Affalé sur le canapé de leur salon, les pieds dépassant de l'accoudoir, le syrien fit tourner entre ses doigts sa trouvaille nouvelle avec un intérêt non feint. Les pupilles dilatées par l'excitation enfantine, la courbe narquoise définissant ses lippes, il tendit les bras au dessus de son visage pour porter la chose à son regard sous tous les angles. « Ah bah. Parfait. » Dubitatif en dépit de son sourire, le président captura sa lèvre inférieure entre ses dents pour la tirailler de mordillons indolores. Éclata finalement de rire, la tête cognant la bordure du divan. Puis saisit aussitôt son portable, tant pour immortaliser l'instant d'une photo méritée, que pour prévenir la propriétaire de l'objet égaré. Taz n'avait jamais prêté attention aux objets qui meublaient ou décoraient la chambre de l'adolescente, son attention toute entière captive d'elle seule ; pas un seul instant, il ne s'était douté de l'existence de cette... chose vieillie. Une aubaine pour lui, qu'elle l'ait oublié sur le canapé ; une aubaine pour lui, de savoir reconnaître son odeur entre milles pour en avoir secrètement mémorisé toutes les effluves. Ça n'était pas grand chose au fond, que ce qu'il tenait entre ses doigts blancs, pourtant, ça lui semblait aussi important que le monde. Parce que c'était à elle, tout simplement.
Lei avait une peluche, et sous ses airs d'enfant moqueur, sous cette opportunité de rire de son sort, Tasyr se surprit à trouver ça inexplicablement touchant.  
Et lorsque le temps trop long qui le séparait de la No fut comblé par ses pas légers sur le sol, il ne bougea pas pour autant, élevant simplement le bras en hauteur pour exposer sa prise. Le sourire joyeux au bord des lèvres, le feu de la tendresse dansant dans ses orbes avec l'amusement le plus enfantin. « J'savais pas que t'avais encore ce genre de choses. Ça fait vachement bébé, tu trouves pas ? Et après, tu veux que j'te vois comme une femme ? » Le gamin arqua un sourcil pour appuyer ses mots, et ricana de nouveau. Mais sous ses airs d'idiot, il ne se savait pas maladroit dans l'atteinte de son objectif. Sous ses airs ignobles, tout ce qu'il voulait, c'était attirer toute son attention sur sa personne.

La chambre est dans le même état que la fée ; sens dessus-dessous, complètement retournée sous des recherches effrénées qui perdurent depuis bientôt une heure. Le précieux de la gamine a disparu : Neiko, son chat-peluche, le plus vieil ami de la No. Celui ayant séché toute ses larmes, parfois même le mucus déboulant de ses narines lorsqu’elle n’avait plus de mouchoirs à portée de main. Elle a envoyé un message à Nuo, les doigts presque tremblants sur la panique. « Est-ce que j’ai oublié Neiko à la maison ? » une réponse négative ne faisant que renforcer son anxiété, elle a à peine le temps de poser son téléphone pour retourner aux recherches qu’il vibre dans ses mains. Et le prénom qui s’affiche à l’écran ne parvient même pas à la faire sourire bêtement, elle lit le message précautionneusement sans vraiment faire de rapprochement. Un soupir brumeux s’émane d’entre ses lèvres rongées par le stress alors qu’elle tourne les talons pour sortir de la chambre, obéissant au mystérieux message sans prendre le temps d’y répondre.
« Bon, j’suis vraiment pas d’humeur à… » les yeux et le cœur se serrent. Elle se tient là, au milieu du salon diapré, le regard vaguant entre deux amis. Et les orbes se seraient illuminés, les lèvres auraient pu s’étirer sous l’apaisement, et Lei lui aurait sauté au cou, s’il lui en avait laissé le temps.
A la place, les vilaines perles salissent ses yeux, larmes faciles, toujours trop faciles qu’elle essaye d’étouffer pour ne pas donner raison aux dures paroles du voleur. Poupée sans arrêt humiliée sous les mots maladroits du syrien, ignorant de tout l’attachement qu’elle porte au morceau de tissu. Cadeau de papa auquel elle s’accroche comme un lointain souvenir qu’elle ne veut pas laisser filer. Elle s’approche de lui d’un pas dur mais incertain, les traits crispés sous la colère, la tristesse, l’humiliation ; les émotions négatives que le gamin semble prendre plaisir à lui transmettre. Elle lève les bras en sautillant pour tenter d’attraper la poupée, reniflant les larmes coquines qui menacent de s’échapper. « Rend-la moi ! T’es vraiment trop bête quand tu t’y mets ! »

Je levai doucement la tête vers le bâtiment imposant des gumiho. J'y venais tellement peu souvent qu'une sorte d'anxiété avait germé dans mon coeur, et des millions de papillons volaient dans mon ventre. J'entrais en territoire ennemi, ou alors en territoire allié. Je n'en savais trop rien. Il était vrai qu'ensemble, pyobeom et gumiho unis, on avait mené une attaque massive sur les autres fraternités. Je regardai autour de moi. Bon, au moins il n'y avait personne dans le coin. Je fis un pas vers la porte, avant d'y sonner. Un gumiho vint m'accueillir sans réellement se rendre compte que j'étais un pyobeom. Après tout, la fraternité ne pouvait pas tout définir, pas vrai ? Il y avait beaucoup de personnes que j'appréciais chez les bleus. Dont le président des gumiho, Hwang Tasyr. C'était lui d'ailleurs que je venais trouver un peu l'improviste, je devais l'avouer. Depuis la dernière fois où il avait fait appel à mes conseils pour se rapprocher de la petite No Lei, je n'avais pas eu de nouvelle. Moi qui lui avais même demandé explicitement de me faire un gâteau avec Lei pour qu'ils puissent se rapprocher, et bah je pouvais toujours attendre hein ! Je m'introduisis donc dans le dortoir, jugeant un instant le décor. C'était réellement différent des pyobeom, mais je n'étais pas ici pour faire de comparaison. Je jetai des coups d'oeil à travers les différentes pièces du rez-de-chaussée dans l'espoir de trouver le Syrien. Je voulais vraiment qu'il ne se trouve pas à l'étage, ou alors ma jambe ne me le permettrait jamais, j'en étais sûr. En entendant la voix cristalline de Lei s'élever près du salon commun des bleus, je compris que j'y trouverais forcément Tasyr. Je marchai, toujours avec cette allure de boiteux qui me caractérisait désormais, vers le duo d'amoureux transis mais trop niais pour voir la vérité en face. Je me trouvais derrière Tasyr qui faisait exprès de lever une peluche pour empêcher l'innocente Lei de la récupérer. J'étais perplexe. C'était ça, sa façon de faire pour conquérir son coeur ? J'accélérai le pas pour le surprendre, lui prenant la peluche des mains. « Hwang Tasyr, tu apprendras qu'il ne faut jamais faire pleurer une demoiselle, même si avoir une peluche est candide. » Je fronçai doucement les sourcils pour lui faire la leçon, puis je tendis la peluche à Lei pour qu'elle arrête de faire son caca nerveux comme ça. Elle avait les joues toutes rouges ! « On dirait que j'arrive à temps. Une minute de plus et elle aurait été inconsolable. Franchement, je ne te félicite pas Tasyr. » Je soutins mon regard sur le Syrien un instant, pour lui faire comprendre que là, il avait clairement fait une erreur. Il ruinait ses efforts en matière de drague, c'était aberrant ! Mais il n'avait plus à s'en faire maintenant. J'étais là. Et je ne partirais pas tant que je n'aurais pas mon gâteau, ni même qu'ils auraient fait des progrès ensemble.

Ce ne fut en aucun cas l'effet escompté. Dans sa maladresse maladive, atteinte de pathologie amoureuse, il avait rêvé de ses pupilles flamboyantes de colère pourtant rieuse portées sur son unique personne ; il avait désiré lui faire oublier l'alentour pour tenir sa personne prisonnière de son image. Il avait voulu voir la chaleur sur ses joues, sentir son existence neigeuse fondre sous un sourire fleuri. Pauvre gosse, rendu attardé par l'ivresse de ses sens, au besoin impartial d'être exclusif. Le chat factice entre ses doigts lui sembla soudain lourd, et le gumiho se mordit la lèvre pour se forcer à maintenir le bras tendu malgré tout, sa fierté repoussant l'éventualité même de céder à la poupée-reine.  « J'suis bête mais au moins je suis plus un enfant, moi ! » Et, en dépit de la situation fâcheuse dans laquelle il s'enfonçait un peu plus à chaque seconde, un nouveau sourire gonflé de satisfaction se peinturlura sur ses lèvres narquoises ; le printemps avait toujours été l'auteur de ses parfums et effluves préférés.
Alors seulement face à ses larmes qui menaçaient de déborder de ses yeux éclatants, il s'apprêta à abaisser la peluche ; n'en eut pourtant pas l'occasion. « hé ! » Pris sur le vif et noyé dans sa surprise, le syrien se rassit sagement et renversa la tête pour rencontrer les orbes inquisiteurs de son aîné, presque père de substitution, conseiller en tous les cas. Ses mots le frappèrent de plein fouet, et alors Tasyr réalisa son erreur en dévorant sa lippe de mordillons emplis de stress. « ça va, on s'amusait.. C'est pas un drame. » Il se montra lui-même enfant cette fois-ci. Le dos cognant avec force contre le dossier sous la colère d'avoir été pris sur le fait ( et sa déception silencieuse d'avoir été si idiot ), il croisa les bras sur son torse après avoir lancé négligemment l'animal sur Lei. Roula des yeux, gonfla ses joues, et expira férocement. « Si on peut plus rigoler.. »

Les joues sont empourprées sous une colère éphémère qu’elle oubliera assurément une fois le jouet en mains. Pour l’instant, les larmes faciles baignant ses yeux ne cessent de menacer, perlant au bout de ses longs cils de poupée. Les bras courts ne parviennent pas à attraper le chaton et la gamine furibonde serre les dents, les lèvres retroussées dans une moue morose enfantine qui retournerait l’estomac des plus durs scélérats. L’enfant-femme prise au piège par le morveux espiègle, trop souvent taquin au goût de la fleur fanée sous ses moqueries. « Arrête de m’embêter !! T’es lourd à la fin ! » reproches enfantines et maladroites tandis que ses poings se serrent, prêts à attaquer le gabarit rétablit du syrien de coups faiblards et inoffensifs. Emportée dans sa crise précaire, elle ne remarque  seulement la présence du président rose lorsque sa voix s’élève pour primer sur la querelle des deux gamins.
La respiration incertaine et fragilisée par son irascibilité, elle se décrispe peu à peu lorsque la peluche se retrouve entre ses bras, elle l’examine minutieusement en plissant les sourcils avant de pousser le syrien avec une force de moineau. Intimidée par son aînée, elle s’incline en guise de respect ; remerciements honteux et gênés, elle renifle le mucus menaçant de s’évader. « Merci… » le regard s’assombrit alors qu’elle observe Tasyr du coin de l’œil, elle secoue la tête avec un dédain inhabituel à son attention. « Moi j’m’amusais pas, t’es le seul que ça faisait rire ! » serrant le plus cher souvenir de papa entre ses doigts frémissants, elle soupire en baissant la tête, humiliée par cette comédie dont Jihoon a malheureusement été le spectateur.

A première vue, tout semblait opposer les deux gumiho. Lei apparaissait comme une demoiselle assez innocente, fragile et réservée. Nul doute que la petite plaisanterie de Tasyr n'était pas bien passée pour elle, surtout que je mettrais ma main à couper que la peluche représentait beaucoup pour elle. Aish... J'étais trop perspicace, on ne pouvait rien me cacher, et il n'y avait même pas besoin que Lei le dise d'elle-même pour le comprendre. Elle avait les joues rouges et les yeux embués de larmes. Qui pouvait donc se mettre dans un état pareil pour une simple peluche, à moins qu'elle ait une valeur sentimentale ? Tasyr avait toujours le chic d'aller dans le sens inverse des conseils que je pouvais lui donner. Il y avait vraiment des moments où je me demandais s'il m'écoutait vraiment. Tasyr avait un caractère pas mal tempétueux. Il était maladroit, spécialement en matière d'amour, et ce n'était pas pour rien s'il venait souvent pleurer sur mon épaule. Mais quand même, était-il niais à ce point pour volontairement blesser une fleur aussi délicate que Lei ? J'agitai calmement ma main alors que le jeune homme boudait. « Tu devrais changer de façon de t'amuser. » Je m'appuyai sur ma canne, toujours debout à côté de Lei qui enlaçait tendrement sa peluche. Bon, et maintenant que j'avais cassé l'ambiance et surtout rétabli l'ordre, il fallait peut-être que j'annonce la raison de ma venue, non ? J'esquissai un léger sourire après laissé le silence s'installer, puis je tapotai du bout de ma canne la jambe de Tasyr. « J'ai une idée pour que vous puissiez vous amuser sans vous tirer les cheveux. » Je fis un petit geste vers les cuisines du dortoir que j'avais aperçu en passant dans les couloirs. Puis je fis volte-face, leur intimant de me suivre sans détour. Je pris soin de dépasser la salle commune pour finalement me retrouver dans la cuisine. Elle semblait propre, c'était un début. Je pris place sur une des chaises qui trônaient dans la pièce, et je fis pianoter mes doigts sur la surface lisse de la table. « Tasyr, tu m'avais promis un gâteau. Je veux que vous me fassiez deux gâteaux. Le plus beau gagnera. » Je ne savais pas trop s'ils étaient doués en pâtisserie, voilà pourquoi je refusais de délibérer sur le critère du goût. Il fallait au moins qu'il ressemble à quelque chose, ce gâteau, pas vrai ?

Le petit prince était capable d'apprivoiser le plus sauvage des renards, de se déplacer au sein du cosmos par amour pour la plus fragile des fleurs, il n'en restait pas moins un enfant aux traits peints de naïveté incongrue, inattendue. Son orgueil ,n'ayant d'équivoque que sa fierté têtue et mal-venue, contrastait avec la curiosité candide qui entrelaçait son cœur rubis sur bien des sujets. Mordu le premier par le serpent du vice  trop tôt, à en mourir insatisfait. Derrière ses vestes au cuir trop lourd pour ses épaules frêles, et derrière ses sourires narquois renforcés d’œillades enjôleuses, Tasyr restait un petit garçon n'ayant jamais grandi, vivant sur les fondements de l'incompréhension de la nature humaine ; et ce qui l'amusait, se devait d'amuser les autres. Et ce qui attirait le regard de la jolie-fille, suffisait à son bonheur éphémère. Toujours ainsi, toujours rendu compte trop tard de ses erreurs grossières, lorsque le chagrin goutte aux yeux. Toujours honteux, par la suite, emmuré dans une fierté factice. Toujours boudeur, enfin, protégé par des mots-venins.
Le regard assombri de colère de la fée ne rencontra que ses propres orbes orageuses, et les poings fermés qui le frôlaient plus qu'ils ne le poussaient lui firent serrer les dents. Le diablotin enfantin, c'est celui qui ne sait pas dire pardon, qui regrette en silence, mais qui montre véhémence. « C'est ma faute si t'as aucun humour aussi ?! De toutes façons, marre, c'est toujours ma faute avec toi. Dis-le si t'as un problème à la fin ! Tu veux qu'on en parle ?! » Et à la fin de sa tirade paranoïaque et explicitement fausse, il ne sut plus lui-même pour quelles raisons il s'emportait tant ; ses poings se desserrèrent et il porta ses doigts à sa nuque pour la masser avec gêne, portant un regard plein de regrets timides sur Lei. « Pardon, j'voulais pas dire ça. » Il ne s'excusait jamais ; hors avec elle, « jamais » prenait un goût pétillant de « toujours ».
Et le président en aurait oublié la présence de son collègue, tant le visage cramoisi de la benjamine l'obsédait ; son rappel à l'ordre lui tira un sursaut qu'il ne sut maîtriser, il plongea ses mains dans les poches en soufflant. « App- il retint ses mots par fierté devant la femme-enfant - Ji Hoon-hyung, tu penses vraiment que j'ai l'âge de m'amuser ? » Le ton de l'aîné ne lui plut guère, promettant l'activité la plus dégradante et enfantine qui soit. Néanmoins par respect, il suivit ses pas non sans râler, non sans jurer, non sans pester sur chaque dieux connus hormis le sien. « Hé ! J'avais dis que je te ferais un gâteau, c'est pas une raison pour vouloir doubler la mise ! Joo Pipi est enceinte ? Vous avez le frigo vide ? Non mais on voit que c'est pas toi qui fait les courses ! » Pure révolte enfantine, infondée. Lui-même ignorait les éléments essentiels à la réalisation d'un gâteau correct et, pour tout dire, le jour où il lui avait promis le gâteau de son choix, il s'était vu berner Yuki pour se délester de cette tache jugée ingrate à ses yeux. « marre. J'vais m'casser en Esquimautie putain. »

« Yaaah ! Et après c’est moi la gamine ?! T’es vraiment pire que moi en fait ! » deux gamins se chamaillant autour d’une peluche, la pièce semble se transformer en véritable cours de récrée, Jihoon étant le médiateur de leurs enfantillages. Le prince d’égoïsme regrette son acerbité et ses demandes d’attention maladroites en s’excusant, ne récoltant rien d’autre qu’un regard flamboyant à travers les yeux pétillants de la gosse vexée. Situation cocasse. Presque attendrissante malgré l’atmosphère pesante sous la tension soudaine, que Jihoon tente d’apaiser par sa voix sèche et portante, reflet du calme et de la sagesse acquise par les années.
Et les yeux de la biche s’écarquillent, le sourire grandissant chasse l’amertume et sa colère éphémère à l’entente de la proposition de l’aîné. Le chat factice entre ses fins bras, ses pulpes sont entre-ouvertes, le rictus dessiné au coin de ces dernières s’évapore néanmoins lorsque le geignard reprend la parole. Les traits se durcissent une nouvelle fois lorsque sa voix bourdonne en ses tympans et elle ne cache pas son exaspération, nuant la pièce de pétulants soupirs. Ses grandes billes noires vaguent entre le visage opalin du gamin et celui de l’invalide, le regard sombre de ce dernier arrache des spasmes au creux des reins de la gamine intimidée. Signe que le syrien est une fois de plus allé trop loin, elle retient une tape derrière le crâne de ce dernier en serrant les poings ; secoue la tête avec dédain face au gamin boudeur tandis qu’elle marche derrière lui. « Aish… T’es vraiment qu’un insolant ! Aie un peu de respect envers tes aînés, tu veux ? Puis t’as raison, retourne faire des trucs de grands, tiens. Comme voler des peluches par exemple ! » impertinence acquise entre les murs de l’internat ; elle se retourne ensuite vers l’Oppa pour s’incliner faiblement face à sa carrure cabossée, ayant trouvé repos sur une des chaises ornant la pièce. « Moi j’veux bien te faire un gâteau ! Puis au moins tu seras sûr de ne pas mourir empoisonné ! »  soudainement excitée à  l’idée de faire plaisir à l’aîné, elle en oublie presque la présence du syrien, passant devant lui sans un traitre regard pour se ruer vers les placards. Un paquet de farine en hauteur, elle se met sur la pointe des pieds pour l’attraper mais le bout de ses doigts frôlent tout juste la matière ; elle sautille alors, pour tenter de l’atteindre plus aisément, jurant dans sa barbe alors qu’elle songe à attraper une chaise et monter dessus pour faciliter sa tâche.

Y avait-il vraiment des raisons à vouloir préparer un gâteau ? Non. C'était un acte banal de la vie. Une habitude que certains avaient appris à aimer. J'aimais cuisiner, personnellement. La pâtisserie n'était pas mon dada, je préférais la cuisine, mais pour le coup ce n'était pas moi qui serais aux fourneaux. Dans l'espoir de pouvoir donner un coup de pouce à ces deux amoureux transits mais trop aveugles pour voir la vérité en face, je m'étais dit que leur proposer une activité relevant du quotidien leur permettrait de se rapprocher. Et plutôt que de les entendre se chamailler pour une vulgaire peluche, je voulais les entendre parler de recette et d'ingrédients. J'y croyais trop. J'étais bien trop optimiste là. Tasyr me montrait clairement son refus de coopérer et sa remarque sur Joo Hee eut le don de lui lancer un regard noir, perçant. La grossesse était un sujet encore relativement sensible pour moi, et j'étais particulièrement vexé qu'il en parle, même sans faire exprès, alors que je lui avais confié que Joo Hee avait fait une fausse-couche en Décembre dernier. Mais mon regard s'adoucit aussitôt en voyant la bonne humeur qui débordait en Lei. La demoiselle s'attelait déjà à la tâche, et sa petite taille avait raison d'elle. J'étouffai un petit rire sans pour autant me lever de ma chaise. J'avais trop mal à la jambe de toute manière. « Allez, on s'active. J'ai faim moi. » Je lançai un petit coup de menton à Tasyr, en direction de la jeune Lei qui était clairement en difficulté. C'était un signe assez implicite pour donner un coup de pouce au jeune homme quant à son rapprochement évident avec Lei. S'il lui donnait un coup de main, il montrerait ses bonnes intentions et Lei serait probablement charmée. Et encore, il fallait qu'elle oublie qu'il avait délibérément volé sa peluche tout-à-l'heure ! Bon sang, dans quel pétrin m'étais-je mis ? Tasyr n'était vraiment pas facile à discipliner, et il enchaînait les bourdes avec la petite Lei que je ne connaissais pas si bien malheureusement. Mais elle débordait d'énergie, elle avait du caractère et semblait prête à tout pour réussir son gâteau. « Je ne sais pas vous, mais j'adore l'alliance du chocolat et des fruits rouges... » fis-je en guise de remarque, jetant un oeil amusé à mes ongles pour montrer ironiquement mon implication dans la compétition que je leur avais lancés. Tasyr devait prendre ça comme une partie de plaisir ! Et sa moue boudeuse, j'allais vite la lui ôter.

Le problème de Tasyr était et restera sans doute sa capacité incohérence à se montrer enfant sans même en avoir un soupçon de conscience. Lui qui réfutait vivement l'idée de pâtisser par fierté, voyait sa compétitivité s'éveiller dès l'instant où Lei s'empressa d'accepter ; l'idée de perdre le rebutait. Ignorant le regard assombri dont il fut victime par sa propre bêtise, il se mordit la lèvre en songeant expressément à la façon dont il pourrait désormais entrer en course sans mettre à mal son égo, et haussa sitôt les épaules en posant sur son entourage réduit des orbes faussement dédaigneuses. « Bon.. C'est bien parce que je te l'ai promis, et que je tiens mes promesses. » Il lui fallut quelques secondes pour se donner une idée des ingrédients nécessaires, et lorsque ce fut chose faîte, il réalisa seulement à l'instant que la petite fée s'était déjà activée, que son retard ne serait pas négligeable. « oui ça va, j'ai compris, j'y vais ! » Et le syrien esquissa un sourire en comprenant le sous-entendu de son aîné pyobeom, lui renvoya une œillade entendue. De toutes évidences, il serait vainqueur de cette épreuve, autrement, jamais Ji Hoon ne prendrait le temps de lui indiquer l'emplacement des ingrédients pour maximiser l'efficacité de son temps. Une fois la farine localisée, il se posta dans le dos de la femme-enfant et attrapa le sac, non sans déposer un baiser sur sa joue. « les roses sont rouges et les violettes sont bleues. » Sa petite taille fut une fois de plus, inlassablement, amenée comme sujet au travers d'un poème détourné qui leur était propre. Les mots glissés au creux de son oreille, il s'empressa de rectifier l'un de leurs vers, la voix baissant volontairement de quelques octaves : « et quoi que t'en penses, j'ai pas une petite queue. » Sa main frôlant sa hanches, il se voulu charmeur sans réfléchir à l’ampleur de ses mots, piètre séducteur en situation réelle. Après quoi, il s'empressa de s'écarter en coinçant entre ses bras le paquet de farine unique, narguant la benjamine d'une langue taquine. « oui chef, des fruits chefs ! » Et Tasyr posa le sachet sur son coin du comptoir, omettant une partie des descriptifs pour saisir les oranges et les mandarines, bien qu'il ne sut pas exactement si l'alliance du chocolat et des agrumes était saine.