Tu pris une bouchée, mâchant tranquillement, les pupilles contemplant le visage de ton meilleur ami, dessinant chaque trait. Et c'était comme si tu attendais – le bon moment, la bonne seconde. Tu savais que le timing parfait n'existait pas, pourtant. Tu savais que ça ne servait à rien d'attendre. Ne disait-on pas qu'il fallait arracher le pansement d'un coup ? Cela dit ce n'était pas comme si l'annonce était si grave ou urgente que ça. Le plus grave était passé, d'après toi : tu étais mariée. Et à chaque fois que la pensée te traversait l'esprit t'en restais tout aussi choquée que la première fois en le découvrant. Ca te paraissait étrange, une situation inconnue. Mais c'était vrai, tu étais marié. Par chance t'avais pas dit oui à n'importe qui – enfin si, mais pas au pire homme sur terre non plus. Youngjae était drôle et gentil et le contact passait bien. Heureusement. Sinon l'idée serait un vrai calvaire. « Tu te souviens de mon mariage ? », articulas-tu alors, calmement, lentement. Comment oublier cela dit ? La nouvelle était tombée comme un cheveu sur la soupe. Même si tu l'avais dit et dit et dit ça te paraissait toujours étrange d'articuler ces paroles. Tu inspiras, reprenant une bouchée, prenant le temps de mâcher, le laissant dans le flou et le silence quelques secondes. « On peut pas divorcer », annonças-tu doucement, libérant un faible souffle avant de reprendre une autre bouchée, les pupilles détaillant une nouvelle fois son visage, lui laissant le temps d'avaler ce que tu venais de dire. Et peut-être que t'aurais dû le dire après le repas – t'avais le don d'annoncer les choses de cette façon. « On a demandé et on peut pas », rajoutas-tu en levant les épaules.  

Rohan mangeait tranquillement son repas en compagnie de sa meilleure amie. Ça faisait longtemps qu’ils n’avaient pas dîné ensemble et ils pouvaient enfin profiter d’une soirée, toute tranquille, chez la jeune femme. Bien qu’il adorait sa fille de tout son cœur, elle se montrait par moment réellement épuisante. Le professeur avait besoin de souffler et il profitait de ne pas avoir Jaeyun cette semaine pour partager ce repas avec Sunhee. A sa question soudaine, le jeune homme releva la tête, fronçant les sourcils. « Bien évidemment. Comment je pourrais oublier ? » Demanda-t-il. Comment oublier cette folie, hein ? Il se demandait toujours ce qui avait traversé leurs esprits, ce jour-là. Pas grand-chose, à vrai dire. Heureusement, si on pouvait dire ça, son mari n’était pas un idiot grossier. C’était déjà ça… Rohan la regarda, attendant la suite, s’impatientant. Devait-elle autant mettre de suspens ? Elle ne tenait vraiment pas à son petit cœur fragile, franchement. « Pardon ? » Dit-il, abasourdi, écarquillant les yeux. Il la regarda avec des soucoupes à la place des yeux, clignant des paupières. « Comment ça ? » Demanda-t-il, posant ses baguettes sur le côté. « Et pourquoi vous pouvez pas ? » Questionna-t-il. « C’est quoi la raison ? Depuis quand on peut pas divorcer ? Surtout que, vous le voulez tous les deux, non ? C’est stupide ! » S’exclama-t-il, n’en croyant pas ses oreilles. Alors, déjà qu’il avait eu du mal à comprendre et accepter qu’elle s’était mariée avec un parfait inconnu… Maintenant, elle lui disait qu’elle ne pouvait pas divorcer de ce parfait inconnu plus si inconnu ? Mais c’était quoi ce délire ?!

« Parce qu'on peut pas », que tu dis comme si ça expliquait tout, reprenant une autre bouchée encore, prenant le temps de mastiquer alors que tu l'écoutais paniquer comme toi t'avais paniqué. « On s'est levés un matin et on a remarqué qu'on ne voulait plus divorce. L'amour brille sous les néons de Vegas, tout ça », tu balayas le rêve d'un geste de la main, sourire mutin accroché aux lèvres avant de mimer une petite grimace, reprenant une bouchée comme pour te réconforter. « On doit retourner là-bas pour que le divorce soit accepté. Ils peuvent rien faire ici, on est allés à la mairie, on a demandé », que tu vins lui expliquer plus sérieusement à présent, les pupilles vers lui alors que tu avalais encore une bouchée. « C'est dingue hein », de plus en plus farfelu cette histoire. « Je dois retourner voir Elvis pour faire annuler le mariage », et ta paume vint quelque peu frapper la table dans une frimousse agacée. « Mais c'était de sa faute aussi !! Pourquoi il a accepté de nous marier il aurait pu dire non mais je suis sûre qu'il est payé au mariage qu'il prononce », tu soufflas bruyamment, reprenant une bouchée, les sourcils froncés. « J'ai pas l'argent pour retourner à Vegas juste pour faire annuler mon mariage », tu regardais ta nourriture, silencieuse un instant, immobile, avant de prendre encore une bouchée, pour te réconforter à nouveau. « Un conseil : ne jamais se marier à Vegas », quel beau conseil tu donnais là. « J'ai pas dit oui au pire, heureusement. Mais c'est gênant tout de même », rien n'avait été fait dans l'ordre. Pas que tu comptais réellement l'épouser mais... bref. « T'as encore faim ? », osas-tu demander en désignant ses couverts avant d'aller te servir une seconde fois. 

Rohan n’en croyait pas ses oreilles. Comment ça, ils ne pouvaient pas divorcer ? C’était interdit ? à sa connaissance, non, alors pourquoi ? Le jeune homme attendait une réponse à sa question. Mais Sunhee ne la lui donna pas tout de suite. Elle s’amusait mais ça ne faisait pas vraiment rire le professeur qui fronça les sourcils. « Ne te moque pas de moi, Sunhee. » Dit-il, l’air sévère. Il n’y avait vraiment rien d’amusant là-dedans. Même si, il fallait l’avouer, Rohan préférait qu’elle prenne tout ça avec légèreté plutôt qu’avec angoisse. « Ça ne m’étonne pas. Vous vous êtes mariés aux Etats-Unis, pas ici. Ils n’ont aucun droit sur ce mariage. » Répondit-il, comprenant parfaitement pourquoi. Mais ils pouvaient y retourner, non ? Le professeur voulut le lui dire mais Sunhee reprit la parole. Il la laissa parler, à l’écoute, et hochant la tête pour appuyer ses propos. « Sacrément dingue, oui… » Souffla-t-il, mangeant une bouchée de son plat. Maintenant que la surprise était passée, il s’autorisait à manger (la crainte de s’étouffer était quand même encore un peu présente…). « Hm… Ce n’est pas lui qui a trop bu… » Dit-il avec une petite moue. Tout mettre sur le dos d’Elvis, ce n’était pas très joli quand même. Même si, oui, elle avait sûrement raison : il devait être payé au nombre de mariage. « Et lui ? Il n’a pas d’argent non plus ? » Demanda-t-il, reprenant une bouchée. « Je note le conseil. » Dit-il, se retenant de lui en retourner un, qui était de ne pas se marier tout court. « Heureusement mais bon… C’est pas terrible comme situation. » Admit-il en la regardant, posant ses couverts. « Non, non, ça ira pour moi. » Dit-il en secouant brièvement la main. Il la passa sur son visage, soupirant face à cette situation… grotesque. « Vous allez faire quoi ? » Demanda-t-il. « Tu peux pas rester mariée à cet homme quand même… ? »