mettre la main à la pâte et tout seul. Je ne voulais pas abuser avec mes copains de promo. Ces derniers avaient la délicatesse de me passer leurs cours. Alors, je ne voulais pas les obliger à venir en fin de soirée pour m’aider. Non, ça serait mal poli même si ma raison était plus que légitime. Quoi que… Aux yeux de certains, je n’aurais pas dû m’engager dans une telle affaire. Le skate était ma passion mais au fond, je savais que cette boutique n’était pas mon objectif le plus concret. Du moins pour mon avenir. Je ne comptais pas vendre des planches toute ma vie. J’aimais ça mais dans vingt ans, je pourrais peut-être perdre patience, sachant que les clients n’aimaient pas trop s’adresser à un vieux con pour acheter une planche. C’était un peu le cliché du vendeur mécheux pour les boutiques de surf. Enfin, là n’était pas le problème. Je devais réfléchir sur la série de produits à mettre.

Je calculai quelques volumes et tentai de déchiffrer le pourquoi du comment. Je n’avais pas intérêt de me tromper, surtout que je n’étais pas seul dans la salle. En effet, la sexy CPE s’était sentie obligée de me suivre. La confiance régnait dans cet établissement, n’est-ce pas ? Honnêtement, c’était à se demander si on trouvait bien dans une université. Mais peu importe. C’était elle qui perdait son temps et pas moi… Agitant mon tube à essais, je laissai le mélange se reposer quelques instants et me concentrai de nouveau sur mon cours. Toutefois, Mademoiselle Ahn montra des signes d’ennui. Esquissant un sourire amusé, je relevai ensuite la tête. Combien d’hommes rêveraient d’être à ma place ? Je vous le demande… Parce qu’on ne pouvait pas dire qu’elle était vilaine. Et contrairement à certains, nous étions seuls. M’obligeant à sortir ces pensées de ma tête, j’avais l’impression d’être devenu un Chung Su sauvage en un clin d’œil. « Vous parlez comme si j‘étais en train de préparer une recette de cuisine. » Déclarai-je amusé. Malheureusement, pas de grosses expériences aujourd’hui. « Je fais divers mélanges pour comprendre les formules. Rien d’explosif vous savez. » ajoutai-je un peu plus sérieusement. Ce n’était pas les cours les plus intéressants au monde mais au moins, on testait chaque produit, chaque matière. Et puis, les mélanges nous permettaient toujours de comprendre le pourquoi du comment. C’était plus facile de retenir quand on pratiquait. En tout cas, c’était vraiment dérangeant de la voir ici. J’avais l’impression d’être un gamin. Encore, si c’était mon professeur, je l’aurais compris. Mais elle ? Elle s’y connaissait un peu ? De toute manière, je devais me concentrer sur mes exercices – et non sur sa présence -. Je ne voulais pas y passer toute la journée mais je ne comptais pas non plus bâcler. « Vous êtes la seule à pouvoir répondre à cette question. Vous ne connaissez pas les sujets ? » Plaisantai-je.

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Je souris en entendant Jin Kyung me dire que je parle de son expérience comme si il me préparer un gâteau ou quelque chose comme ça. Je souris aussi parce qu’apparemment, les risques qu'il me fasse une bombe sont plutôt minimes. Il a l'air concentré et c'est bien, typiquement le genre d'étudiant sérieux qui me plaît. Je ne sais pas pourquoi il est là aujourd'hui, si c'est pour approfondir ses connaissances ou pour comprendre une partie du cours par la pratique, mais je préfère ne pas penser à l'éventualité qu'il soit ici parce qu'il a rien foutu pendant les cours ou pire parce qu'il n'y est pas allé. Après tout, je me suis promise d'avoir un peu plus foi en l'humanité et donc en mes élèves, c'est pas le moment de la jouer parano à croire que tout le monde sèche. Même si je sais que tout le monde sèche.

Mon sourire s’élargit lorsqu'il essaie habilement de me faire lâcher les sujets de l'examen de chimie du semestre. Il est malin le petit, et marrant avec ça, j'aime bien. Je me lève de ma chaise et me dirige jusqu'à la fenêtre la plus proche de moi pour regarder un peu dehors et surtout pour me dégourdir les jambes. Le soleil commence à se coucher. Mon épisode de Bones est sûrement déjà commencé. Et moi je suis coincée là, parce que j'ai une confiance très limitée, voir quasi-inexistante en mes élèves. Les boules.

« Bien sur que je connais les sujets, c'est moi qui suis chargée de les approuver officiellement, je lui réponds en m'accoudant contre la vitre, les bras croisés et les yeux sur lui. Mais pour ce genre de chose, je suis tenue au secret professionnel, un jour vous aussi vous y serez peut être soumis surtout avec un diplôme de chimie en poche ! Si vous travaillez dans une usine nucléaire par exemple, ou dans un grand laboratoire... Des branches très fermées avec beaucoup de responsabilités, donc beaucoup de secrets à garder pour soi. »

Je hausse un sourcil en le regardant manipuler les produits. Tiens c'est peut être le moment d'en savoir plus sur les projets d'avenir des élèves... J'ai vu dans un sondage récemment que 35% des étudiants qui entrent à l'université n'ont pas une idée précise de ce qu'ils veulent faire comme carrière et que seuls 15% de ceux qui le savent gardent exactement la même idée jusqu'à la fin de leurs études supérieures. C'est peut être l'occasion de voir ce qu'il en est d'un petit échantillon de mes élèves, et puisqu'il faut bien commencer quelque part...

« Vous avez déjà une idée de votre futur plan de carrière ? »

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Je n’étais pas d’un naturel tricheur. Je n’étais pas non plus le meilleur de ma promotion. Même si j’avais tendance à travailler correctement – cette séance improvisée en étant la preuve -, j’avais toujours du mal à tout concilier. Parfois, je me servais de mes aptitudes naturelles pour réussir un examen. Cependant, la faculté demandait toujours du travail supplémentaire  et malheureusement je n’étais toujours pas prêt à sacrifier mes passions pour progresser encore et encore. Alors, lui ordonner de me donner les sujets serait assez contradictoire. Plus jeune, beaucoup de mes camarades pensaient que je trichais. Il faut dire que ma mère était déjà l’époque une très bonne enseignante. Ainsi, lorsque les élèves avaient appris notre lien de parenté, ce fut complètement la foire. Ils étaient drôlement agités à cette pensée alors que je n’avais jamais atterri dans la classe dirigée par ma mère. Les gens étaient doués pour se monter la tête tout seul. Mais, je ne pouvais rien y faire. A cet âge-là, on trouvait n’importe quelle excuse pour s’emporter contre quelqu’un. Si ce n’était pas la profession de la mère, c’était les notes un peu trop excellentes aux yeux des cancres du collège. Fixant mes tubes à essai pendant quelques secondes, je souris légèrement quand je l’entendis faire référence au secret professionnel. « Si je dois finir par faire un tel travail, j’éviterai de choisir les usines nucléaires de notre bon voisin japonais. » fis-je remarquer avant de rajouter : « Je serais peut-être tenu par un secret d’Etat. C’est un chouette nom pour un thriller, vous ne trouvez pas ? » J’adressai un sourire à la jeune femme qui se tenait désormais près de la fenêtre.  En tout cas, je n’étais pas motivé à l’idée d’avoir un boulot aussi important. Les conditions n’étaient pas les mêmes pour tous. Et bon, non…  Ça ne me plaisait pas, un point c’est tout.  D’ailleurs, je me demandai si mes paroles précédentes n’avaient pas mis la puce à l’oreille de Mme Ahn. En effet, cette dernière semblait intéressée par mes projets de carrière. Prenant le temps de noter une réaction sur ma feuille, je soulignai ensuite la nouvelle étape terminée. Heureusement, le plus dur était déjà achevé. Je détestais parler en travaillant bien que ce TP était presque d’un ennui monstre. « Hum, pour l’instant, j’ai bien envie de devenir professeur. A l’université, j’entends bien. C’est toujours intéressant de faire de la recherche. Et puis, on m’a toujours dit que j’étais doué pour faire attention aux gens. Qu’est-ce que vous en pensez ? Vous entendez peut-être vos collègues se plaindre un peu trop ? » Puis, je tentai d’imiter la voix d’un vieux professeur, blasé par toutes ces années de travail. « Olala, mes élèves n’écoutent vraiment rien aujourd’hui. » Ma voix ressemblait étrangement à mon ancien professeur d’anglais au collège. Certaines choses ne pouvaient pas s’oublier… « Vous comptez garder ce poste combien de temps ? Vous n’avez pas envie de piquer la place du directeur ? » Avec son allure, elle donnait l’impression d’être une femme très ambitieuse. Mais qui sait…

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Je souris en l'entendant faire référence aux usines nucléaire japonaises. Effectivement, ce ne serait pas le premier endroit que j'irai lui conseiller si il souhaitait faire carrière dans ce domaine ! En réalité, je pense même que j'aurai tendance à ne pas du tout conseiller ce secteur. Je ne doute pas que ce soit très épanouissant d'être ingénieur dans cette branche, mais ce sont les cancers qui ont aussi tendance à s'épanouir dans des zones aussi radioactives que celles ci, malgré tout ce qu'on peut dire donc bon...

« Effectivement, ça promet d'être un livre plein de rebondissements, d'explosions nucléaires et de choses sympathiques dans ce goût là ! je lui réponds en riant. »

J'aime définitivement bien ce garçon. Et je suis sûre à présent qu'il n'a pas l'intention de nous faire une bombe. A l'avenir, si il demande de nouveau la salle pour s'entraîner, je lui donnerai peut être l'autorisation d'y aller sans surveillance. Disons qu'aujourd'hui était l'épreuve du feu... Même si il ne le saura jamais. En l'entendant parler de ses projets d'avenir, je ne peux qu'approuver son choix en hochant la tête. Je ne sais pas pourquoi, je suis toujours assez fière quand un élève me dit qu'il veut devenir prof. Ça veut dire que ceux qu'il a eu par le passé n'ont pas trop mal fait leur boulot (en tout cas suffisamment bien pour ne pas le dégoutter de la profession, c'est déjà ça...) et j'imagine sans mal un garçon intelligent comme Jin Kyung tenir une classe entière d'étudiants. Il a du répondant, des notes correctes... Pour moi il ne fait aucun doute qu'il parviendra haut la main à se faire une place dans l'enseignement avec du boulot et un peu de détermination. A l'entente de son imitation de prof, j'éclate franchement de rire et secoue la tête, réellement amusée :

« Vous n'avez pas idée d'à quel point vous pouvez être proche de la vérité ! Il faut dire que certains élèves ne leur font pas de cadeaux non plus... Et je sais de quoi je parle parce qu'après, c'est dans mon bureau qu'ils sont envoyés ! »

Je retourne vers le bureau du professeur et m'appuie contre le meuble en bois, tournée vers Jin Kyung qui travaille avec application (ça c'est un bon garçon, si seulement mon frère pouvait prendre exemple sur lui aussi, j'entendrai peut être un peu moins parler de lui... ou alors dans le bon sens pour changer!) et quand il me demande si je n'ai pas envie de prendre la place du directeur, je me retiens d'exploser de rire. Si seulement il savait ! Prendre la place de Shim Sang Hoon à la limite je m'en fous, mais le dégager à grand renfort de coups de pieds dans le cul pour ne plus jamais voir sa sale gueule, là oui, j'en suis ! Je n'ai jamais vraiment eu l'ambition de devenir proviseur. Je veux rester CPE, mais dans la meilleure fac de Corée, c'est tout.

« Je pense que même si j'en avais envie, il serait difficile de déboulonner le proviseur actuel de son fauteuil... Mais heureusement pour moi, je n'ai pas l'intention d'être calife à la place du calife. Je préfère avoir un réel contact avec les élèves. Être proviseur, c'est beaucoup trop de paperasse... »

Et puis si même Shim peut le faire, c'est que ça doit vraiment être une profession de couillon.

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Son rire me parvint aux oreilles. Finalement, discuter était plutôt agréable. Le temps risquait de passer plus vite. Je devais juste me concentrer sur mon travail également. Généralement, c’était plutôt les femmes qui savaient faire plusieurs choses à la fois. Cependant, le résultat était souvent ridicule comparé au travail effectué par un homme. Souriant à cette pensée, je n’étais pas prêt de me reconvertir en réalisateur ou écrivain. Franchement, quel humour ! Beaucoup de personnes avaient perdu la vie à cause de l’énergie nucléaire et nous, nous étions là en train de plaisanter ! « Je n’ai pas l’âme d’un écrivain malheureusement. Mais si vous vous ennuyez, vous pouvez le faire à ma place. Je me contenterais de donner les informations nécessaires. » La belle était sûrement prise. Et pourtant, je semblais penser qu’elle s’ennuyait les trois quart du temps. Après tout, au lieu de profiter de sa liberté, la jeune femme avait trouvé bon de m’observer travailler. Je savais que j’étais loin d’être vilain mais je n’étais pas le plus beau mec de la faculté. De plus, elle était connue pour être une véritable professionnelle. Pourquoi elle restait là ? Qu’est-ce qu’elle espérait au juste ? Personnellement, j’aurais envoyé un surveillant à la noix à ma place. D’ailleurs, je ne comprendrais jamais ce système. A l’université, nous étions censés être autonomes et responsables. Pourtant, nous étions encore confrontés à ces personnes qui nous prenaient pour des gamins. C’était blasant. « Ils ne doivent pas être si nombreux, pas vrai ? Les premières années font tout et n’importe quoi mais le reste… On n’a plus dix ans. » J’étais prêt à entendre le contraire tant qu’elle se justifiait correctement. Les étudiants avaient mûri pour la plupart. « C’est quoi le motif principal pour vous voir ? » Demandai-je, par curiosité et non pas pour me retrouver dans son bureau. Je n’étais pas un vilain garçon. Je n’étais pas non plus du séducteur. Mais, je pourrais toujours aider mes collègues à profiter de la belle pendant un petit rendez-vous. La solidarité masculine n’était plus rare de nos jours, surtout dans un pays comme la Corée du Sud. En attendant, notre discussion avait le don de me faire rire. C’était bon enfant… Je lui demandais même si elle voulait piquer le poste de directeur. Je ne connaissais pas Miss Kyong Hee. Je la savais déterminée et impliquée vis-à-vis de ses élèves. Alors pourquoi pas ? De toute façon, je lui collais tous les métiers depuis tout à l’heure. Un de plus ou un de moins… On ne voyait même plus la différence ! « Ah bon ? Pourquoi ? Si le retour de la guerre des dortoirs revient, il prendra peut-être fuite ? » Je pris une courte pause et finis par laisser échapper. « Je vois ce que vous voulez dire. » Je m’installai de nouveau dans mon siège pour reposer mon popotin et soupirai en voyant le reste du travail à accomplir. « J’ai besoin d’un café. Vous en êtes ? »

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J'aime bien les élèves curieux dans le bon sens du terme : ceux qui posent des questions pertinentes, qui s’intéressent à tout mais qui ne deviennent pas non plus trop envahissants. Jin Kyung est typiquement de ce type d'étudiants d'après ce que je peux voir. Et ça ne me gêne nullement de répondre à ses interrogations. Ma réputation de dragon en prendra peut être un coup mais au final, je n'ai jamais réellement aspiré à être crainte par mes élèves comme si j'étais la peste. Pour qu'il y ait de la proximité, il faut de la confiance et un minimum de don de soi. Je n'ai pas l'intention de faire ami-ami avec Jin Kyung, mais je ne vois pas pourquoi je me priverai de passer un moment sympathique avec quelqu'un sur le simple prétexte qu'il étudie dans l'université où je suis CPE. Après tout, mon propre frère aussi est à Yonsei et ça n'a jamais posé de problème parce que je ne lui fais aucun traitement de faveur (au contraire même, quand j'entends parler de lui, il se fait défoncer non seulement dans mon bureau mais aussi le week end quand il vient investir mon appartement pour faire ses lessives et jouer avec mes chiens). « Quel est le principal motif pour faire une visite dans mon bureau ? » je répète, songeuse. Il y en a tellement ! Les éléments perturbateurs ne manquent pas à Yonsei, et ça même si la plupart sont censés ne plus avoir 10 ans comme le dit si bien Jin Kyung. Je prends le temps de réfléchir quelques secondes avant de donner ma réponse : « Le plus bateau, je dirai que c'est la triche pendant une interro en TD. Mais la dégradation de matériel n'est vraiment pas loin derrière. Il faut croire que certains phénomènes trouvent amusant de détruire tout ce qui se trouve sur leur passage. » Je secoue la tête. Franchement, il y en a, je me demande où ils ont été élevés. Si j'apprends que Kwan Sun a détruit une fenêtre de façon volontaire, par pure envie de rébellion, je crois que je l'empale à une pic et que je le fous au bûcher. Et c'est mon frère. Si c'était mon fils, le châtiment serait plus terrible encore. « J'espère ne jamais vous voir dans mon bureau pour ce type de motif. » je ne peux m'empêcher d'ajouter en lui jetant un coup d’œil faussement suspicieux. Je ne me fais pas trop de soucis à son sujet mais on ne sait jamais : on ne connaît jamais vraiment la personne qui se trouve en face de soi, je le sais d'expérience. Finalement, nous changeons de sujet pour nous attarder sur mes propres ambitions professionnelles et quand j'évoque le fait que le proviseur actuel ne partirait sous aucun prétexte, la remarque de Jin Kyung sur la guerre des dortoirs a le don de me faire rire. « Je crois au contraire que ça le réjouirait au plus haut point ! Il adore l'anarchie, du moment que je suis là pour réparer les pots cassés... » Je pense qu'il est temps de clore ce débat sinon je pourrai commencer à dire des choses à propos de Shim que je finirai par regretter si ça tombait dans de mauvaises oreilles. De ce fait, la proposition de café de Jin Kyung tombe à point nommé « Avec plaisir, je pense que ça ne nous fera pas de mal... » Je me dirige vers la porte et jette un coup d’œil derrière moi pour m'assurer qu'il me suit. Une fois dehors, nous nous rendons devant la machine à café et après lui avoir demandé ce qu'il souhaite boire, je paie nos deux boissons. Une fois que la machine nous a servi, je souffle sur l'intérieur de mon gobelet, avale une gorgée et déclare en grimaçant : « C'est dingue, je suis dans cet établissement depuis quelques années maintenant et pourtant, à chaque fois j'ai l'espoir que ce qui sortira de cette machine soit buvable. Alors que c'est clairement mauvais. » Il va définitivement falloir que j'aille convaincre la trésorerie de l'université d'investir dans du bon café : avec la consommation qu'en font certains élèves, on va pas tarder à se retrouver avec des comas sur les bras.

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J'esquissai un léger sourire lorsque qu'elle se mit à répéter. Face à sa mine pensive, l'impression d'assister à une émission télévisée remplie de suspense me frappa. Jouait-elle à un dérivé de '' Qui veut gagner des millions ? '' En tout cas, si la surveillante me répondait, j'aurais quelques informations à donner à ses fans. Dans notre pays, les dérapages étaient très répandus, et plus particulièrement le harcèlement. Combien de mecs seraient prêts à casser quelque chose pour atterrir dans son bureau ? En tout cas, sa présence était agréable et rendait presque la tâche moins pénible par moment. Oui, uniquement par moment car être surveillé restait relativement une corvée pour moi et comme pour elle. Un long silence avait pris place dans la pièce depuis le début de mes exercices. Alors, cette conversation était en train de changer clairement la donne. Regardant la coréenne, j'aurais dû me rappeler à quel point la triche était sanctionnée dans les établissements supérieurs. Certains étaient capables de prendre un tel risque car à mon avis, Ahn Kyong Hee ne plaisantait pas vraiment à ce sujet. Sa réputation n'était pas des plus tendres. Alors, lorsque l'employée souligna son envie de ne pas me croiser dans son bureau pour de tels motifs, je comptais bien respecter ce conseil. Néanmoins, elle n'était pas censée savoir ce qu'il se passait dans ma petite tête. « Vous êtes certaine ? Ça serait ridicule comparé à ce que je pourrais faire. Vous connaissez mon potentiel maintenant. » Et notamment ces fameuses bombes. Elles seraient bien plus destructrices qu'une simple batte de base-ball, surtout si le délinquant ne savait pas s'en servir correctement. En tout cas, j'étais content d'en apprendre un peu plus sur elle même si nos échanges restaient relativement polis. Mais, mon petit doigt me disait que sa langue risquait de se délier à tout moment. De base, j'aimais bien cette idée alors que je n'étais pas forcément un adepte du commérage. En tout cas, la jeune femme appréciait son métier et j'espérais ne pas l'envier dans quelques années. Je voulais faire apprécier mon futur job, à défaut d'avoir le cran de vivre ma passion... J'étais terre-à-terre par moment et j'aimais distinguer ces deux éléments dans ma vie. En tout cas, Kyong Hee semblait payer les pots cassés comparé à notre doyen. Nouvelle preuve d'irresponsabilité de sa part mais au fond, grâce à lui, on pouvait profiter d'une vie étudiante bien agitée. En fait, ce point de vue pouvait varier pour chaque personne. On attendait tous quelque chose de différent de la part de cette université des plus connues: Yonsei. Enfin, pour ma santé mentale, je décidai de ne pas demander des détails. Le petit air sur son visage me donnait un sacré indice. Les femmes étaient souvent douées pour se plaindre. Faisait-elle partie de cette catégorie ? Pour une fois, je ne voulais pas connaître la réponse. Lui proposant alors un café, celle-ci accepta la proposition. Je fermai mes cahiers et abandonnai le matériel de chimie pour pouvoir la suivre. J'avais pris soin d'apporter un peu de monnaie mais finalement la demoiselle décida de payer les deux cafés. « Merci. » chuchotai-je avant de me concentrer sur le liquide noir. Bizarrement, j'adorais le bruit des machines à café. Pour autant, aucun directeur ne prendrait le risque de prendre ce thème pour un futur opéra. Riant intérieurement, j'attrapai mon gobelet. Celui-ci était bien chaud. Mes doigts le ressentaient bien d'ailleurs mais je fis mine de rien devant la jeune femme. Cependant, la brune n'avait pas les mêmes capacités. Alors qu'elle commença à boire les premières gorgée du café, une grimace prit finalement possession de son joli minois. « J'ai pu voir ça en effet. » Me moquai-je ouvertement. Puis, je portai le gobelet à mes lèvres et laissai un léger souffle s'échapper. « Ca reste un bon moyen pour tenir jusqu'à la fin de la journée. » Une observation des plus banales. Collant mon dos contre le mur du couloir, je jetai un coup d'oeil furtif sur ce dernier, me demandant s'il y avait encore du monde dans ce bâtiment. A cette heure-ci, j'en doutais très fortement. Passant ma langue sur mes lèvres, je bus finalement une gorgée de la boisson. « Il y a des rumeurs qui circulent ici. » Je tournai ensuite la tête vers elle pour pouvoir planter mon regard dans le sien. « Apparemment, le café est bien meilleur pour les professeurs. Vous n'y avez pas accès ? Déjà que vous êtes coincée ici par ma faute, je ne voudrais pas ruiner votre appareil digestif. »  J'émis un léger rire avant de repenser à ces histoires de guéguerre. « Vous pensez que je suis de quel dortoir ? » En réalité, j'étais trop curieux. Et puis, le sujet abordé était plutôt différent. Après tout, Kyong Hee n'allait pas se plaindre de son supérieur mais allait se contenter de me donner son avis quant aux fraternités. Grâce à cet élément, je pourrais peut-être connaître le nom de la fraternité la plus favorisée. Qui sait ?

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Si à la première gorgée ce café est franchement dégueulasse, à la seconde ça ne s'arrange pas. Il va définitivement falloir que je m'occupe de ce problème, puisque j'ai pour principe de ne pas imposer à mes élèves des choses que je n'aurai moi même pas supporté à leur place. Et là, je ne supporte pas ce café. Je sors mon portable et tape dans la partie note « Machine café – étudiants » pour ne pas oublier, puis le range et hoche la tête à la remarque de Jin Kyung. Très terre-à-terre ce garçon, à sa place un autre étudiant n'aurait probablement pas manqué de se plaindre avec moi. Mais finalement, je pense juste qu'il est plus malin que les autres. Parce qu'au lieu de directement me demander une nouvelle machine (comme n'importe qui l'aurait sûrement fait) il attaque directement en me disant que la rumeur courre selon laquelle le café des profs serait nettement meilleur. Je retiens avec peine un fou rire et me contente de sourire derrière mon gobelet. Le pauvre, si il savait ! Il n'y a pas de vieille machine à café dans la salle des profs : c'est une magnifique et très coûteuse cafetière Nespresso qui abreuve chaque jour le corps enseignant de la Yonsei. C'est que nos profs ont les papilles délicates et qu'eux n'ont pas hésité à me faire parvenir une pétition pour passer à du café de qualité dans leur QG. De ce fait, ça fait maintenant 2 bonnes années qu'ils dégustent tous les jours leurs cappuccinos, grâce à un partenariat que je suis parvenue à décrocher avec la célèbre filière de Nestlé qui nous permet d'avoir un grand nombre de capsules à un prix défiant toute concurrence. Mais ça, je ne peux décemment pas le dire à un élève : je ne tiens pas à attiser moi même les flammes de la rébellion dans ma propre université : j'ai suffisamment de crises à gérer comme ça au quotidien, merci ! Du coup, je me contente de répondre un évasif : « C'est possible... » qui n'en dit pas trop sans mentir non plus.

Heureusement pour moi, c'est Jin Kyung qui change de sujet et je ne cache pas mon étonnement face à sa question. A quelle fraternité est ce qu'il appartient ? Huummm. Je fronce les sourcils et commence à réfléchir à haute voix, guettant ses réactions du coin de l’œil. « Déjà, je sais que tu n'es pas un pyobeom parce que je les connais tous grâce à une... source particulièrement fiable. Et puis je ne trouve pas que tu aies particulièrement le profil des roses. Je ne saurai pas vraiment te dire pourquoi. » En réalité si, je sais exactement pourquoi : parce qu'il ne ressemble ABSOLUMENT PAS à ma fameuse source qui n'est autre que mon petit frère, Kwan Sun. Je sais qu'ils ne sont pas tous comme lui dans sa fraternité (la preuve, leur président, JiHoon, est probablement l'exacte opposé de mon excité de frangin) mais il y a néanmoins une attitude, une façon d'être qui est très caractéristique des pyobeoms. Quelque chose dans leur façon de tisser des liens avec les autres, de parler. Un pyo m'aurait directement demander d'acheter une nouvelle machine à café. Pas Jin Kyung. « Si tu me poses cette question, c'est que tu n'es pas un jeongal non plus, puisqu'ils ont tendance à ne pas réellement parler de leur fraternité, d'autant plus qu'ils n'ont même pas un dortoir à eux. Tu n'as pas l'air d'avoir le grain de folie totalement assumé des Gumihos non plus d'ailleurs. » Parce qu'un gumi est du genre tellement imprévisible que s'en est un calvaire pour tout bon CPE qui se respecte. C'est simple, il ne se passe pas un jour sans que l'un d'eux n'ait fait une connerie aussi grosse que lui. Le pire c'est qu'en général, ça ne part même pas d'une mauvaise intention. Ils sont juste à moitié cinglés. « Ça nous laisse donc les wonsungis ou les sangos. » Je le regarde de haut en bas en réfléchissant avant de dire : « Comme ça, à chaud, je dirai plutôt que tu es un Sango. Peut être parce que tu es méticuleux et plutôt calculateur, deux qualités que l'ont retrouve souvent dans cette fraternité. Et puis il y a beaucoup de bons éléments chez les verts, le genre qui a de la volonté et qui parvient à percer. De plus, je pense qu'un wonsungi n'aurait pas cherché à me faire deviner à quelle fraternité il appartient, il me l'aurait directement dit. En réalité, rien que ta question était très révélatrice. Donc je maintiens mon choix : tu es un sango. Est ce que j'ai bon ? » Je hausse un sourcil en souriant : j'aime bien ce genre de petit jeu. Ça me conforte en général dans l'idée que je connais bien mes élèves et ça me plaît. Mais ce n'est pas drôle si il n'y a que moi qui joue. Du coup, je décide de poser une question à mon tour : « Et toi, dis moi, si j'avais été élève à ta place, dans quelle fraternité est ce que je me trouverai selon toi ? » Moi même je ne sais pas vraiment, même si j'ai ma petite idée. Mais je trouve intéressant de savoir où un étudiant me placerait.

Les joies du TD

Kyong Hee & Jin Kyung

Esquissant un sourire amusé, je voyais presque clair dans le jeu de la CPE. Apparemment, certaines choses devaient rester secrètes à l'égard des étudiants. Je ne risquais pas de faire une scène à la jeune femme car, après tout, j'étais de plus en plus absent en cours. Ainsi, je n'avais pas besoin de prendre une bonne dose de caféine dans le coin. J'étais suffisamment en train de boire cette or noire dès que je me trouvais dans l'atelier pour bosser sur mes planches de skateboard. Cette demoiselle ignorait tous ces éléments et je devais avouer que j'avais envie de lâcher un rire. Elle devait avoir une belle image de moi, un élève qui passait ses soirées à travailler ses travaux pratiques. La scène était donc plus comique bien qu'une voix dans ma tête me disait toujours de me méfier. Elle avait l'air très perspicace. Poussé par une curiosité, je demandai à Miss Kyong Hee dans quelle fraternité elle me voyait. Sa réponse me permettra d'évaluer ma réputation même si les personnes présentes dans un dortoir ne se ressemblaient pas toutes. En tout cas, ce petit test était une occupation plutôt amusante pour moi. Une fois la question posée, un sourire en coin prit possession de mes lèvres avant de m'occuper simplement en remuant le fond de ma boisson chaude. Toutefois, je ne me déconcentrai pas pour autant. J'avais hâte d'entendre son analyse. D'ailleurs, la brune ne tarda pas à me donner satisfaction. Apparemment, la salariée avait quelques sources chez les pyobeom, ce qui me fit arquer un sourcil, un peu étonné. J'avais raté quelque chose ? Enfin, il était temps pour moi de rester impassible si je ne voulais pas lui donner quelques indices. Cependant, ses propos concernant les gumihos me poussèrent à me remettre en question. Lâchant un léger rire, je ne pouvais qu'être d'accord avec elle. Je n'avais pas une tonne de connaissances gumihos mais j'avais déjà eu l'occasion de découvrir ce fameux grain de folie. Ils n'étaient sûrement pas tous comme ça. J'osais le croire malgré que tous les éléments étaient décidément contre eux. Cette fraternité semblait respirer la joie de vivre, tout comme chaque dortoir à mon avis. Nous avions tous des façons plus ou moins différentes de rigoler. Enfin, Kyong Hee s'approcha vraiment du but et je devais avouer que c'était un peu plus flippant.Après tout, je n'avais jamais pensé avoir l'âme d'un sango. Bien sûr, j'appréciais ma fraternité sauf, qu'au fond de moi, je pourrais me voir dans d'autres dortoirs. Calculateur et méticuleux. Je n'avais jamais entendu une telle chose. Est-ce que je pouvais lui en vouloir ? Je m'amusais à la mener en bateau depuis nos premiers échanges, sûrement pour me venger de me prendre pour un gamin... Oui oui, réaction tout à fait mature venant de moi ! Je tournai finalement ma tête vers elle: « Je ne sais pas.... Le café de la salle des professeurs est bon, lui ? » Je lâchai un rire. Une réponse pour une réponse. J'avalai les dernières gouttes de ma boisson et jetai le gobelet en plastique dans la poubelle juste à côté de nous. Ce petit jeu semblait l'avoir inspiré puisque la jeune femme demandait également une analyse personnelle. J'aurais dû m'en douter. Je me reculai légèrement et grattai doucement ma tête. « Vous avez déjà bien décrit les fraternités. Alors, je suppose que les sangos ou les pyobeom serait un bon choix pour vous. » Puis, j'affichai une légère grimace sur mon visage au lieu de me donner un air réfléchi. Je devais vraiment choisir entre les deux ? Mon instinct me disait de répondre en faveur des verts mais je n'étais pas certain d'être très impartial. « Je vous vois très bien monter votre propre fraternité, en fait. Vous avez le tempérament pour ça même si vous n'avez pas envie de vous lancer dans un duel contre le doyen. Je me trompe ? » Ainsi, les membres de sa fraternité respecteraient ses idées, la direction qu'elle veut donner à la fraternité. Ce programme était plutôt intéressant.