La lune qui laissait ses empreintes blanches sur la fenêtre, sur le sol, mon visage. C’était un peu comme la marque, que lui avait laissé. Ce rayon qui pourfend l’obscurité, jusqu’à éclairer un peu mes yeux et mon coeur. Kan c’était aussi ces pas laissés sur le goudron, c’est les rires de fous qui vous réveillent en plein milieu de la nuit. Le froid de l’hiver, la violence du coeur et les maux de l’être. Ca pouvait être tout et n’importe quoi, mais c’était lui. Il aurait pu être n’importe quoi, c’est lui de toute manière. On m’a dit de courir, on m’a dit que ce n’était pas pour moi. J’ai fini par le penser aussi. Mais Kan c’est aussi les draps blancs, souillés par nos tortures. Ces murs sur lesquels on a peint quelques unes de nos passions. C’est ce silence dans lequel j’ai plongé mes cris, ces nuits calmes où il a décidé de tout foutre en l’air.
Non, tous les deux, nous n’étions pas que cette lettre qui se cache dans un sombre recoin poussiéreux. Nous avions écrit notre histoire, les pages en sont noir d’ancre. Aussi noir que le sang qui devait couler en mes veines maintenant. J’ai longtemps songé à la foutre à la poubelle, à m’en débarrasser, persuadée qu’on ne pouvait rien tirer de bons de ces pages pleines de rayures. On a débordé, beaucoup. Mais je me dis aujourd’hui, maintenant qu’il est là, que ça serait une bêtise. Pourquoi ne pas continuer cette histoire, chancer ce point en virgule ?


Je ne peux pas vivre en faisant comme si. Comme si de rien ne s’était passé, comme si je ne savais rien, comme si j’avais toujours été bien. Comme si.

Je sens son corps se rapprocher un peu plus et ces yeux, aussi clair que le plus beaux des ciels, accrochent les miens. Captivée, plongée dans la pureté de ce regard que j’ai trouvé si blessé ( blessant ?) hier. Chacun de ses membres se crispent je peux le sentir et le ressentir. Une main glisse sur sa joue, puis sa mâchoire que je caresse avec la plus infime des douceurs, alors qu’il balbutie quelques mots au sujet de la fameuse lettre. Je hoche la tête lentement de gauche à droite sans ciller du regard. Je sais que t’as peur. Mais moi j’ai pas peur. T’es pas tout seul. Je ne répondis rien, il savait maintenant. Il savait tout. Il n’y a rien à rajouter. Et le silence que je laisse entre nous est grisant.

Ou peut-être que si.
“ Je suis heureuse de t’avoir à nouveau près de moi.” ai-je sorti avec difficulté.


Peut-être que des tas de spécialistes diraient que je fais une bêtise. Que ce ne sont pas des mots à dire, ou bien encore que je suis une menteuse. Que je me voile la face et j’en passe.
Mais j’ai envie de nous laisser croire aussi longtemps que possible que nous faisons quelque chose de bien.

Ma main remonte légèrement dans sa chevelure, avant que l’autre se pose elle aussi sur sa mâchoire. Je me penche légèrement et pose mes lèvres sur les siennes un moment, avant de le regarder à nouveau sans rien dire.

Et la lune nous éclairait encore de cette lumière bienveillante, alors que l’obscurité nous protégeait du reste.

Sa peau douce sous mes doigts, c'est comme si je la découvre pour la première fois. c'est comme si ce soir, j'avais enfin vraiment ouvert les yeux, comme si j'avais fait l'effort de sentir la vie autour de moi. Et ses yeux, c'est un océan même si ils sont aussi noirs que la nuit, que ses cheveux ébènes, que notre sang qui fait qu'un tour. Et puis ses doigts sur ma joue, mon cou, mon coeur et puis dans mes cheveux, et ses mots-mirages qui se perdent entre nous deux, je les happent, les écoute, les entend, essais de comprendre et surtout surtout d'accepter, parce que moi tout ça, j'sais pas faire j'ai jamais trop su.

J'ai blessé trop de monde,
tué à coup d'mots, de maux.

Mais, et si c'était mon espoir ? Et si boja devant moi, elle dessinait un nouveau chemin, autre que celui qui me menait droit en enfer, comme j'pensait, comme j'croyait que c'était mon destin, ma putain de destinée. crever là entre trois flammes, deux veines éclatés et du sang au coin de la bouche. J'ai toujours cru que j'crèverais dans l'mal. Et si Boja me donnait la possibilité... d'y arriver ? J'sais qu'au fond de moi y'as de l'espoir, un peu, des mots doux qu'aimeraient vraiment vouloir dire quelque chose.

Alors son baiser, je le prend, j'essais de détendre ma mâchoire, de caresser sa joue du bout des doigts. Elle est douce, peut-être trop douce pour moi. Et si c'était ça mon remède? Et si c'était elle ? Comment elle pourrait me comprendre, me pardonner m'accepter ? J'la regarde, après ce baiser, je la regarde vraiment, et j'murmure parce que ma voix est trop cassée. « tu me pardonnes ? J'peux avoir encore une chance? » Je relève doucement la tête pour embrasser son front avant de refermer mes bras autour d'elle, la coller à moi, sentir sa chaleur contre mon corps froid, mon cuir qu'emballe mon coeur de peur qu'il casse complètement. « t'sais j'suis content d'te voir. vraiment. » ça sonne bizarre quand ça sort de ma bouche mais c'est réeel pourtant, bien réel. Boja, pardonne moi, juste encore une fois.

Elle fixe ces lèvres roses qui se détachent des siennes, avec une tendresse qu'elle ne lui reconnut guère. Kan c'était la plaisante sauvagerie, pris par la violence et les gestes abruptes. C'était aussi ces répliques tranchantes, mais dîtes avec tellement d'insouciance. Ses regards sont agressifs, et le moindre de ses sourires peut heurter la sensibilité d'autrui. Alors quand la jolie brune le voit presque tremblant – et pas de froid – à l'enlacer, la serrer contre lui, elle ne peut s'empêcher de retenir un sourire sincère. Bien que fort déstabilisant. Comme à peu près tout chez elle. Des mimiques énigmatiques, des gestes moins abruptes que lui, mais abruptes quand même. Malgré la personne qu'elle avait pu devenir en son absence, rien ne lui avait ôté cette douceur qui lui est propre, cette douceur naturelle. Et rien n'avait détruit ce sentiment étrange et frustrant, qu'elle éprouvait pour le jeune occidental.

Ses mains, vernis d'un rouge profond, prennent le visage blanchâtre de son cher amant. Puis elle l'embrassa à plusieurs reprise en guise de réponse. Sa bouche piqua la sienne, puis au fur et à mesure, elle se fit plus tendre et plus passionnée. Son corps entier se meut, et ses formes épousent celles du jeune homme. Le froid qui semblait lui piquer le visage il y a plusieurs minutes de cela, laissa place à une chaleur unique, capable de consumer n'importe quel être. Un sourire malicieux se niche quelque part sur son beau visage, et elle rit tout bas. Très bas, comme si elle seule pouvait s'entendre.


Les aboiements des chiens se rapprochaient, s'éloignaient, alors qu'il gambadaient sur le terrain. Et la muse, voulut partir d'ici. D'abord, l'idée de prendre une douche et de se retrouver réellement au chaud ne lui déplaisait pas. Ensuite, surtout, elle voulait se sentir plus proche de Kan, entre quatre murs. Car cette lune qui les narguait, spectatrice de leur retrouvailles, réussissait cependant à rendre ce moment moins intime, moins eux.
« Tu.. veux.v-veux venir à la maison ? » bégaya-t-elle fortement en posant son menton sur son torse . Maintenant elle avait un chez elle, depuis qu'elle avait quitté la fac et depuis qu'elle enseignait dans ce lycée pour sourd et malentendant, elle pouvait enfin jouir d'un espace personnel. De ses propres allers venus, de ses propres silences. Et allait pouvoir jouir de l'exclusive présence de Kan, à ses côtés.

Ces mains, sa bouche, ses sourires, ses yeux ses regards, tout chez elle est unique. Kan, il a jamais vu ça chez n'importe qui d'autre. tout est différent chez elle, au point qu'il est happé par tout c'quelle fait ce soir. I's'dit qu'il a été aveugle, qu'il aurait du s'en rendre compte tout de suite, qu'il aurait pu guérir d'puis longtemps, des mois voir peut-être plus si il avait regardé autour de lui. I's'dit qu'il est con.

Mais elle à accepté d'lui donné une dernière chance, d'y arriver, de décoller.
Et par ses baisers, son corps, sa chaleur, elle se fraye un chemin tout droit jusqu'à son coeur, qu'elle essais en vain de réchauffer depuis le début. Peut-être que ça commence ce soir, c'est bien ce qu'il se dit Kan, qu'il à le droit d'y croire. Alors c'est vrai que le chemin est long, mais en serrant bo ja entre ses doigts, entre ses bras, il a envie d'croire qu'il peut y arriver. Il oublie un peu tout, il s'perd dans ses pensées vagues, dans ses yeux ébènes aussi. an se laisse porter, la laisse guider se laisse envouter. Par sa sauvagerie douce, par ses mains et sa chaleur. Par ses mots. Kan, il pose sa tête contre la sienne en la serrant contre lui, regardant l'herbe sans vraiment la fixer vraiment. Kan baissa la tête, dégageant un peu une mèche de son visage du bout des doigts, la regardant avec un p'tit sourire étonné. « Ok. » Il embrassa son front avec c'qu'il pense douceur, c'qui est en vrai un peu brusque, mais c'est pas sa faute il sait pas trop faire. « tu veux qu'on pose les chiens avant? » Elle hoche simplement la tête et alors qu'ils marchent en silence vers le kurss, les chiens continuant à gambader sur leur terrain préféré, la rue, elle fend la nuit de ses paroles toutes nouvelles.  « Et récupérer la lettre. » Kan, tout ce qu'il répond c'est un p'tit rire cassé, passant son bras autour de ses épaules pour l'attirer vers lui. c'est facile ce soir, un peu, c'est presque innocent, si c'était pas eux deux.

Ils marchent jusqu'au kurss, puis marchent jusqu'à chez bo ja, dans un presque silence. Kan, ça lui fait du bien, ça lui permet de la retrouver doucement. Sur le chemin, il fume trois clopes au moins.