— « Mais bon sang, où est-ce qu'il est ?! » Plantée devant ton armoire, tu laisses échapper un grognement de frustration. T'étais pourtant certaine de l'avoir sur toi, encore hier soir. Et, d'un coup, d'un seul, pouf… Il a disparu. Et t'as beau avoir retourné toute ta chambre – tes colocs vont  certainement péter un câble en revenant – impossible de remettre la main sur ton collier. Ton précieux collier. Celui que tu ne quittes jamais d'habitude, si ce n'est pour te doucher. D'ailleurs, à peine cette pensée t'a-t-elle traversé l'esprit que tu lèves de ce lit sur lequel tu avais fini par t'asseoir, complètement épuisée, et tu quittes finalement ta chambre, telle une fusée, en direction de la salle de bain. Tu es pratiquement certaine que ce n'est pas là bas que tu as perdu le bijou parce que tu te revois clairement le rattacher autour de ton cou, après être sortie de la douche. Mais tu veux en avoir le cœur totalement net alors, sans même vérifier que les douches sont vides, tu ouvres la porte à la volée et tu te mets à chercher, encore... Mais toujours rien. Aucune trace de ton collier. Et tu sens lentement les larmes te monter.

« C'est pas possible ! Il doit bien être quelque part, par ici ! J'ai pas quitté le dortoir depuis hier soir ! » Et là, finalement, ça fait tilt dans ta tête. Le salon ! Tu te rappelles y être allée, peu de temps après avoir pris ta douche. Tu n'y es pas restée bien longtemps, très peu intéressée par le film que certains de tes camarades de dortoir avaient décidé de regarder. Mais tu y as quand même passé quelques minutes. Assez pour, potentiellement, égarer ton collier. Alors, une nouvelle fois, c'est presque en courant que tu te diriges vers le grand salon. Et, par chance, celui-ci est pratiquement vide à cette heure-ci. Il y a juste ce gars, assis sur le canapé, qui mate la télé et devant lequel tu ne cesses de faire des allers/retours, tantôt t'accroupissant pour regarder si ton collier ne gît pas sur le sol, tantôt tapotant le canapé avec l'espoir d'y retrouver ton précieux. « Dis, tu peux t'lever deux s'condes ? Je cherche quelque chose et t'es sûrement assis dessus ! » Et « s'il te plaît », Min Ju, c'est pour les chiens ?

— Le sourire fin, la tête basculée en arrière, tu écoutais ta mère te raconter ses péripéties de la veille, lâchant quelques commentaires ici et là pour montrer que oui, tu écoutais. On pourrait presque croire qu'il se passait plus de choses dans sa vie que dans la tienne, vu le peu de détails sur tes journées que tu donnais. A t'écouter, t'avais pas fait grand chose, la veille. Tu avais assisté à tes cours, mangé, révisé, dormi. Journée basique de l'étudiant lambda. Journée qui ne demandait pas une trop grande énergie – et pourtant, en cet instant, tu sentais une douleur sourde dans tes muscles. Tu sentais la fatigue de l'effort trembler dans tes jambes, le poids de l'entraînement pas encore totalement soulevé ni récupéré. Tu n'avais pas précisé à ta mère que tu étais allé t'entraîner avec les ami.e.s de Sandeul. Tu savais que ça l'inquiétait alors que tu évitais de soulever le sujet au maximum. Savoir que tu n'avais pas fait grand chose semblait la rassurer alors tu t'en contentais. Bien évidemment tu lui parlais du parkour de temps en temps. Car c'était tout de même quelque chose d'important pour toi, alors tu étais obligé de le mentionner. Mais elle semblait si satisfaite des mots que tu avais prononcés que t'avais pas eu le cœur d'en rajouter. Une journée basique, le parkour en plus, les chutes en plus aussi. Tu t'étais un peu fait mal à la main mais ça allait guérir.

Et quand la conversation se termina, tu relevas la tête, fixant l'écran dans un air penaud. T'avais rien compris au film mais tant pis. De toute façon t'allais plus y comprendre grand chose vu qu'on arrêtait pas de te passer devant le nez. Les pupilles suivant curieusement la silhouette qui allait et venait, tu reconnus Min Ju, un sourire soulevant le coin de tes lèvres. « Uh », que tu lâchas au lieu de salutations comme tu aurais voulu le faire. Tu l'observas un instant, penaud, le visage penché sur le côté. « J'ai pas l'impression de m'être assis sur quelque chose », dis-tu en passant bêtement la main sous tes fesses, les décollant enfin du canapé pour te lever. Tu restas là, l'observant. Tu soulevas un coussin puis un autre, le regard filant sur le sol, à tes pieds. « Tu cherches quoi d'ailleurs ? », demandas-tu enfin, les pupilles s'égarant ici et là à la recherche d'un quelque chose dont tu ignorais tout. Tu fixas un papier que tu venais de trouver entre des coussins, l'agitant vers elle dans une question silencieuse. T'allais trouver tout et n'importe quoi mais pas ce qu'il fallait. « Tu vas bien sinon ? »

— Ce collier, tu y tiens comme à la prunelle de tes yeux... Il est l'une des dernières choses qu'il te reste de ta grand mère. Ta tendre et chère grand mère... Alors, la seule idée de l'avoir égarer te donne des sueurs froides et tu sens peu à peu ta gorge se nouer, au fur et à mesure que les secondes passent sans que tu n'arrives à remettre la main dessus. Et t'es tellement concentrée sur tes recherches, à vrai dire, que tu n'as même pas remarqué que ce garçon devant lequel tu n'arrêtes pas de passer depuis tout à l'heure - l'empêchant ainsi de suivre correctement le cours de son film - n'est autre que ton collègue de travail, Eui Joo. Et quand celui-ci finit par te répondre qu'il n'y a rien sous ses fesses, tu te contentes simplement de lâcher un soupir de désespoir, ne daignant même pas le regarder. Tu n'as qu'une seule chose en tête, actuellement. Ton collier, et seulement lui. T'es tellement focus sur lui, d'ailleurs, que tu manques presque de bousculer le jeune homme – à croire qu'il est invisible – alors que tu te mets machinalement à tapoter le canapé à l'endroit même où il était assis, quelques secondes plus tôt. Ce n'est que lorsque ce dernier te demande ce que tu cherches que tu te décides enfin à lever la tête vers lui, ton visage traduisant parfaitement la déception qui t'anime quand tu vois le morceau de papier qu'il agite sous ton nez. « Mon collier... J'ai perdu mon collier... » Et, de nouveau, te voilà en train de faire de l'endroit un véritable champ de ruines, à l'image de ta chambre quelques minutes auparavant, tandis que tu laisses tomber coussins et autres plaids à tes pieds.

Et, à te voir t'agiter comme tu le fais, il est évident que tu commences à perdre patience. Que t'es à deux doigts d'exploser... Mais ça, ton camarade Baekje ne semble malheureusement pas l'avoir remarqué et il suffit d'une question, une toute petite question, pour que tu te tournes finalement vers lui, avant de t'exclamer quelque peu agacée : « A ton avis ?! J'ai l'air d'aller bien ?! » Question rhétorique. Évidemment que tu ne vas pas bien... « T'en as encore d'autres de ce genre en stock ? Tu ne peux pas juste m'aider à chercher, au lieu de me bassiner avec tes questions idiotes ? » C'est ce qu'il est en train de faire, Min Ju... Mais toi, tu es bien trop occupée à soulever trente six mille fois les mêmes coussins pour remarquer quoique ce soit. Et alors que tu t'accroupis une énième fois pour vérifier qu'il n'y a rien sous le canapé, tu finis par siffler entre tes dents. « Je vais devenir folle... » Et ça, ce n'est vraiment pas bon...

— Le visage quelque peu penché, tu clignas doucement des paupières. Un collier. Un collier comment ? Tu supposais que c'était une question idiote : un collier était un collier. Pas vrai ? Or ou argent, chaîne épaisse ou chaîne fine, ça restait un collier. Tu ne savais pas s'il y avait un pendentif au bout cependant, et c'était ce qui faisait la différence à tes yeux. Tu n'avais rien vu dans le genre en t'installant ici mais tu aurais totalement pu passer à côté s'il était discret, fin et élégant. T'étais pas le genre à soulever le coussin avant de t'asseoir, et peut-être devrais-tu commencer à le faire ? Tu observais Min Ju en silence, les pupilles brillantes, comme un chiot qui patientait dans son coin avant de t'activer. Elle paraissait plutôt agitée, et tu te mis à fouiller à ton tour pour tenter de l'aider. Même si tu ne savais toujours pas à quoi ressembler le collier. Certainement pas à ce morceau de papier que tu tenais entre les doigts, déjà. Tu supposais bêtement qu'en cherchant vous pourriez faire un peu la conversation, pensant bêtement que ça pourrait la détendre.

Mais apparemment pas. Tu eus un léger sursaut, le visage se redressant d'un coup, les yeux quelque peu écarquillés alors que tu arrêtais tes mouvements. Tes pupilles sur elle, tu l'observas un instant avant de le dévier maladroitement. Tu ouvris la bouche pour finalement la refermer, te pinçant les lèvres alors que tu l'écoutais. « Pardon », soufflas-tu lentement, ton regard tombant sur sa silhouette alors que tu la regardais faire sans rien dire. Tu fis brièvement la moue, comme un môme qu'on venait de gronder avant de retrousser le nez dans une hésitation légère. « Tu es sûre de l'avoir perdu ici ? », tentas-tu, ayant du mal à définir si la question était bête ou non – selon toi, elle était logique mais... « Je vais t'aider, on va le retrouver », assuras-tu dans un mouvement du visage, ayant déjà oublié ce qu'elle venait de te dire. Pas que tu ne l'aies pas pris à cœur ou quoi que ce soit – mais tu avais bien remarqué qu'elle était agacée. T'étais pas du genre à t'arrêter là-dessus pour en vouloir à quelqu'un. Il t'en fallait plus – beaucoup plus, même. « Tu étais où la dernière fois que tu le portais ? On a qu'à faire le chemin que tu as fait dans le sens inverse et peut-être qu'on le retrouvera », proposas-tu, soulevant quelques livres et déplaçant faiblement un meuble. « Si quelque chose est perdu ça veut dire qu'on peut le retrouver, donc t'inquiète pas, on va le retrouver. Je suis sûr qu'il est tout près, c'est toujours comme ça », tu te tournas vers elle, une esquisse aux lèvres.

— T'es pas quelqu'un de méchant, Min Ju. Pas foncièrement, en tout cas... Cependant, ta famille le sait, et toux ceux qui te côtoient au quotidien le savent aussi : il t'arrive parfois de « péter un plomb ». Et dans ces moments là, ces moments où tu laisses ce tempérament un peu trop sanguin prendre le dessus, il n'est pas exclu que la personne en face en prenne plein la tête. Souvent à raison, car en général tu ne te mets pas dans tous tes états contre n'importe qui. Il faut quand même te chercher un minimum pour réveiller la bête en toi... Mais ce n'est pas tout le temps le cas et, à de plus rares occasions, il t'arrive alors de passer tes nerfs sur des individus qui n'ont absolument rien fait, à part se trouver au mauvais endroit au mauvais moment... Évidemment, tu le regrettes ensuite ! Quand tout finit par se tasser, tu te dis que tu n'aurais pas dû réagir comme tu l'as fait. Mais, sur le moment, tu es juste complètement aveuglée. Et malheureusement, aujourd'hui, c'est Eui Joo qui en fait les frais...

Pauvre Eui Joo. Tu ne voulais pas lui crier dessus. Ou même le blesser... Parce que t'as bien senti, à son regard et à sa moue toute renfrognée, que tes paroles l'ont touché. Mais c'était plus fort que toi. Tu as laissé toute ta frustration, tout cet agacement et aussi un peu d'appréhension à l'idée de ne pas réussir à remettre la main sur ton précieux collier s'exprimer, et c'est ressorti comme ça. Tel un boulet de canon...

Et pourtant, même si tu sais que tu y es allée un peu trop fort, tu ne t'excuses pas, Min Ju. Pas tout de suite, du moins... Parce que ton collier est la seule chose qui occupe tes pensées, dans l'immédiat, et alors que tu te détournes du jeune homme, reprenant ainsi tes recherches, sa question t'arrache un nouveau soupir. Si tu es sûre de l'avoir perdu ici ? « Si seulement je pouvais en être sûre... » Et c'est finalement la seule réponse à laquelle il aura droit, tandis que tu t'emploies de nouveau à scruter sous le canapé, balayant le sol – et la poussière – de ton bras dans l'espoir de sentir quelque chose qui pourrait ressembler de près ou de loin à ton bijou. Des efforts qui s'avèrent complètement vains, une fois de plus. « Mais j'ai déjà regardé dans la salle de bain ! Et dans ma chambre, aussi ! J'ai absolument tout retourné, dans toutes les pièces où je me rappelle être passée, mais impossible de mettre la main dessus... » que tu t'exclames alors en te redressant, quand le jeune homme te suggère de revenir sur tes pas pour tenter de retrouver ton bien. Et tu sais que Eui Joo veut bien faire. Mais t'es désespérée, Min Ju. Complètement désespérée. Alors, dans un excès de rage – et malgré l'optimisme dont tente de faire preuve ton camarade – tu attrapes un coussin qui traînait par là, non pas pour te déchaîner dessus, mais pour enfouir ta tête dedans et crier à plein poumons. Ta façon à toi d'extérioriser. Encore faudrait-il que cela fonctionne, car lorsque tu te décides enfin à dégager ta tête du coussin, ce n'est pas une Min Ju apaisée que l'on découvre mais une Min Ju dont les larmes menacent sincèrement de couler. « C'est ma grand mère qui me l'a offert... Je n'ai pas le droit de le perdre... » Non, tu n'en as pas le droit...