Il avait été collé. Oh rien d'étonnant à ça étant donné que c'était assez fréquent. Il était habituer à sécher les cours et à faire n'importe quoi quand il y assistait alors forcément ça lui retombait parfois dessus. Assez souvent même. Voilà pourquoi, alors qu'il sortait nonchalamment de l'amphithéâtre, un surveillant l'attendait devant la porte et l'intercepta immédiatement. Et il n'eut d'autre choix que de le suivre. Evidemment il avait envisagé de prendre la fuite mais à quoi est-ce que ça aurait servi ? Les heures de colle auraient juste été déplacées. Et doublées. Et ça, Soo ne le voulait absolument pas. Tout le long du trajet, il se préparait donc à affronter le plus stoïquement possible son châtiment. Il allait sortir de cette épreuve grandi. Et il se promit même de ne pas râler. Néanmoins quand il arriva dans la salle, s'assit et commença à travailler, son mince optimisme s'effondra. Il détestait rester sans bouger. Il détestait devoir se concentrer sur un travail qui ne l'intéressait pas. Mais le pire arriva plus tard. Au bout d'un moment la porte s'ouvrit, dévoilant Bowon accompagnée de deux surveillants. Par réflexe il leva la tête et enragea immédiatement intérieurement. Comment était-ce possible qu'elle soit là ? Pourquoi ? Il devait être maudit. Son karma lui faisait payer toutes ses mauvaises actions. Ça ne pouvait être que ça. Il détourna la tête, fixant les feuilles en face de lui, sans pour autant réussir à se concentrer. C'était même pire qu'avant. Quand elle s'assit sur la table voisine, il lui jeta un nouveau coup d'oeil mais détourna bien vite son regard, au moment où elle prenait la parole. Visiblement elle non plus n'était pas ravie d'être là. Mais qui l'était ? Soo, pour sa part, avait juste envie de sortir, de se défouler, de faire sa petite course quotidienne, de laisser s'échapper toute l'énergie qui était contenue dans son corps, à cause de sa trop longue immobilité. Il se sentait comme une bombe sur le point d'exploser. Et contrairement à ce que la comparaison indique généralement, ce n'était pas d'énervement. Pourquoi tu me parles ? intervint-il alors. Je croyais que je n'étais qu'une pourriture ? Tu t'abaisses à parler aux pourritures maintenant ? Sourire moqueur. Oui on pouvait croire qu'il cherchait la merde. Oui il la cherchait, effectivement. Mais c'était dans sa manière d'être. Et il y avait un "je ne sais quoi" chez Bowon qui l'incitait à la provoquer. C'était débile et immature. C'était lui.

Il soupira. Pourquoi est-ce qu'elle devait se retrouver ici ? Pour une fois, il n'avait pas envie d'avoir des ennuis. Il voulait juste faire en sorte que les deux heures se déroulent le plus rapidement possible. Mais il savait que dans tous les cas, c'était impossible. Ces quelques heures seraient aussi longues que cinq et pendant tout ce temps, le moindre de ses muscles le tortureraient. C'était déjà le cas, à vrai dire, il suffisait de regarder sa jambe droite, qui tressautait nerveusement, prouvant qu'elle aurait préféré être partout sauf ici. Il fixa ses feuilles, releva la tête pour regarder droit devant lui, puis la tourna lentement en direction de Bowon. Ecoute ça te dit qu'on passe un pacte ? Un pacte de non-agression pour les deux prochaines heures ? On a aussi peu envie d'être ici l'un que l'autre, alors je propose qu'on s'ignore juste royalement. Ce n'était absolument pas son genre de faire ce type de proposition. Éternel bavard, ça aurait plus été dans ses habitudes de papoter gaiement avec sa camarade de souffrance. Mais là c'était Bowon, alors forcément c'était un cas particulier. Avec elle, ce serait impossible de faire semblant, de faire comme si rien ne s'était passé, comme s'ils pouvaient être amis. L'un comme l'autre, ils ne s'appréciaient pas. Même si au fond, ils ne se connaissaient tout simplement pas.

Les deux heures passèrent à une lenteur désespérante, Soo n'arrivant en plus pas tellement à se concentrer sur ses cours. Alors quand le surveillant arriva pour lui annoncer la fin de sa torture il bondit presque de son siège, un immense sourire aux lèvres. Il allait enfin pouvoir sortir, se défouler, laisser sortir toute l'énergie qui s'était concentrée dans son corps tout au long de la journée. Alors il se dépêcha de ranger ses affaires, adressa un geste de la tête en direction de Bowon, tandis qu'il passait à côté d'elle pour regagner la sortie. Ses jambes le suppliaient de leur accorder leur petite course quotidienne et il comptait bien leur obéir.

Soo était en train de partir, ravi, aussi joyeux que si c'était le plus beau jour de sa vie. Il était tellement concentré sur ses affaires et son désir de partir et de faire du sport, qu'il n'écouta même  pas le surveillant parler, se contentant d'entendre un bruit de fond de paroles. Il passa à côté de Bowon, direction la sortie, quand cette dernière attrapa son bras. Un drôle d'air de déjà vu. Elle lui voulait quoi encore ? Elle ne l'avait pas suffisamment engueulé ? Il commença à se préparer à avoir une belle joute vocale, quand la jeune femme tomba, l'entraînant avec lui. D'abord sous le choc, il ferma les yeux de souffrance, tout en grimaçant, puis il les rouvrit lentement et fixa Bowon, qui se trouve juste au-dessus. Il cligna des yeux. Eclata de rire. Sourit. Si tu voulais tant que ça te jeter sur moi, il suffisait de demander. Et son hilarité reprenait de plus belle, tandis que la jeune femme se relevait, avant de l'aider lui aussi à se remettre sur pied. Oui il avait un humour très spécial. Et oui il assumait. Néanmoins il fallait bien avouer que la scène avait quelque chose de comique. Il avait l'impression de voir un film d'amour bien niais. Sauf que bien évidemment c'était la réalité. Et il n'y avait pas vraiment d'amour entre eux. Mais c'était quand même drôle. Écoutant la demoiselle, son regard dévia vers la porte, avant de revenir vers elle. Il haussa les épaules. Non, j'ai pas vraiment écouté, il a dit quoi ? Evidemment il n'avait pas envie de rester. Une heure c'était peut-être peu pour elle, mais pour lui c'était beaucoup trop. Dans son état, c'était presque l'équivalent d'une semaine sans bouger, pour des personnes normales. Mais elle ne pouvait pas s'en rendre compte. Elle n'était pas comme lui, elle. Il soupira. La seule chose qui le retenait et l'empêchait de déguerpir en courant le plus vite possible, c'était son air suppliant. Elle semblait vraiment paniquée. Sinon elle n'aurait pas réagi comme ça, évidemment. Et venant d'une fille de sa trempe, c'était carrément suspect. Pour être honnête, il était un peu déstabilisé de la voir comme ça. Et même un peu attendri. Alors sa haine, qu'il avait accumulé à l'égard de la miss sans presque le vouloir, s'évapora l'espace d'un instant, laissant la place à une sorte d’inquiétude, qu'il dissimula habilement. Il ne voulait pas faire preuve d'un seul instant de faiblesse devant elle, parce qu'il savait qu'elle en profiterait, sinon. Elle ne comptait pas le lâcher, elle comptait se venger de ce qu'il avait fait, et il se doutait qu'elle utiliserait tous les moyens à sa disposition pour ça. Alors il se contenta de se rasseoir, son éternel sourire à la fois légèrement moqueur, et gamin, aux lèvres. J'veux bien rester, mais tu m'en devras une. Et ne compte pas sur moi pour l'oublier. Voilà comment il masquait astucieusement sa véritable raison. Tout du moins, c'était astucieux pour lui.

Quand Bowon l'avait touché, imitant la caresse du surveillant, Soo s'était retenu du moindre commentaire. Pas parce qu'il était choqué par l'attitude du type - qui était un gros dégueulasse, soit-dit en passant - mais plus parce qu'il se détestait d'éprouver ça. De trouver agréable cette manière qu'elle avait eu de le toucher. Même si ce n'était pas volontaire, même si ce n'était que pour imiter ce que lui avait fait le surveillant. Quoiqu'il en soit, ne pouvant pas la laisser comme ça, il s'était rassi et attendait maintenant, le regard vide, fixé droit devant lui. Il sortit une feuille pile au moment où l'adulte revint jeter un coup d'oeil dans la salle. Il fronça les sourcils en regardant le wonsungi, qui lui adressa un grand sourire. Oui, il me reste des choses à réviser, j'ai décidé de rester un peu plus longtemps ! Et voilà qu'il lui adressait un clin d'oeil faussement complice, avant de faire semblant de se concentrer sur ses cours. Et dès que le surveillant eut tourné les talons, Soo rangea les papiers avant de soupirer. Il plaqua ses mains dans ses poches, étendit ses jambes, puis les croisa, avant de se redresser, en décroisant les jambes. Bref il ne tenait pas en place. Il n'arrêtait pas de changer de position sur sa chaise, écoutant d'une oreille distraite les paroles de sa camarade, qui se plaignit tout d'abord de trop travailler. Il haussa les épaules, lui lança un regard, l'observa ainsi un instant, alors que ses cheveux lui cachaient le visage, puis détourna le regard. Il la détestait, n'oublions pas. Il avait tout fait pour ruiner et son couple et sa vie. C'était pour cette raison qu'il priait pour qu'elle ne lui demande pas ce qu'il faisait ici, pourquoi il avait accepté de rester. Et bien évidemment ses prières ne furent pas exaucées. Il poussa un soupir, avant de sourire et de décider de le jouer au bluff. Comme toujours. Quoi ? Je ne correspond pas à ton image du prince charmant qui vient sauver une princesse en détresse ? demanda-t-il, une lueur taquine dans les yeux, tandis qu'il changeait de position pour la énième fois. De toute manière elle l'avait déjà catalogué. Peut-être avait-elle du mal à l'imaginer accomplir le moindre acte un minimum gentil. Alors pourquoi lui avait-elle quand même demandé de rester ? L'énergie du désespoir, sûrement. Il haussa les épaules. Ou peut-être que j'ai fait ça juste pour que tu m'en doives une ? Qui sait qui sait. Le sourire de gamin insupportable était revenu. Il était vraiment imbuvable.

Qu'est-ce qu'elle pouvait être lourde quand elle voulait. Pourquoi désirait-elle absolument avoir une réponse à sa question ? Et pourquoi l'avait-elle posé, même ? Soo était de nature très impulsive, il savait mieux que quiconque qu'on pouvait parfois agir sans réel motif, juste mu par quelque chose s'approchant probablement de l'instinct. Mais visiblement Bowon ignorait ça. Voilà pourquoi il avait répondu avec ironie. Et quand la demoiselle avait répondu, le jeune homme avait laissé sa tête basculé vers l'arrière, contemplant le plafond, ses mains toujours dans ses poches. Il resta un instant sans bouger. C'était presque étonnant de le voir dans cet état. Pourtant il ne dura pas, ses lèvres se mettant rapidement en mouvement. Un prince charmant quand même alors, répondit-il avec un léger sourire sans même relever la pique vis-à-vis du bas de gamme. Sa réplique sortie, le jeune homme décida de cesser ce rôle de statue qui ne lui allait pas, il se redressa, fixa devant lui, puis se tourna vers Bowon. Non, pas encore, mais crois-moi quand j'aurai trouvé, tu seras la première au courant. Et voilà qu'il lui adressa un grand sourire, dévoilant ses dents. Il comptait bien en profiter de cette chanson, cette dette sera le fruit d'une mûre et intense réflexion. Il ne voulait pas l'utiliser à la légère. Après tout une telle chance ne se représenterait peut-être pas. Retirant ses mains de ses poches, il croisa les bras, tandis que son regard se tournait vers la porte ouverte, à laquelle le surveillant n'était plus réapparu. Soo n'était pas bien imposant, même s'il était relativement grand, alors il était quelque peu étonné d'avoir fait fuir l'adulte. Mais peut-être avait-il des talents cachés ? Peut-être était-il plus intimidant que ce qu'il pensait. Même s'il en doutait. Néanmoins il se concentra à nouveau bien vite sur Bowon, avant de reprendre la parole. Je sais que tu t'es déjà forgée ta propre image de moi, considère-moi comme une pourriture, un emmerdeur, un connard, je m'en tape. Mais tu penses vraiment que j'ai si peu de coeur que j't'aurais laissé ici ? Avec un "bonne chance pour ton viol" ?