L’amour était un sentiment que Woojin connaissait par cœur. Il l’avait vécu sous toutes ses formes avec sa femme. Il avait été intense et puissant, il avait était libérateur et lui donnait l’impression de pouvoir affronter le monde s’il le fallait. Il aurait pu y arriver, tant que sa femme avait été à ses côtés. Pourtant l’amour était aussi cruel car c’était un sentiment que personne ne pouvait contrôler et il donnait des peines en liant deux personnes qui ne devraient se voir. Cet amour avait été cruel avec le père simple il l’avait fait devenir dépendant de Ahri. Bien trop attaché à sa femme, il savait qu’il n’aurait pu continuer ou avoir la carrière qu’il eut sans elle. Mais c’était d’autant plus vrai lorsqu’il ressentit les douleurs suite à la perte de la jeune femme. Partie beaucoup trop tôt, Woojin avait détesté cet amour, il l’avait maudit beaucoup trop de fois car il se retrouvait de nouveau seul. Car il était perdu sans sa femme et parce que cette perte ne pourrait jamais être comblé. Alors de voir ainsi son ami torturé par ce même sentiment, qui allait à l’encontre de leur valeurs, de leur croyance et éducation, c’était douloureux. Pour lui, mais surtout pour Mason. Le fleuriste était simplement là, assis sur sa petite chaise en plastique, à tenter d’utiliser les mots pour se dire rassurant. Mais qui rassurait-il vraiment ? Que pouvait-il faire de plus ? Il n’était ni l’autorité, ni la société et savait à quel point ces deux derniers pouvaient être cruels. « Vingt-six ans… Putain Mase’. » L’âge le surprit, mais au moins le gosse n’était pas mineur. Au moins, son ami restait dans la légalité bien que cette différence d’âge gênait beaucoup Woojin qui n’arrivait pas à s’imaginer le même scénario pour lui-même. « T’étais déjà au collège qu’il était pas né... » Une pensée maladroite mais de laquelle le coréen n’arrivait pas à se défaire. Le but n’était pas de blesser son ami par ces mots qui avait été dit automatiquement. Pourtant, Woojin ne pouvait donner un quelconque avis. Il n’était pas en position pour le faire et ne vivait pas la situation de son ami. « Comment tu l’as rencontré ? » Il continuait de poser ses questions, comme pour lui montrer qu’il ne lui tournerait pas le dos maintenant qu’il avait ces informations. Bien trop curieux, il continua jusqu’à demander comment il s’en était rendu compte, à quel moment s’était-il dit qu’il pouvait mettre en l’air sa vie pour ce garçon. « Merde… Mase’ t’es vraiment amoureux. » Comme s’il n’y croyait pas jusqu’à maintenant, comme si Woojin restait dans le déni malgré tout. Il avait besoin d’une pause, d’enregistrer toutes ces informations alors le père sirota en silence sa boisson, le regard perdu sur un point invisible. Que ferait-il dans cette situation ? Osait-il même y penser ? Il savait pertinemment que Wonsik passait avant tout, que son bonheur était la seule raison qui poussait le père à avancer dans la vie. Puis, jamais il ne s’était posé la question de savoir s’il pouvait être attiré par les hommes, ayant toujours connu sa femme. Il se souvenait cependant des insultes homophobes de son enfance. Parce qu’il aimait la mode, qu’il avait des gestes et manies plus féminines. « Je ne sais pas quoi te dire Mase’. » Il reposa sa boisson avant d’observer son ami. « Mais cette situation te met mal, je le vois. » Puis une nouvelle question, qu’il tenta. « Est-ce que ce… garçon… Est-ce qu’il t’aime aussi ? » Car pourquoi est-ce que son ami passerait par tant de souffrance si c’était pour un sentiment qui n’était même pas réciproque.

Il se serait vexé de ces réflexions si elles étaient venues de quelqu’un d’autre. Mais la maladresse de son meilleur ami n’était dû qu’au choc. Il le comprenait, ne sait comment il aurait pu réagir si la situation avait été inversé comme cela l’était pour Woo Jin. Homme veuf, hétéro, père d’un petit garçon qui était toute sa vie … Comment pouvait-on avoir tant de vies différentes. Lui qui avait perdu l’amour de sa vie voyait son meilleur ami gâcher son mariage pour un garçon. Mais l’amour est libre, se moque des normes et des conventions. Il frappe là où il sait être le plus fort et jamais Mason, jamais Mason n’avait aimé autant qu’il aimait Nova. Et c’est dans ces longs mois de relations secrètes qu’il réalisait à quel point il lui serait bien impossible de vivre heureux après la mort de Nova. Terrible amant condamné, il n’aurait plus que ses enfants pour se raccroché à la vie et cette idée l’angoissait, lui donnait envie de se jeter dans les bras de Nova et de ne jamais, jamais, le quitter … « Dans un bar comme celui-ci … » dit-il en faisant tourner sa tasse entre ses doigts. « Celui de l’hôtel de luxe. Je le trouve plus calme et discret. » souffle-t-il en repensant à cette soirée. « Il s’est assis à côté de moi, on a discuté, pas longtemps je dois bien avouer … » le bruit de faïence que fait sa cuillère traçant des ronds dans le noir du café ponctue son discours. « Je pensais ne faire de lui que l’histoire d’une nuit … puis je l’ai revu. Une fois puis deux fois … et … » il esquisse un sourire triste en haussant les épaules « puis beaucoup trop de fois pour réussir à toutes les compter … » le sexe avait laissé place à une certaine addiction, puis à un besoin, un manque constant quand il n’était pas là … Et Mason s’était couché un soir au côté de sa femme en réalisant qu’il ne supportait plus ce mensonge. La compassion de son meilleur ami lui faisait du bien malgré tout, elle lui ôtait cette sensation d’être pleinement un monstre … Il secoue la tête un instant et se prend le visage dans les paumes. Quel bordel … il détestait cette situation mais ne voulait la changer pour rien au monde au risque de perdre ce qu’il avait malgré tout … triste était de constaté que seule sa femme était la chose qu’il ne craignait pas de perdre … « y a rien à dire de toute façon … » murmure-t-il en déglutissant. L’émotion pouvait se lire sur son visage et ses yeux rougissaient dangereusement sans pour autant qu’une larme ne lui monte aux yeux. Tournant son visage vers lui, il fixait, le cœur déchiré, Woo Jin et souffla « Plus que tout … » même si les deux amants ne se l’étaient jamais encore dit. Mason le devinait, dans la façon qu’avait Nova de le repousser et de pleurer de rage et de colère … toutes ces nuits qu’il passait à dormir sur le canapé de son bureau alors que Mason bossait sur ses enquêtes et ses rapports. Nova lui tournait toujours hostilement le dos mais … il l’aimait au point d’avoir mal de leur situation … alors oui Mason savait, savait que ce gosse l’aimait plus que tout … « Nova … Il s’appelle Nova. » murmure-t-il réalisant qu’il ne lui avait toujours pas dit son prénom.

La gorge serrée, silencieux, Woojin écoutait son ami. Il avait posé les questions, avait éprouvé le besoin de donner son point de vue d’une manière qui pouvait semblait bien cruelle. C’était son ami, il connaissait la réalité des choses, la vision que pouvait avoir la société sur cette situation. C’était compliqué, bien trop compliqué et quelqu’un allait forcément souffrir lorsque le bout du tunnel serait atteint. Le fleuriste était inquiet pour son ami, il savait qu’il serait de ceux qui allaient souffrir le plus. Il avait tout à perdre, et bien plus encore. C’était injuste, comme relations. C’était tellement injuste et cruel que Woojin avait envie de tenter de retirer son ami de cette situation, de cet amour. Mais ça serait lui faire du mal. Les mots du plus âgé des deux, ses expressions, sa peine, étaient les preuves de son mal-être dans ce bonheur qu’était censé être l’amour. Mason devait sourire, avec ses deux enfants dans les bras, heureux. Femme ou pas. Il voulait que son ami soit heureux et qu’il quitte cette situation qui ne pouvait qu’empirer les choses et briser des relations. Le seul fait de penser qu’il ne puisse plus voir ses enfants était insupportable pour Woojin qui s’imaginait dans cette situation. Certes, il avait bien failli la provoquer lui-même, en donnant Wonsik à ses beaux parents après sa naissance. C’était une erreur du passé et depuis, il ne quittait plus son fils. Mais si, lui-même rencontrait quelqu’un et se retrouvait dans cette même situation, que ferait-il ? Il ne voulait pas y penser. Le père laissa sa tête tomber en arrière et ferma les yeux. Il avait besoin de réfléchir, de savoir quoi répondre à son ami qui souffrait, de lui apporter une aide. Il savait qu’il se sentirait inutile car que pouvait-il réellement faire ? Se mêler de la vie conjugale de son ami empirerait clairement les choses. Et quand bien même il adorait Mason du fond de son cœur, il craignait que ça se répercute sur lui-même et son fils. Personne n’était au courant pour ces deux semaines qu’il avait vécu aux enfers, personne ne pouvait donc se retourner contre lui et dire qu’il ne méritait pas la garde de son fils, mais si ça venait à se savoir, c’était une autre histoire. Alors son secret il le gardait profondément caché, presque oublier bien qu’il était beaucoup trop difficile d’effacer de son esprit une telle période. « Nova. » Il répétait ce nom, comme s’il était l’interdit, comme si le prononcer rendait les choses encore plus réelles. « Un drôle de nom, il est coréen ? » Il n’avait jamais entendu ce genre de prénoms, ni en Corée, ni ailleurs. « Il est… étudiant du coup ? » Est-ce qu’à vingt-six les jeunes faisaient encore des études ? C’était tellement loin pour Woojin qu’il ne savait plus. Le père essayait de poser des questions, de comprendre son ami et de revenir sur une conversation normale, qui lui montrerait que malgré sa réaction plus tôt, il comprenait bien que ce n’était pas toujours des choix faciles. « Vous arrivez à vous voir souvent ? »