« Cette fille si t’y parviens, on te paye une console de jeu. » un défi stupide, un prix qui n’en valait pas la peine. Mais il avait accepté tout sourire. Parce-que le faire c’était être normal. Alors il le faisait, se donner cet air d’enfoiré qu’il n’était pas vraiment. On le trouvait plus cool à l’université quand il était comme ça. Junho, le petit con qui se joue de tout. Ça lui allait bien, lui pensait ça. Se donner une image qui ne lui correspondait pas. Il refusait qu’on voie ses faiblesses, ces moments et ces instants troublant où il n’était que lui. Aux yeux des autres il n’était qu’un gosse. Qui s’amusait et prenait tout avec sourire. Qu’il était bon dans ses mensonges. A faire semblant, à jouer comme il se devait. Aujourd’hui encore, en pleine journée il était Bang Junho. Pas ce môme qui aime se perdre dans ses dessins. Ils avaient pourtant ça en commun. Cette fameuse fille dont on lui avait parlé. Il ne l’avait jamais remarqué, jusqu’à ce qu’on lui indique d’un signe de tête. Brune aux yeux pétillant, sourire accrocheur. Elle avait de quoi plaire, mais il ne l’avait pas aperçu, lui dont l’esprit était envahi par une seule image. S’il était normal, il l’aurait remarqué. Il aurait pu s’insulter des heures, mais il restait juste à rire comme un con. « Ok. » avait-il répondu, avant de simplement préparer son plan. Une idée idiote, mais il devait se cacher. Il était trop bizarre le Junho, quand il disparaissait à ses heures de pauses, quand il s’isolait pour dessiner. Et ce jour-là, il avait décidé de jouer. De s’amuser pour rendre son temps moins douloureux. Alors qu’elle était assise à cette table. Il avait tout préparé, pourtant si peu manipulateur, il s’était donné ses chances. La drague ce n’était pas fait pour lui. Alors il devait s’armer de quelques atouts. Un sourire qu’il accrochait à ses lèvres, avant de s’assoir à ses côtés. Il avait appris qu’elle était sourde, alors d’un signe il disait « Salut. » un peu timide cependant. Junho n’était pas à l’aise avec l’exercice. Ça lui donnait presque l’air d’un enfant, alors qu’il détournait les yeux. Déposant ses affaires de dessins sur la table aussi. Il n’avait que des croquis normaux à montrer. Des illustrations de comics ou autre personnage qu’il aimait. Il ne savait pas comment lui parler, alors au départ il ne trouva que son téléphone pour venir lui glisser un message « Je t’ai déjà vu ici… Je m’appelle Junho et toi ? » Il espérait ne pas avoir l’air bizarre. « Tu es en quelle année ? » parce qu’elle n’était pas dans ses cours à lui. Il la sentait plus âgée bien que de pas beaucoup pour être honnête. A cette question, il lui accordait un sourire. Avant d’écrire « Je suis en première année de dessin. » il était curieux de voir ce qu’elle aimait faire. 

Il devait arrêter de relever des défis stupides. Il le savait, ça ne lui servait à rien. Puis il se sentait coupable une fois les choses faites. Mais il n’y pouvait rien. Son envie d’être comme les autres était plus forte. Junho souffrait tellement d’être un monstre. Etait-ce si mal de jouer ? Il ne le pensait pas. Du moins la journée. Le soir quand il se retrouvait seul c’était différent. Il était si contrasté, dans ses émotions, dans ses problèmes. S’il croisait cette fille la nuit, il ne serait surement pas un sale petit morveux. Au fond il était désolé. Mais il ne pensait pas faire de mal. Ils étaient jeunes, il fallait bien profiter de la vie et de ses vices. C’était de cette façon qu’il se sentait vivant. Et peut-être conscient. Mais en cet instant, il ne pensait pas à mal. Il prenait ça à la légère, et puis elle était… mignonne. Différentes des autres qu’il avait l’habitude de regarder. Alors qu’elle écrivait sur le téléphone, il l’observait. Regardant son profil, alors qu’il lui trouvait d’atouts attrayants. Il aimait bien la forme de son visage, son petit nez aussi… elle avait des beaux yeux. Chose qu’il remarqua quand elle relevait la tête vers lui. Prit sur le fait, il s’empressa de détourner le regard, observant à son tour ce qu’elle lui avait inscrit. Une étudiante en art, comme il le savait. Mais ça leur faisait un point commun. Baisant son attention sur le carnet qu’elle tenait, il ne voyait pas grand-chose à ce qu’elle faisait. Chacun avait sa propre image du monde. Lui le dessinait dans des comics, des personnages qu’il inventait. Reprenant le téléphone, il sourit d’un air sincère avant de lui demander « C’est quoi ton univers ? » parce qu’il était curieux. Parce qu’il adorait ça. Et parce qu’il voulait être son égal, il sorti son carnet de son sac. Pour lui montrer. Il n’était pas vraiment sûr de lui. Ne se trouvait pas beaucoup de talent. Mais il aimait dessiner. Ça lui suffisait. Lui tendant ses croquis, il ajouta « J’adore les comics. Et les mangas. » Un peu embêté à cette révélation. Ça lui donnait un air de petit geek qu’il n’était pas franchement. Enfin… Junho adorait les univers geek, mais il passait plus de temps à se détruire qu’à être un garçon sage derrière ses écrans. « Tu trouves ça gamin ? » il se frotta l’arrière de la tête. Car ce qu’il distinguait sur son papier lui paraissait plus mature que ses dessins. Et pendant qu’il souriait, il se rappelait son prénom. Le trouvant plutôt agréable. Il lui allait bien. Il se permit même de lui écrire « Comment on signe ton prénom ? » parce qu’il était curieux. Il se mordilla la lèvre, un peu timide parce qu’il ne savait pas si il faisait les choses bien. Flirter avec les filles ce n’était pas pour lui. Bien qu’il plaisait selon le dire de ses amis. Mais Junho ne s’en apercevait que très rarement. Trop focaliser sur sa propre existence, et sur cette haine envers lui. Il ne pensait pas que les autres pouvaient l’aimer… Alors qu’il était encore penché sur ses dessins. L’un d’eux était différent, plus travaillé. « Je cherche un nouveau style… quelque chose de plus mature. Le fantastique j’aime bien. » Et ce dessin de femme guerrière était un exemple. Il n’était pas parfait, mais il essayait des choses. « J’aime bien… me détâcher du monde. » une confession qu’il se permettait. Parce-que si Junho aimait autant les univers fantastiques c’était parce-que rien n’était comme ici. Ça lui paraissait plus doux, plus facile. Il aurait pu être un guerrier dans ce monde-là. Peut-être trouverait-elle ça stupide ? Il avait un doute subitement. Se mettant à rire doucement, un peu gêné. « Je suis bizarre je sais. »

Il était un peu tendu à l’idée de lui parler. Oubliant presque ce qui l’avait mené ici. Elle était jolie, bien plus de près et il sentait même ce parfum si agréable. Il se demandait si la vie était facile pour elle. Lui, à qui tout pouvait sourire il souffrait. Terriblement… sous ses airs d’enfants, de garçon parfois assuré, il n’était qu’un gosse. Perdu… désespérément seul. Et ça lui foutait le moral en l’air. Il survivait parmi les autres… et jouer à ce jeu c’était sa seule façon d’exister. De compter un peu dans un groupe. D’avoir l’air d’être normal… il en était désolé presque. Intrigué par elle, et ces dessins qu’il découvrait. Il resta bouche bée… curieux mais à la fois toucher. Sans comprendre pourquoi, il aimait ce qu’il voyait. Elle avait son univers particulier. A la fois fantastique, mais un peu torturé… et il aimait ça. Comme si quelque part, elle aurait pu comprendre la souffrance qu’il cachait derrière ses sourires amusé. Et il détourna les yeux vers elle, se mit à lire les signes de son prénom. Se disant qu’il n’avait pas envie d’oublier comment on le faisait. Comme si ça pouvait compter… avoir son importance dans ce monde trop cruel parfois. Il fut touché par ce qu’elle lui disait. Du talent il ne pensait pas en avoir... en réalité il dessinait parce-que c’était la seule chose qu’il savait faire. Il baissa  les yeux, gêné, se mettant à rire doucement. Avant de lire ce qu’elle lui disait… et son cœur rata un battement alors qu’il relevait le visage vers elle. Bizarre de lui parler ? Si elle savait… et ça s’emmêlait dans sa tête tout à coup. Lui le gosse qui cachait un terrible secret. Que penserait-elle si elle savait ? Lequel des deux seraient le plus bizarre ? Il baissa à nouveau les yeux, écrivit à son tour son message « Pourquoi une fille comme toi ? » Mais il s’empressa d’ajouter « C’est justement parce-que tu es… différente, que tu as l’air intéressante… » Et il espérait que ses mots ne la vexeraient pas. Mais le fait qu’elle ne soit pas comme les autres le faisait frissonner… lui qui ne se sentait jamais à l’aise avec le reste du monde. Lui aussi était différent… né dans un mauvais corps, dans une mauvaise famille. Né avec un esprit contrarié, inconscient... il n’était qu’un monstre après tout. Un garçon trop fragile... souffrant trop souvent. Et si seulement il aurait pu être quelqu’un d’autre. Peut-être qu’avec cette fille il aurait pu venir vers elle, sans mauvaises intentions. Et sans retenue, il se mit à l’observer. Ses traits fins, ses yeux… peut-être était-il trop insistant, mais il avait cette mauvaise habitude. De regarder les autres, parce-que lui n’était pas comme eux… Et il se permit d’attraper le téléphone, d’y inscrire lentement « Je te trouve très jolie… » Mais peut-être était-il trop sincère ? Il releva les yeux vers elle, lui souriant d’un air un peu embarrassé avant d’ajouter « Ils te le disent tous pas vrai ? » et il se mit à rire, plus franchement. Persuadé qu’elle devait plaire. Que des filles comme elle, les garçons en rêvaient… et si seulement il était comme les autres, lui aussi elle lui plairait bien plus. Elle n’avait aucun défaut, elle était vraiment belle en réalité. Il le pensait sincèrement, se disait même qu’elle avait des traits agréables à dessiner… mais elle n’était pas… Sunan… et c’était ça qui le hantait. Comme à chaque fois qu’il se retrouvait devant une femme. L’image de sa sœur le hantait… et il s’en voulait. Terriblement, baissant les yeux sur ses pensées. Il grimaça un peu, tentant de cacher son trouble en attrapant son carnet de dessin à lui et le ranger. S’occuper l’esprit, comme à chaque fois que ça le rongeait. Junho était doué pour ça…

Différent… « Tu es différent Junho… tu n’es pas comme les autres garçons. » du haut de ses quatorze ans, il observait sa sœur, sans savoir si c’était gentil ou non. Lui en voulait-elle de venir dormir avec elle tous les soirs depuis qu’il était gamin ? Différent… mais comment ? Etait-il donc anormal, c’était ça ce qu’elle disait ? Il n’avait jamais osé lui demander. Même le jour où il avait tenté de mettre fin à ses jours. Tous l’avaient regardé différemment… comme une bête, avant de sourire et dire « c’est rien… » Oui ce n’était rien pour eux. Mais Junho était de trop dans ce monde. Et il le savait… alors il faisait semblant. Il ne savait pas s’il avait été trop brusque avec elle. Il trouvait que c’était un compliment. Lui il préférait les gens… différents. C’était certains. Il ne pensait pas à son handicap en réalité. C’était ce qu’elle dégageait. Cette sensibilité, cette image… cette aura qu’il percevait. Peut-être était-il un peu fou. Un peu trop artiste dans sa tête… le gosse imaginait des choses. Une jolie brune, aux allures de super héroïnes. Différente, parce qu’elle percevait le monde réellement comme il était. Il fit la moue, baissant les yeux sans trop savoir s’il devait lui dire. Peut-être le prendrait-elle pour un fou, s’il se confiait à une inconnue. Et face à ce trouble, il restait éternellement ce gamin né dans une mauvaise époque. Dans une mauvaise famille aussi… Il n’aurait pas dût naitre. Voilà ce qu’il pensait souvent. Pourtant, il tenta de reprendre confiance. Lui confier qu’il la trouvait jolie. Mais cela eut le don de tout faire basculer. So Jin avait l’air… vexée. Il se mordilla la lèvre, se reculant un peu sans trop savoir comment prendre ses mots. Il était désolé tout à coup. Tout ce qu’il voulait c’était lui dire… la vérité. Junho était comme ça. Trop brute, trop honnête. Sa sincérité était parfois déconcertante. Bloqué sur le téléphone, elle lui reprit des mains. Pour s’excuser ? Il ne savait pas vraiment. En lisant ce qu’elle disait, il se mit à déglutir. Se sentant tout à coup ridicule. « Je suis désolé. » avait-il lâché. Sans l’écrire, juste en parlant. Mais dans ses yeux il était encore un fois trop sincère. Se détournant d’elle, il voulait écrire à nouveau, mais sa main s’était mise à trembler… elle est différente n’est-ce pas ? Parce qu’au fond… elle n’a rien de Sunan. Il tentait de s’en persuadé, mais en réalité So Jin ne ressemblait qu’à elle-même. Et c’est peut-être ça qui le déroutait… Il voulait écrire, mais souvent il effaçait ce qu’il disait. Ne trouvant pas les mots. N’étant pas bon pour ça… il resta quelques secondes, désolé, troublé… son cœur battant, il finit enfin par écrire « Je ne voulais pas te vexée… » c’est tout ce qu’il trouva à dire avant de lui tendre le téléphone. Relevant les yeux vers elle, il se sentait intimidé tout à coup. Pourquoi… pourquoi n’était-il pas un garçon normal ? Gêné, il baissa les yeux, avant de lui reprendre le téléphone et marqué « Je… voulais être sincère avec toi. Je te trouve jolie… c’est tout. Est-ce que c’est mal ? Tout comme le fait que tu sois différente ? » il fit une moue, sans trop savoir ce qu’il disait. Puis il ajoutait « Je crois que toi aussi tu te méprends sur moi… » Hésitant un peu « Tu penses surement savoir quel genre de garçon je suis. Mais si tu te trompais ? Si j’étais différent moi aussi ? » Et il lui rendit. Sans trop savoir si c’était assez clair ou non. Il se sentait mal tout à coup. Coupable d’être venu ici dans une mauvaise attention. Et finalement… touché par ce qu’elle dégageait. Junho était trop sensible à ces choses-là. Le monde il le percevait différemment des autres. Depuis qu’il était gosse. Il était perturbé, en marge d’une société qui ne lui ressemblait pas. Mais était-ce un mal ? Il lui rendit son téléphone. Se redressant subitement. Prenant son téléphone à lui, il se mit à marquer « C’était peut-être une mauvaise idée de venir te parler. » et il hésitait à partir… se demandant si il la gênait. En réalité, elle n’était pas réellement la fille qu’il avait imaginée. Ses potes lui avaient fait un portrait d’elle. Qui était faux ! So Jin avait l’air plus intriguante qu’il ne le pensait. Elle avait réussi à le toucher. Elle n’était pas de ces filles vides, qui n’avaient rien à offrir. Elle était troublante… et c’était ça justement qui le perturbait. Comme si tout à coup être là avec ces mauvaises intentions le dérangeaient. Quel idiot il faisait.

 

Il est comme eux… jamais. En réalité Junho n’a pas une once de méchanceté en lui. Il est simplement perdu. Ailleurs, dans un monde différent des autres. Il déteste ces types qu’il peut appelé amis. Ils sont amusants. Il aime sortir avec eux, mais aucun d’eux ne le connait vraiment. De simples banalités. Un mensonge qui leur sert à longueur de journée. Une façon de leur dire Regardez je suis comme vous. Aussi nul, aussi idiot. A se jouer des autres. A se donner un genre qu’il n’a pas. Le vrai Junho est tendre, sensible, l’esprit vagabond, rêveur. Mais il ne peut pas être ce garçon-là. Trop fragile, on ne ferait qu’une bouchée de lui. Alors il s’accroche encore… mais il est mal à l’aise tout à coup. Cette fille a le droit de penser ça. Qu’il est comme eux. C’est ce qu’il cherche à faire tous les jours d’ailleurs. Alors finalement c’est bien… c’est ce qu’il voulait. Mais So Jin… est différente. Plus bienveillante surement. Plus agréable que les autres. Et ça l’embête d’imaginer qu’elle puisse le voir ainsi. Dans un monde parfait, ils pourraient être des amis. Mais aujourd’hui, il n’est là que pour une mauvaise raison. Il détourne les yeux, embarrassé. Troublé aussi par cette main qu’elle pose sur lui… la chaleur de sa paume le rassure. Lui donne confiance en lui… tu n’es pas un sale type. C’est ce qu’il a envie de croire quand il la regarde. Tout est encore possible. Il peut juste lui parler. Etre là parce qu’il en a envie. Alors il se met à sourire « C’est pas grave. » articule-t-il doucement. Pour qu’elle comprenne, sans qu’il n’ait à l’écrire. Il se sent soulagé et pourtant quelque chose le rend fébrile. Elle a la peau douce… son geste prend un sens plus tendre dans son esprit si perturbé. Il doit se donner une chance. A lui, mais à elle aussi. Sans s’en rendre compte, il laisse son doigt caresser sa peau. Un geste qu’il ne mesure pas. Peut-être le prendra-t-elle mal, il n’en sait rien. Mais c’est réconfortant. Comme si pour une fois il pouvait donner un peu de lui à quelqu’un. Puis dans un sourire, il vient écrire « On a qu’à tout recommencer. » c’est peut-être mieux ainsi. Se dire que tout ça peut être vrai. « Je m’appelle Bang Jun Ho. » il rit, avant d’ajouter « ça te tenterait de sortir un soir ? » et il ose poser cette question. Au moins ailleurs ça serait plus facile. Sans avoir le poids de ce pari sur les épaules. Il ne sait pas si elle acceptera. Mais il espère vraiment. Il se met à rire encore plus, les yeux remplis de malice « On peut aller où tu veux. Dis-moi quel endroit tu aimes. » il serait prêt à ça. Il n’a jamais autant d’empathie pour quelqu’un. Mais So Jin lui donne cette impression. Ce sentiment de bien-être qui le rend tout à coup plus confiant. Il a tant besoin de ça. Le gosse trop fragile et brisé qu’il est. Il est prêt à lui accordé sa confiance… lui-même semble oublier ce qui l’a mené jusqu’à elle. Comme si tout ça finalement n’avait plus de sens.