Je ne peux pas le nier. Ça ne sentait pas bon depuis le début. Je n’avais pas envie de venir, ce genre de conneries ne m’intéressait pas. Des portes ouvertes dans l’unique but d’exposer sa richesse. J’avais trouvé toutes les excuses du monde pour ne pas y aller, mais je dois avouer que depuis quelques jours j’avais un mauvais pressentiment. Je ne savais comment l’expliquer, comme si … je savais déjà qu’il allait se passer quelque chose et je n’espérais pas. Vraiment, je ne voulais pas croire que j’avais raison parce que la source de ce doute était mon meilleur ami. Fumant ma cigarette à l’extérieure sans chercher à entrer je trainais, ici et là, à la recherche de Lin. Je n’avais pas encore prévu d’aller rejoindre son stand et la journée me paraissait ennuyante et longue. Pourtant je me serais bien passé de ce genre de choses … L’explosion si soudaine et bruyante nous fit sursauter et crier. J’écarquillais les yeux sans comprendre, sans réaliser. Il me fallut plusieurs secondes avant de réaliser que les gens se mettaient à hurler et à crier en sortant du bâtiment. Plus les secondes passaient plus les blessés affluaient vers l’extérieure. J’attrape mon téléphone et appel Rei, il ne répond pas. J’appelle Lin, elle ne répond pas. Je jette ma clope que j’écrase au sol et fonce à contre-courant dans le bâtiment. Je pousse des gens sans me soucier du mal que je peux faire et entre dans la première salle que je croise. La salle de bal … la fumée m’agresse et me brule la gorge. J’aide les gens qui sont coincé sous les gravats et soulève un enfant du sol avant de le faire sortir de la salle. J’ai pas une âme de héro, je ne sais même pas pourquoi je fais ça, mais j’ai un sentiment de culpabilité qui me tort le ventre. Je le savais que quelque chose allait arriver. J’ai rien fait. Soudain je vois une jeune femme de dos qui s’agite dans tous les sens, comme si elle indiquait aux étudiants où se diriger pour sortir. Elle ne vit pas le plafond qui vacillait dangereusement au-dessus de sa tête. « Attention ! » lui criais-je avant de plonger sur elle en protégeant sa tête. Un bout du plafond me tomba sur le dos mais ce n’était rien de grave. Je n’aurais que de méchant hématome. Si la situation s’arrêtait là tout du moins. M’assurant qu’aucun autre bout de plafond ne tomba je libérais la jeune femme en la forçant à se tourner sur le dos pour m’assurer qu’elle n’avait rien. Allongé sur elle je mis plusieurs secondes avant de reconnaître son visage que la fumée rendait flou.

« ALLEZ SORTEZ TOUS D'ICI ! LES ISSUES DE SECOURS SONT PAR LA, DÉPÊCHEZ VOUS LE TOIT NE VA PAS TENIR LONGTEMPS ! » Rester calme. Ne pas penser à l'ampleur des dégâts pour le moment, juste tout mettre en œuvre pour les limiter. Ne pas réfléchir, agir. Faire sortir tout le monde indemne. Je tousse à m'en arracher les poumons en tentant désespérément de garder mon calme face à l'atroce réalité : mon université part en lambeaux. Il n'en restera probablement rien après ça. Tout sera parti en fumée. Tout sera à reconstruire. Mais pour le moment, ces gens ont besoin de moi, besoin que je les guide à l'abri, que je leur dise quoi faire... Je sais déjà que Suny va bien, c'est Jae In qui me l'a assuré quand je l'ai croisé tout à l'heure. Ca m'a retiré une telle charge sur le cœur que j'ai cru que j'allais pleurer : Suny sain et sauf, Yibo pas là... Ma famille est en sécurité apparemment. Pour moi c'est le plus important. Et ça me donne la force de continuer à aider à l'évacuation. En hurlant toujours plus fort, en soutenant toujours plus de personnes, en voyant à chaque fois la sortie sans jamais me résoudre à la franchir. « PASSEZ PAR ICI CA SERA PLUS RAPIDE ! COUVREZ VOS BOUCHES, RESPIREZ LE MOINS POSSIBLE LA FUMÉE ET NE... » Je ne peux pas terminer ma phrase qu'une voix que je connais me hurle de faire attention. Et avant que je ne puisse faire le moindre mouvement, un poids s'abat lourdement sur moi et me plaque au sol, me protégeant de la chute d'un bon bout de plafond. Le choc me coupe la respiration et la terreur me paralyse. C'est pas passé loin. Oh mon dieu c'est vraiment, vraiment pas passé loin. Mais il ne faut pas que je me laisse submerger par la peur. Je dois reprendre les choses en mains, l'évacuation, sauver les gens, ne pas... l'homme qui vient de me sauver me retourne sur le dos et je tousse pour tenter d'extirper toute la fumée qui s'est infiltrée dans mes poumons. Mes yeux me piquent aussi mais après deux battements de cils, je parviens enfin à identifier mon ''sauveur''. « Toi.. » je dis en me tendant comme un arc. Bom Chan. Qu'est ce qu'il fait ici ? Pourquoi est ce qu'il fallait que ce soit lui qui... Non c'est pas le moment. Il y a des gens qui meurent autour de nous, j'ai pas une seconde à accorder au connard qui m'a tabassé. Je me redresse en grimaçant : mon omoplate me fait souffrir le martyre, mais pas assez pour me faire renoncer à mon projet de sortir tout le monde d'ici en vie. « Va t'en » je me contente de dire à Bom Chan en me relevant. « Emmène des blessés avec toi et va t'en. Je veux pas te voir ici. » Beaucoup trop de choses s'affolent dans ma tête et j'ai déjà du mal à tout brider mais si en plus lui il entre dans l'équation, je pense que je vais vraiment finir par péter un plomb. Et que je risque de le buter.