Il a peur peur et il souffre ... Mais il ne peut rien faire d'autre qu'attendre que la douleur passe et que la peur s'envole telle une nuée d'oiseaux rejoignant les terres où le soleil est roi. Allongé à même le sol dans cette cave insalubre et sordide, Ming Qi observe un point invisible à l'autre bout de la pièce et doucement il ferme les yeux et se demande ... Comment en est-il arrivé là ?

Quand on regarde bien, Ming Qi avait tout pour lui, absolument tout. Il était dans la fleur de l'âge, riche comme Crésus et plutôt beau garçon. Et pourtant, il était prêt à tout sacrifier pour deux pauvres souillons, comme disait son père, deux pauvres gamins qu'il avait rencontré l'année de ses douze ans. Il n'aurait jamais dû quitter sa chambre ce jour-là, car après tout il en avait la stricte interdiction mais il l'avait fait. Il était sorti, bravant les ordres de son père pour rejoindre l'usine. Il voulait voir à quoi pouvait bien ressembler son héritage, mais ce qu'il avait découvert ce jour-là était bien loin de valoir de l'or. Bien loin. Il en avait été dégouté, de voir ces jeunes enfants travailler pour enrichir son père, et plus encore lorsqu'il fit la rencontre de deux jeunes garçons qui devinrent très vite des amis. Et il faut aider ses amis pas vrai ? Alors, de son jeune âge il avait commencé à élaborer un plan pour leur rendre leur liberté, de fil en aiguille et d'année en année celui-ci avait doucement pris forme. Jusqu'à cette nuit fatidique, où il avait extirpé ses amis du dortoir dans la plus grande discrétion. A chacun il avait remis un sac contenant de la nourriture, de l'eau et des couvertures mais surtout l'objet qui aller changer leur vie pour toujours...Une simple feuille qui valait des millions. Un billet pour leur liberté, pour franchir la frontière et rejoindre leur nouveau chez eux. La Corée du Sud. Dans la nuit, ils s'étaient alors glissés hors de l'usine, ils avaient par la suite emprunté une voiture pour atteindre le plus rapidement possible le lieu du rendez-vous et c'est sur le quai qu'ils s'étaient tous les trois dis au revoir pour la dernière fois. De dernières recommandations, de derniers mots au capitaine du bateau qui allait les ramener en Corée et les voilà tout deux sur la mer voguant vers une liberté que Ming Qi leur avait promis il y a de cela plusieurs années déjà.

Mais qui aurait cru qu'on l'aurait dénoncé. Qui aurait cru qu'en rentrant cette nuit là il serait attendu de pied ferme par son père et ses hommes. Qui aurait cru qu'il vivrait l'enfer pour avoir extirper ses amis de ce méandre de feu et de malheurs.

Tu me déçois. Tu n'es qu'un bon à rien. J'aurais du te crever quand ta pute de mère t'as ramené ici. Comment as-tu pu me trahir Ming Qi ? Comment as-tu osé ? Dis le moi Ming Qi, dis moi ce que tu as fais. Dis-moi où ils sont ! Tu ne dis rien ? As-tu perdu ta langue ? Très bien ... Alors j'imagine que je vais devoir te faire parler mon fils.

Une coupure au début, une entaille par la suite, une plaie béante puis de la douleur, du sang et des larmes. Des cris de douleur alors que lentement celui qui était son géniteur vient lui entailler la langue dans le but de la lui trancher, lentement très lentement pour lui laisser l'occasion de parler une dernière fois. Mais rien. Alors il le relâche, la bouche en sang et la langue meurtrie mais encore là, parce que Ming Qi le savait, son père ne pourrait jamais aller au bout de ses idées. Parce qu'il était important, beaucoup trop important pour lui et ses affaires et qu'il ne pouvait pas se permettre de présenter son fils dans cet état. La suite, Ming Qi peine encore à s'en rappeler des années plus tard. Mais il sait qu'il a souffert, énormément souffert. Il ressent encore la douleur de ses côtes se brisant sous les coups, de son dos qu'on lacère à coups de fouet. Oui, il se souvient de la douleur et uniquement de la douleur, rien d'autre que la douleur. Et aujourd'hui, seul témoin de ces jours de torture, une voix qu'on lui a arraché. Un voix qui a disparu après avoir été trop éprouvée. Un mutisme qui l'aide à oublier, parce que parler ... C'est se souvenir et lui...Il ne veut pas s'en rappeler. Alors, il se cache derrière ce silence, pour mieux se protéger alors que depuis bien longtemps celle-ci a sans doute repris de sa superbe.

Mais aujourd'hui le voilà dans un avion en direction de la Corée du Sud, dans le but de terminer ses études pour être apte à reprendre les rênes de l'usine. Mais lui... Il rêve de tout autre chose. Il rêve de sucre, de chocolat, de ganache et de meringue. Il rêve de perfectionner son art qu'est la pâtisserie.