Ça va chier

Zachary & Kyong Hee

Je suis énervée. Mais vraiment énervée là. Je crois que si je vois un élève en train de se curer le nez dans le couloir, je serai capable de lui refaire le portrait en lui balançant mon escarpin entre les deux yeux (à défaut d'avoir une babouche sous la main). C'est dur de me faire sortir de mes gonds comme ça, en réalité je suis plutôt bonne poire. Je pardonne assez facilement les entraves aux règles de l'université (même si je m'acharne quand même pour qu'elles soient respectées) et je n'ai encore jamais cédé à la tentation d'encastrer dans mon bureau la tête d'un petit pervers à la con qui essayait de me faire du rentre dedans. Non vraiment, je suis quelqu'un de tolérant. Mais alors si il y a bien un truc que je veux pas, c'est qu'on BAISE DANS LES BUREAUX ! Et en ce moment, j'entends pas mal de rumeurs qui ne me plaisent pas du tout à ce sujet. Parce qu'en plus de ça, apparemment ça se serait fait entre une étudiante et Zachary Svensson, autrement dit un des membres de l'équipe éducation ! UN PION QUI SE TAPE UNE ÉLÈVE NAN MAIS C'EST QUOI CETTE FAC DE DÉBAUCHÉS SANS DÉCONNER ? Je fulmine comme une folle, tellement qu'en remontant le couloir pour me rendre dans le bureau des surveillants je crois que mes talons explosent le sol du bâtiment. J'espère vraiment pour lui que tout ça est faux parce que sinon ça va chier. Je ne vais pas le virer (enfin je ne pense pas) mais il entendra parler de moi pour les 300 prochaines années, ça il peut en être sur !

J'arrive finalement devant le QG des pions et entre sans même prendre la peine de frapper. Après tout, c'est moi la bosse ici, n'en déplaise à ce sale con de Shim Shan Hoon qui a strictement rien à faire au poste de directeur. Franchement, j'espère que les rumeurs sont infondées : on a assez d'un abrutit à la tête de l'établissement, il faudrait pas qu'en plus je sois obligée d'en gérer un deuxième dans mon équipe de surveillants ! La porte s'ouvre devant moi et j'ai mis tellement de fougue dans mon geste qu'elle va limite se fracasser contre le mur. Je crois même que le petit cadran en verre qu'il y a à hauteur de la tête est fissuré mais pour le coup, j'en ai vraiment rien à s'couer. Je suis énervée, au pire je payerai les réparation de ma poche et de toute façon, personne viendra me faire chier pour une mini vitre qui sert à rien. J'entre dans le bureau comme une furie et m'apprête à déballer tout le discours de mise en garde que j'ai préparé sur le chemin jusqu'ici mais quand je capte sur Zachary, je devient littéralement muette. Les yeux écarquillés, la bouche ouverte, je le regarde bêtement fumer sa clope. Oui, fumer. Dans les locaux de l'établissement. Passée une bonne petite minute de flottement, je finis par reprendre mes esprits. Non mais... mais...

« NON MAIS DITES MOI QUE JE RÊVE LA ? je lâche en hurlant, littéralement estomaquée. »

Alors là c'est la meilleure ! Le pompon ! La cerise sur le gâteau ! Je renifle vite fait et lève les bras au ciel encore plus ébahie par ce que j'ai sous les yeux. Si c'est une épreuve divine pour tester ma patience et mon self contol là, je crois que je viens d'échouer lamentablement. En même temps il y a de quoi péter un boulon.

« Et de la beuh en plus ? Non mais vous vous foutez de moi ?! Vous vous êtes cru où là ? C'est pas le Club Med ici monsieur Svensson ! Éteignez moi ça tout de suite et venez dans mon bureau ! MAINTENANT ! »

Là, c'est définitif : ça va vraiment chier.

Ça va chier

Zachary & Kyong Hee

Assis devant les élèves en permanences, les coudes accotés sur le bureau, la tête reposant dans ma main droite, je soupire tout affichant mon air déprimé inhabituel. Mon esprit somnolent était embrumé par la fatigue de mes récentes nuits polluées d'insomnies et de cauchemars que je n'étais même pas sûr de m'en souvenir, ou même de savoir comment j'ai réussi à me retrouver à surveiller des élèves, en retenue. En y repensant, ce n'était pas comme si j'avais grand-chose à faire de plus constructif que de passer quelques heures assis dans la salle de permanence quasi-vide pour surveiller des élèves complètement con qui ne respecte pas le règlement. Cependant, j'aurais bien voulu être étalé sur mon lit à ce moment même...

Je vois un surveillant qui venait dans la salle et je lui demande de me remplacer pour quelques minutes mais ça risque d'être quelques heures au lieu de quelques minutes. J'en avais marre de rester à surveiller des personnes qui m'endormaient sur place. Je me lève pour laisser la place à mon collègue et je me dirige vers le bureau des pions, j'en profite pour m'installer devant mon bureau puis je réfléchis à ce que je peux faire. Je suis toujours dans un état somnolent, je reste immobile tout en regardant passer les minutes les unes après les autres. J'ouvre le tiroir et je peux découvrir un joint que j'avais fait la dernière fois. J'en profite pour le prendre, pour le mettre entre mes lèvres puis j'allume le bonheur tout en tirant une bonne taffe. C'est un plaisir de ressentir cette drogue en moi, je peux tout oublier : la fatigue, certains élèves qui sont stupides ainsi que mes problèmes personnels. J'étais en train d'imaginer ma vie s'il y avait encore ma petite-soeur et ma mère dans ce monde. Est-ce que mon père aurait toujours été marié à ma mère ? Ou est-ce qu'il aurait tué quelqu'un d'autre à la place de ma mère et de ma soeur ? J'espère qu'il est en train de crever de faim en prison, normalement, je ne suis pas quelqu'un de violent mais je faisais une exception pour cette personne qui a détruit ma vie.

Je devrais peut-être être retourner en permanence car mon collègue devait s'impatienter. J'avoue, j'abuse sur ce coup-là mais mon joint était tellement bon. J'avais les pieds sur le bureau, j'avais les yeux fermés, j'imaginais plusieurs choses qui pouvaient se réaliser dans ma vie. J'étais tranquille mais lorsqu'on ouvre la porte de mon bureau d'une puissance inimaginable, je me suis tombé de la chaise en arrière. Je lève légèrement la tête lorsque j'entends la voix d'une femme crier après moi, je tenais toujours le joint dans mes mains et lorsque je remarque que cette femme n'est autre que la CPE : Ahn Kyong Hee, je venais de me dire que j'étais dans une merde noire. « Ce... Ce n'est pas ce que vous croyez ! » lançai-je timidement en me cachant derrière ma chaise. Je n'aime pas lorsque quelqu'un est énervé, d'habitude, je fuis tout conflit. « Je... Je vais vous rejoindre dans votre bureau, avant, je... je dois prévenir le surveillant qui est en permanence de surveiller pour un petit moment les élèves. » Je jette le produit illicite par la fenêtre, j'en avais profité pour l'éteindre avec mon pouce et mon index.

J'ouvre la porte et je laisse passer la cpe devant moi. Je marche à une vitesse incroyable, on pouvait m'appeler flash. J'ouvre la porte de la salle de permanence, et je vois que mon collègue se lève en souriant. Il devait se dire que j'étais en train de dormir quelque part vu le temps que j'ai mis. « Tu peux rester encore un moment ? Kyong Hee veut me voir dans son bureau et c'est urgent. » dis-je en ébouriffant mes cheveux. « Tu es en train de te faire dessus, Zach ? » Je rigole nerveusement à cette question, c'est bien normal que je suis en train de flipper. Je voulais vivre et en ayant vu le regard de ma supérieure, je peux vous dire que c'est tout à fait normal d'avoir peur. Même hulk n'a pas ce regard meurtrier.

Je pars tout en faisant signe au surveillant pour lui dire que j'allais revenir vite puis je me dirige vers le bureau de Kyong Hee. Une fois devant celui-ci, j'avale ma salive et je toque timidement à la porte. J'entre sans faire de bruit lorsqu'elle m'autorisa de rentrer dans son bureau et je referme celle-ci. Je me retourne vers elle, je n'ose pas la regarder dans les yeux alors je fais en sorte de regarder mes pieds et je n'ose pas m'asseoir donc je reste debout. Est-ce qu'elle va se lever et prendre un nunchaku pour me casser la figure ? Ou est-ce qu'elle va mettre ma tête dans un aquarium pour je meurs noyé ? « V... Vous vouliez me voir, madame ? » demandai-je en me grattant la nuque et en retirant mon haut. J'ai un grave problème, je ne me rends pas compte que je me déshabille. Il faut que je consulte un spécialiste mais je n'irai pas consulter un psychologue, j'ai trop de mauvais souvenir.

Ça va chier

Zachary & Kyong Hee

Il a du culot quand même ce petit pour prétendre que « c'est pas ce que je crois » ! D'après moi, il n'y a pas 15 milliards d'explications à ce que j'ai sous les yeux : l'un de mes surveillants est tranquillement en train de se griller un joint au sein même de mon établissement et pendant ses heures de travail mais à par ça NAN C'EST PAS DU TOUT CE QUE JE CROIS ! Les jeunes franchement, des fois je me demande ce qui me retiens de les assommer à coup de bêche en pleine face. Zachary tente de se planquer derrière la chaise sur laquelle il était assis avant de tomber sous le coup de la surprise mais il lui faudra un bouclier nettement plus puissant si il veut se sortir indemne de la merde dans laquelle il vient de se fourrer. D'une petite voix, il me dit qu'il doit prévenir son collègue qui le remplace en permanence et je lève les bras au ciel en roulant des yeux d'un air désespéré : « Ah bah BRAVO ! En plus vous faîtes ça en exploitant un autre surveillant qui fait votre travail pendant que vous prenez du bon temps ! Il est beau le professionnalisme à Yonsei, IL EST BEAU ! » Sans demander son reste, il prend la poudre d'escampette et je me rends à mon bureau en tapant rageusement des pieds à chaque pas. Je dois littéralement irradier la colère parce que tous les étudiants qui ont le malheur de croiser mon chemin s'empressent de changer de direction, sûrement par peur de se faire coller pour un obscur motif dont moi seule aurait la connaissance. Et ils ont bien raison. Parce que je crois que je serai capable de foutre au pilori un élève dont la braguette serait mal fermée, tant je suis en pétard. Il manquerait plus que je croise mon petit frère et là je crois que je pourrai faire un massacre. Parce que la plupart du temps, rien que voir sa petite tête de débile peut me foutre en rogne alors là... Je ne préfère même pas imaginer.

Une fois arrivée à mon bureau, je fais les cents pas devant la large fenêtre qui fait face à la porte par laquelle je suis entrée. Il faut que je me calme pour ne pas risquer d'assommer Zachary à la seconde où il franchira le seuil de la pièce. Allez Kyong Hee, on respire... inspire... expire.... inspire... expire... Je jette un coup d’œil dehors par la vitre et remarque un couple en train de s'embrasser en se pelotant allègrement. En règle général, je m'en fiche de ce que peuvent bien faire les jeunes avec leurs langues et leurs mains baladeuses mais là je repense au fait que l'un de mes pions a probablement culbuté une étudiante dans des bureaux administratifs et là.... Je me jette littéralement sur la fenêtre et l'ouvre d'un geste sec avant de me pencher pour hurler à l'intention du couple « HÉ VOUS DEUX ! ALLEZ VOUS SUCER LES AMYGDALES AILLEURS, C'EST UN ÉTABLISSEMENT SCOLAIRE ICI, PAS UN BAISODROME BORDEL DE MERDE ! » C'est le moment que choisi Zachary pour frapper à ma porte. Je referme violemment la fenêtre et me tourne vers l'entrée de mon bureau en aboyant « Entrez ! ».

Le jeune surveillant entre, tout penaud et en d'autres circonstances je pense que je me serai presque sentie mal pour lui. Mais là, je me réjouis littéralement de voir qu'il se chie dessus. Parce qu'il n'a pas la moindre idée de ce que je lui réserve. D'une petite voix mal assurée, il me demande si je voulais le voir et je ricane d'un rire qui sonne horriblement faux et qui doit (je l'espère) vraiment lui foutre la trouille. « Effectivement je voulez vous voir monsieur Svensson, je crois que nous avons tous les deux BEAUCOUP de choses à nous dire. » Je lui fais signe d'un mouvement de la tête de s'installer sur la chaise réservée aux invités devant mon bureau. Je fais de même en m'enfonçant dans mon fauteuil en cuir et le regarde quelques secondes en silence, histoire de faire monter la pression. Et d'un coup, je donne un grand coup de poing sur mon bureau et me penche en avant pour que mon visage soit le plus près possible du sien avant de siffler d'un air menaçant : « Est ce que c'est vrai que vous vous êtes envoyé en l'air avec une des étudiantes dans MON établissement ?! » Le ton est donné : concrètement, pour moi, le coup du joint je m'en tamponne pour le moment. La seule chose qui m'importe réellement là tout de suite, c'est de faire la lumière sur cette histoire de baise. Et si il s'avère que c'est vrai, autant dire que Zachary Svensson aura pas mal de problèmes...

Ça va chier

Zachary & Kyong Hee

Ce n'est pas mon jour. Je m'installe sur la chaise pour être en face de mon supérieur. Je ne pouvais pas lui tenir tête puisqu'elle était assez énervée. Je me demande bien ce que j'ai fait. J'espère qu'elle ne pète pas un plomb à cause d'un pétard que je venais de fumer il n'y a pas une minute. A l'heure actuelle, je voulais fuir dans un autre pays. Je voulais m'exiler comme Médée, mais je serais exilé par mon propre choix. Elle ne pourrait pas m'approcher pour me faire du mal. Je l'écoute attentivement et lorsqu'elle me posa sa question, je suis resté sur le cul. J'avais bel et bien couché avec une étudiante à l'intérieur de l'établissement. Elle s'est vantée de m'avoir eu ? Non, Zoey n'est pas comme ça. On sort ensemble, et nos histoires de cul restent secret. Je garde un air sérieux pour éviter tout soupçon. Je ne voulais pas que la blonde ait des problèmes pour s'être envoyé en l'air avec moi. « Qui vous a dit des conneries pareilles ? » Demandai-je en regardant droit dans les yeux la cpe. Je ne suis pas fait pour défier, mais il fallait bien que je montre que je n'ai rien fait avec une étudiante. Je risquais de perdre mon travail et ma petite-amie risquait de se faire virer de l'université.


Je rapproche la chaise du bureau en prenant un peu plus d'assurance. J'étais en train de réfléchir à la personne qui aurait pu balancer une chose pareille. Personne ne sait cela, à part moi et Zoey était au courant de ce qu'il s'est passé dans le bureau. Je n'ai parlé à personne et je pense qu'elle n'avait rien fait de son côté. Du moins, je l'espère. Je sais qu'il y a des filles qui détestent la jeune femme qui partage ma vie. Si ça se trouve, elles ont voulu lui faire une petite blague pour la foutre dans la merde, mais ça n'allait pas fonctionner comme ça. J'étais déterminé à protéger la demoiselle. « Certes, je sors avec une étudiante de notre université, mais, je dis bien MAIS. Je n'ai jamais couché avec elle à l'intérieur de l'établissement. De plus, nous nous faisons très discret lorsqu'on est à l'université. » Autant être honnête avec celle qui était en face de moi. Ça devait lui plaire de voir que je ne lui cache pas ma relation. C'est peut-être grâce à ça que j'allais la mettre dans ma poche pour qu'elle me laisse tranquille.

Un soupire d'agacement s'échappe de ma bouche. Je secoue la tête de gauche à droite pour faire signe de mon mécontentement. Pour la première fois de ma vie, j'avais l'impression d'avoir pris en maturité. Puis, je suis déçu. Déçu de savoir qu'on m'accuse, alors qu'elle n'a sûrement pas de preuve. Elle doit seulement avoir des potins de deux, trois pétasses. « J'aurais compris votre mécontentement par rapport au joint que je fumais dans le bureau des surveillant, mais pour ça... Sincèrement, ça me fout mal à l'aise. » Lançai-je en baissant les yeux. Je savais jouer la comédie. Un jour, je lui dirais tout, mais pour l'instant valait mieux s'écraser et lui dire qu'elle avait tort de m'accuser de cette façon.

Ça va chier

Zachary & Kyong Hee

Zachary reste totalement stoïque face à mon accusation et honnêtement, je ne sais pas si ça m'intrigue ou si ça m'énerve encore plus. Puis, quand il me demande qui est la personne qui m'a rapporté cette affaire, je croise les bras sur ma poitrine en sentant l'agacement me monter au nez : mais c'est qu'il en deviendrait presque insolent le jeune homme ! C'est lui qui est en position de faiblesse, c'est lui qui doit s'écraser ! Je lui réponds donc, limite en aboyant : « C'est moi qui pose les questions monsieur Svensson, pas vous ! Et vous ne m'avez toujours pas répondu, ce que je vous conseille de faire rapidement sinon je vais vraiment m'énerver ! » Je veux bien être une patronne cool mais il faudrait pas me prendre pour une conne non plus ! Je me penche vers lui et le scrute des pieds à la tête pour l'intimider et le pousser à passer à table. Manifestement, c'est efficace parce qu'il m'avoue qu'il sort effectivement avec une élève – JE LE SAVAIS ! - mais me jure qu'il n'a pas eu de rapports sexuels avec elle dans l'établissement. Je hausse un sourcil suspicieux mais me détend un peu. Lentement, je me mets à faire les cent pas dans mon bureau en concevant le silence, silence qui devient vraiment pesant. Puis je réponds : « Vous avez conscience quand même que sortir avec une élève va à l'encontre du règlement de cette université ? Et que je pourrai vous coller une sanction disciplinaire ET vous obliger à rompre avec elle pour conserver votre poste ? » Je retourne m'installer dans mon fauteuil et fais face au jeune surveillant avant de reprendre : « Mais je ne le ferai pas. J'ai conscience qu'il y a des choses qui ne se maîtrisent pas et ce genre de sentiment en fait partie. De plus, si je ne sais même pas qui est cette fille, c'est que vous avez été suffisamment discret jusqu'ici pour que ça ne parvienne pas à mes oreilles. Je veux que ça continue comme ça. » Autrement dit : si jamais j'entends parler de lui et de cette fille d'une quelconque façon, on aura une nouvelle discussion nettement moins sympathique.

Je suis presque calmée là. Mais Zachary juge bon de me rappeler l'histoire du joint et là d'un coup, je suis nettement moins calme. Je fronce les sourcils et reprends d'une voix pleine de colère contenue pour ne pas risquer de lui jeter l'affreux dauphin en porcelaine que m'a offert l'ancien directeur pour mon anniversaire et qui trône depuis dans un coin de mon bureau sans que je n'ose le mettre à la benne : « Ne pensez pas que j'ai oublié l'histoire du joint jeune homme, au contraire, à votre place j'éviterai de m'en vanter ! D'ailleurs je sais déjà quelle sera votre punition pour cet écart de conduite particulièrement irresponsable de votre part : je vous charge d'organiser une conférence sur les dangers de la consommation de stupéfiants de A à Z pour le mois prochain. Vous devrez passer devant tous les élèves et leur expliquer que la drogue c'est mal pendant... disons 1 heure. Et je veux la totale : un power point, des statistiques, des interviews, témoignages... Vous vous débrouillez comme vous voulez. Je serai dans la salle et vous avez intérêt à me convaincre sinon je vous assigne à toutes les heures de colle du samedi pendant un an. » Je lui souris, particulièrement fière de ma punition, puis reprends : « En ce qui concerne les rumeurs de coucherie, je vais faire l'impasse pour cette fois et me contenter de votre parole sur la non véracité de ces propos mais que ça ne se reproduise pas. » Je regarde le jeune homme avec attention et soupire en m'enfonçant dans mon fauteuil. C'est peut être le moment d'évaluer un peu son niveau d'intégration dans l'établissement maintenant que j'y pense... « Comment vous vous sentez au sein de notre université Zachary ? »

Ça va chier

Zachary & Kyong Hee

Mon visage se décompose lorsqu'elle m'annonce que je vais devoir faire un power point pour expliquer aux étudiants que la drogue est mauvaise pour la santé. C'est quelque chose de très compliquer pour quelqu'un comme moi. Je consomme souvent des produits illicites. Fort heureusement, ce n'est pas des drogues fortes. Je ne suis pas idiot pour finir un légume comme les mecs ou les meufs qu'on peut voir dans les séries ou dans les films. Certes, ce n'est pas bien de consommer du cannabis et j'en passe, mais je peux vous dire que tout le monde en a besoin. Vous allez me dire pour quelles raisons, n'est-ce pas ? C'est très simple. Un joint vous fera le plus grand bien... Surtout quand vous rentrez du travail et que vous avez une migraine atroce parce que votre patron vous a cassé les bonbons à cause d'un dossier ou parce que les gosses ont été pénibles. Vous vous videz la tête, et vous êtes en paix avec vous-même. Après, c'est à consommer avec modération, comme avec l'alcool. Un soupire d'agacement s'échappe de mes lèvres, je n'ai pas envie de faire quelque chose pendant une heure pour que ça percute des étudiants. Ils en auront rien à foutre de ce que je vais leur dire. Elle est consciente de ça ? « Je suis vraiment obligé ? Vous savez comme moi, qu'ils ne vont pas écouter... » Lançai-je en regardant mes chaussures. De toute façon à quoi ça sert que je lui demande si je dois vraiment le faire. Je n'ai pas le choix.

Comment je me sens au sein de l'établissement ? Elle me pose des questions intéressantes, mais je ne sais pas quoi répondre. Je travaille bien -sauf aujourd'hui, car j'en avais marre de m'occuper des étudiants qui foutaient le bordel- et je ne me plains jamais. Ce n'est pas dans ma nature de broncher, car je n'aime pas ça. Parfois, il y a des commentaires sur le fait que je sois un étranger et je peux comprendre. On n'est pas aimé de partout puis de toute façon, je ne suis pas là pour être aimé. Je suis là pour recommencer ma vie à zéro et elle commence très bien. Je sors avec Zoey, j'ai des amis comme Kouji qui sont super. Je me plais à travailler ici, et dans le salon de tatouage. Oui, j'ai deux métiers et parfois je bosse jusqu'à très tard, mais il faut gagner sa vie pour pouvoir vivre correctement. « Je me sens bien même si parfois on me regarde bizarre. Après, je suis là pour gagner un peu d'argent. J'ai des collègues comme Lin Yao qui sont adorables avec moi, donc je peux dire que je suis à l'aise dans l'université. Sauf... Quand on dit que je couche avec une élève sur mon lieu de travail. » Il fallait que je fasse le blessé. Ça pouvait paraître suspect si je ne revenais pas là-dessus.

Ça va chier

Zachary & Kyong Hee

Si il est vraiment obligé ? J'ai envie de rire tellement la question me semble superflue. Je l'aime bien Zachary, dans l'ensemble il travaille bien, il a un bon contact avec les étudiants et je n'ai jamais entendu personne se plaindre de lui. Mis à part cette rumeur qu'il m'assure infondée sur le fait qu'il se taperait des élèves dans les bureaux administratifs, doublé du flagrant délit de consommation de drogue, il a un bon CV et un bon passif dans l’établissement. Mais là forcément, autant je peux passer sur la rumeur, autant sur le cannabis ça me semble plus compliqué. « Si vous aviez été un élève et que je vous avais grillé comme ça, un joint entre les doigts et DANS l'établissement en plus, je vous aurai probablement exclu pendant une bonne semaine, si ce n'est plus avec une note dans le dossier qui aurait pu compromettre vos chances d'être recruté dans le domaine de votre choix. A Yonsei, nous avons des règles monsieur Svensson, et il n'y a pas que les étudiants qui sont tenus de le respecter ! Je vous fais une sacrée fleur en ne vous imposant qu'un pauvre power point et un exposé d'une petite heure alors oui, vous êtes dans l'obligation de le faire, et sans discuter ! » Je croise les bras sur ma poitrine et hausse un sourcil en poursuivant : « Je ne suis pas née de la dernière pluie, je sais très bien que 95% des étudiants qui seront présents ne vous écouterons pas. Mais vous au moins, ça vous dissuadera peut être de recommencer. »

Je replace mes cheveux correctement dans mon dos et m’enquiers de la façon dont le jeune surveillant s'adapte à la vie dans notre université. Il observe un petit temps de réflexion au cours duquel je le scrute du regard. Définitivement, ce n'est pas un méchant garçon, au contraire. C'est pour ça que je me montre aussi conciliante avec lui. Lorsqu'il me dit qu'il se sent bien et que Lin Yao est là pour l'aider, je souris. Ça ne m'étonne pas de la part de ma meilleure amie, elle a toujours le mot pour apaiser les consciences, en plus d'être une excellente prof très appréciée par ses élèves. Cependant, lorsqu'il conclue en me disant que ça, c'est quand on ne l'accuse pas de coucher avec les élèves, en me faisant son petit air de chiot blessé, je hausse un sourcil, pas attendrie pour un sous. « Je vous en pris, pas de ça avec moi. Et puis franchement, même si je réprouve sévèrement ce genre de comportement, pour votre égo c'est déjà plus flatteur qu'on dise que vous vous tapez des élèves dans la fac que si on racontait que vous espionnez les filles dans les toilettes ou d'autres comportements de pervers en manque dans ce genre ! » Je soupire et sors un bloc note d'un de mes tiroirs sur lequel je prends quelques notes en disant « Du coup, vous avez un mois pour me faire cet exposé. On fêtera ça en grande pompe vous verrez, ça va être drôle. » Je lui souris en lui tendant le papier et demande en haussant un sourcil « Des questions ? »

Ça va chier

Zachary & Kyong Hee

Être obligé de faire un power point sur la drogue est quelque chose que je ne voulais pas faire, et cela pouvait se lire sur mon visage. Je suis un consommateur de cannabis et j'évite d'utiliser les autres drogues, car elles étaient là pour nous tuer. Aux Etats-Unis, on peut se procurer de la marijuana avec une ordonnance de votre médecin donc ça prouve qu'elle peut nous soigner de quelque chose. Je ne voulais pas blâmer les élèves en leur disant que la drogue n'est pas bonne pour notre organisme, car ils allaient tout de même continuer à consommer dans leur coin. Bon, c'est vrai que ça m'apprendra à fumer dans l'université donc je ne pouvais pas contredire Kyong Hee sur ce coup. Puis... Elle avait raison en me disant qu'elle me faisait une sacrée fleur, car elle pouvait me virer. C'est ma supérieur et je n'avais rien à dire si elle décidait de me licencier. Je pense qu'elle sait que j'éviterai de refaire la même erreur et que je consommerai à l'extérieur du bâtiment. C'est fini de faire les idiots. Je devais continuer à travailler ici pour pouvoir me faire un maximum d'argent pour payer mon loyer et ma nourriture.

C'était agréable d'avoir comme chef quelqu'un comme Kyong Hee. J'étais rassuré, et je pouvais clairement m'épanouir dans mon travail. J'avoue que de me coller ce power point à la tronche ne me plaisait pas du tout, mais il vaut mieux ça que de se faire virer. J'avais un mois pour lui faire cet exposé, alors j'avais tout le temps pour m'y mettre, mais je ferais cela une fois que je serais chez moi. Au moins, je serais tranquille pendant des semaines. J'espère que les élèves ne se moqueront pas de mon accent lorsque je parle le coréen, car je pouvais être ridicule. J'ai déjà hâte d'être devant les élèves comme ça, je ne serais plus obligé de faire quelque chose sur ce thème. De base, c'est un policier qui vient nous rendre visite, et qui commence à dire que la drogue s'est mal. « J'espère que le power point sera ajouté sur ma fiche de paie. » Lançai-je en rigolant. Je devais éviter de faire ce genre de blague à ma supérieur, alors j'enlève mon sourire de mon visage, je me lève et m'incline pour m'excuser. Elle me demanda si j'avais des questions par rapport à tout ce qu'elle venait de dire. « C'est possible de demander à certains professeurs d'éviter de m'envoyer des élèves qui sont venus dans mon bureau pour avoir des paquets de feuilles à imprimer ? C'est assez agaçant et ce n'est pas aux élèves de faire ça.. » Demandai-je en me grattant la nuque. Je trouvais ça honteux que des professeurs utilisés des étudiants pour leur propre bien. Ils ne sont pas des esclaves, ils sont là pour un diplôme.

Ça va chier

Zachary & Kyong Hee

Malgré toutes ses boulettes, j'aime beaucoup Zachary. En fait, dans l'ensemble, j'ai une tendresse particulière pour la quasi totalité de mon équipe d'enseignants et de surveillants. C'est moi qui les recrute, qui signe leurs fiches de paie, qui les dirige alors je trouve normal de faire attention à les connaître pour adapter mes sanctions si sanction il doit y avoir. Comme j'ai vécu pendant un an aux Etats Unis et que je suis d'un naturel très ouvert à tout ce qui sort de l'ordinaire coréen, le fait que Zachary soit américain ne m'a jamais dérangée, au contraire. Je trouve justement que c'est une bonne chose que mon équipe soit constituée d'étrangers, cela permet aux étudiants de ne pas s'arrêter à un accent, une couleur de peau ou des yeux un peu plus ronds que ce à quoi ils ont l'habitude d'avoir affaire. Et puis, au delà de son apparence et de sa nationalité, Zachary est un bon garçon. Quelqu'un de gentil qui cherche à bien faire. C'est pour ça que je ne peux décemment pas le renvoyer, même si sa faute est ce qu'on pourrait très facilement qualifiée de faute grave. Le power point me paraît donc être une excellente punition, d'autant plus que cela lui permettra de s'affirmer devant les étudiants de Yonsei en le forçant à s'exprimer dans un coréen clair et compréhensible de tous. Et pour ce qui est des petits marrants qui se feront une joie de critiquer ses efforts dans la salle, moi je me ferais aussi une joie de les convoquer dans mon bureau. Parce qu'il est hors de question que je tolère la moindre moquerie.

Le trait d'humour de Zachary m'arrache un sourire que je qualifierai de mi-figue mi-raisin : disons que je trouve ça drôle et en même temps plutôt culotté de sa part de me parler de son salaire comme ça « Pour le moment à votre place, je me contenterai de me réjouir d'en avoir une, de fiche de paie... » Ce n'est pas du tout une menace, juste un petit rappel de sa situation qui n'est quand même pas spécialement des plus commodes. Mais avant qu'il ne s'en aille, je m'informe tout de même de son insertion au sein de mon université et sa réponse me fait sourire de façon plus attendrie cette fois. Je hoche la tête en disant « Je me chargerai de faire passer le message auprès des profs, vous avez ma parole. Allez, maintenant filez ! Et que je ne vous reprenne plus à fumer des joints dans mon établissement hein ! » La porte est à peine fermée que je pousse un soupir. Holala, si j'avais su que devenir CPE c'est aussi éprouvant que gérer une famille de plusieurs centaines d'enfants...