[LOOK] AT [ME] J’encaissais ses mots comme des coups. Je crois même que j’aurais préféré. La douleur physique était plus facile à supporter que la douleur du cœur. Je ravalais mes larmes et le regardais partir. « Ne me dis pas que je dois te plaindre Rei. » Soufflais-je douloureusement en le voyant disparaitre dans le club. La violence ses propos étaient rudes. Il n’avait pas la moindre idée de la sensation qui me crevait le cœur. La solitude. La peur. L’horreur. La pression. Le manque. Il ne comprenait pas à quel point j’étais brisée. Il ne me voyait qu’en trainée, en pute, en fille moins que rien dont personne ne voulait. Il ne cherchait pas à comprendre, s’enfermant dans sa propre colère, dans sa propre amertume, s’enfermant dans son monde, en tête à tête avec ses propre démons. Et moi je le suivais du regard. Il venait de me faire crever à coups de mots. Je me mets à sourire tristement. Mes joues sont sèches et mon cœur pleure. J’avance en silence dans cette allée. J’hèle un taxi qui me demande si tout va bien. Je souris, j’assure que oui et lui donne mon adresse. Il me dépose, encore intrigué par ma présence. Je le paye et à cet instant Rei est loin derrière moi. J’aimerais pouvoir dire que je l’ai oublié mais il est là, sa voix qui résonne comme un coup au cœur, celui de trop. Je vacille, entre dans cet appartement froid et sans vie. Je referme la porte et m’y adosse douloureusement. J’éclate en sanglot et sors mon téléphone. Ce soir plus que jamais j’ai besoin de ma maman. Je l’appelle, et qu’importe le décalage horaire je l’appelle encore et encore jusqu’à entendre sa voix … « Maman … » soufflais-je en chinois, la voix cassée et les sanglots coincés dans la gorge. « J’en peux plus … je veux rentrer à la maison … » je gémissais à présent. J’étais fatiguée, à bout, j’étais triste, ma vie n’avait aucun sens et je n’arrivais plus à tenir. J’entends ma mère qui se met à pleurer au téléphone « Tu sais bien que tu ne peux pas ma chérie … reste forte … maman va venir te voir la semaine prochaine tu veux ? Je te ferais à manger, du riz frit comme tu aimes … Maman va prendre soin de toi mon bébé … mais il faut que tu restes forte encore un peu … » j’éclate en sanglot, chouinant ma douleur comme une enfant « Jusqu’à quand … ? Jusqu’à quand est ce que je devrais supporter ça maman ? » Son souffle se fait court « Encore un peu ma fille … encore un peu … je suis désolée je dois te laisser ton père va se réveiller … je t’aime fort … maman va venir bientôt … » Le silence qui suivit ses mots fini de m’achever. Je n’ai pas eu la force d’aller dans mon lit avant un moment. Puis doucement la vit à reprit son cours. Elle n’est jamais venue. Et j’ai oublié à quel point, cette nuit-là, j’étais mal. J’ai retrouvé mon sourire faux et mes airs de grandes dames. J’ai retrouvé mes gestes d’automates et j’ai continué de croire que ça … c’était une vie.