Au fond, bien qu’il lui paraissait terriblement immature et enfantin, Hera trouvait Jayden de plus en plus amusant. Après tout, un peu de légèreté et d’insouciance ne pouvait que leur faire du bien dans de telles circonstances. Certes la jeune fille était plutôt d’un tempérament colérique, voire impatient lorsque ses nerfs atteignaient leur limite. Cependant, dans les situations extrêmes, Hera savait se révéler particulièrement rationnelle. Alors oui, sur l’île, elle râlait régulièrement. C’était son caractère et ça lui faisait du bien aussi d’extérioriser un peu de façon masquée l’angoisse qu’elle contenait depuis le naufrage. Mais là, avec Jayden, elle n’avait plus vraiment envie de s’énerver. Tout juste faire semblant histoire de l’embêter un peu. À y réfléchir, la situation était presque irréel. Ils étaient tranquillement assis en train de discuter de tout et n’importe quoi, d’en rire même, sur la plage d’une île déserte sur laquelle ils avaient échoué après un naufrage, l’un souffrant d’une piqure de méduse et l’autre d’une plaie sous le pied qui menaçait de s’infecter. Leurs esprits avaient-ils par totalement lâché prises pour rester aussi calme et insouciant dans un moment pareil ? Il fallait croire. À moins qu’inconsciemment, ils savaient tous deux que cela ne servait absolument à rien de paniquer. Ils ne seraient pas sauvé plus vite.

Un oiseau ? Ses yeux suivirent la direction indiquée par Jayden. Au moins, cette mésaventure leur permettait d’admirer une nature sauvage comme ils n’en avaient jamais vu auparavant pour la plupart d’entre eux.
« L’Australie ?  s’étonna-t-elle, ignorant que son camarade en était originaire. Si ça se trouve, nous y sommes et il y a une ville à une quinzaine de kilomètres de cette côte ! » plaisanta-t-elle.
Un doute assaillit néanmoins son esprit. Après tout, la seule expédition de reconnaissance sur longue distance avait été avorté du fait de sa blessure. Personne ne s’était aventuré à la découverte des profondeurs de l’île depuis.
« Je ne sais pas si nous devrions en rire ou en pleure si c’était le cas, » réfléchit-elle plus sérieusement à voix haute.
Elle balaya l’horizon du regard, puis, raisonna logiquement :
« Non, si nous étions proches d’une île comme l’Australie, nous apercevrions sûrement des cargos au loin. Il y a de nombreuses routes maritimes au nord. Et nous n’avons assurément pas naviguer jusqu’au sud. »
La brunette en savait quelque chose. Elle s’était tout de même déjà un minimum intéressé à la société de son père et par extrapolation au commerce maritime rattaché au port de Singapour.

Hera se releva ensuite mais prit soin de s’adresser à Jayden avant d’effectuer le moindre pas afin qu’il ne panique pas à nouveau :
« Bien ! Enlève ta main du sable, je pense que nous devrions pouvoir la rincer et essayer d’enlever les filaments restants pour cesser la diffusion de venin ! »
Le laissant attendre là avec pour seule mission de faire tomber le sable qu’il avait sur la main, Hera s’en retourna vers la mer. Elle mouilla le défunt t-shirt puis revint s’agenouiller face au garçon. Après avoir rincé brièvement la brûlure, elle chercha autour d’eux ce qui pourrait servir de  substitut à une pince à épiler. À défaut d’autre chose, Hera se résigna à utiliser le tissu tel un gant et se contenter de ses ongles en guise d’outils :
« Maintiens ta main à hauteur s’il te plaît ».
Elle leva les yeux vers le visage de Jayden.
« Je ne peux pas te promettre de faire aussi bien qu’avec une pince, mais je vais faire au mieux. »
Elle se reconcentra sur son ouvrage, mais ne put s’empêcher d’ajouter ceci :
« Et si tu es sage, alors le meilleur complètement au traitement ensuite sera de retourner jouer une demie heure dans l’eau ! »
Si elle se moquait de lui ? Peut-être un peu, mais elle riait d’elle aussi. Car pour ce qui était de barboter dans l’eau, elle ne valait sans doute pas mieux que lui si ce n’était pire.