Son détachement, son indifférence, sa froideur étaient autant d'épines acérées qui venaient se loger dans son cœur, l'incompréhension n'aidant pas à apaiser l'étrange malaise que provoquaient ces émotions transmises par le médecin. Il ne savait plus comment se comporter et son naturel gentil, un presque docile, venait de prendre le large, tentant une approche un peu moins douce et ayant plus de mordant et, aussi étrange que cela puisse paraître, il se trouvait désormais face à un HaJun beaucoup plus calme, moins catégorique quant à le voir comme l'enfant du mal, prêt à lui sauter à la gorge au moindre mouvement déplacé. Il semblait que l'interne avait cessé de le guetter du coin de l'oeil, comme le flic guettait le mouvement du malfrat, préférant une approche un poil plus diplomate même si l'étau qui compressait son bras n'avait rien de doux, de délicat ou même de compatissant. C'était un ordre tacite : 'reste là. Ne bouge pas. Ne fais rien d'idiot.' Et une fois encore, c'était si dérisoirement idiot, mais Hansol sentit une bulle étrange éclater au creux de son ventre, libérant une sensation agréable, chatouillant agréablement ses nerfs; était-il inquiet ? C'était une réelle utopie, mais sans qu'il puisse l'expliquer, Hansol sentait les agréables fourmis de l'excitation glisser contre ses doigts à cette possibilité, son regard cherchant quelque chose au creux des yeux de son opposant, des réponses, aussi petite eut-elle put être. Mais sa main lâche son biceps et Hansol a envie de le retenir, de le maintenir, juste pour un instant de plus, parce qu'il a envie de l'ennuyer, de le retenir, parce qu'il ne peut pas expliquer l'étrange sensation d'appartenance alors qu'il se trouve si proche du beau brun. Il se contente donc de baisser la tête, sourcils froncés, serrant un instant les dents dans un effort pour ne pas simplement ouvrir la bouche et laisser s'échapper un flot de parole totalement incontrôlé qui aurait reflété toute sa pensée, sans masque.
« Tu es quelqu'un de bien. Tu prends soin de ceux qui en ont besoin... Mais tu es plein de mystères et... » je veux les percer à jour. Mais heureusement, il ne laisse pas cette dernière partie lui échapper, son regard file rapidement sur celui de l'étudiant et il se mordille la lèvre doucement, un peu gêné de se retrouver à ce point sans défense devant un simple humain du commun des mortels. Son cœur rate un battement alors qu'il croise le regard intransigeant de son vis-à-vis et il se redresse alors, dépassant de quelques centimètres le médecin en devenir. «  Je n'ai pas envie de m'enfoncer dans des problèmes qui ne sont pas les miens... Et j'ai l'impression que tu n'as pas la moindre envie de t'ouvrir à ce sujet mais. Il serait bon que tu en parles. » Il observe son visage, depuis la ligne sévère de ses sourcils, en passant par son nez tout en courbes infantilisantes, pour finir sur ses lèvres, pulpeuses et dessinées, certainement très agréables au toucher, cachant le moindre de ses sourire bien au fond des coins de ces dernières, comme des trésors rares et de terriblement grande valeur. Il frémit doucement et se détourne finalement en prenant deux pas en arrière pour tenter de détendre un peu le scientifique, lui montrer qu'il ne désirait pas empiéter sur son territoire, ou plutôt, qu'il ne le forçait pas à l'y accepter. « La prochaine fois que tu as un client riche, avant de le juger sur son compte en banque... Essaie juste de voir ce qu'il a à dire, ce qu'il pourrait faire. » Hansol le regarde encore une fois puis lève la main, comme pour faire un signe avant de se la passer sur la nuque, embarrassé par son propre comportement, faisant volte face pour reprendre ce qui lui semblait être le chemin inverse, espérant retrouver sa voiture.

Parfois je me demande comment aurait été ma vie sans l'accident de ma sœur ? Quel être serais-je devenu sans cet événement ? Quelle personnalité aurais-je eu ? Qu'aurait été ma vie ? Mon avenir ? Quelle filière aurais-je choisi ? Aurais-je eu des amis ? Une véritable bande d'amis ? Aurais-je été poche de certaines personnes ? Des questions qui ne trouvent aucunes réponses. Malheureusement, ma sœur a eu cet accident, qui a changé nos vies, à tout jamais. Dont la mienne. Parfois je m'imagine, autrement, ayant une autre vie, d'autres soucis, des préoccupations banales, qui peuplent la vie des étudiants, comme par exemple me demander si je peux sortir ou non alors que demain il y a un examen, ou encore si telle personne est réellement digne de confiance, si je peux sortir avec telle ou telle personne, si je suis dans la bonne filière, et ainsi de suite, des inquiétudes quotidiennes. Mais moi je me demande surtout si demain je vais encore être là, si un accident ne va pas surgir, si je ne vais pas me faire tuer par des malfrats, si je suis en capacité d'aider ma sœur, si elle va survivre, si je peux l'envoyer en Amérique, si je n'ai pas impliqué d'autres personnes dans mes soucis, si je suis bien le seul, des questions qui ne devraient pourtant pas exister, pas pour moi, pas pour un garçon qui, de base, ne devait pas avoir ce type d'avenir. Plus jeune j'avais d'autres rêves, d'autres envies. Mais tout a été remis en question, en quelques secondes à peine. J'aurai pu être un homme bien, mais je ne le suis pas. Pas comme cet homme semble le dire. Je suis tout de même touché par ses dires, malgré moi. Pour une fois qu'une personne me le dit, pour une fois que j'entends cet adjectif me concernant, je me sens flatté, touché, au plus profond de mon âme car au fond, oui, je ne suis pas méchant, pas si horrible que ça, je me cache juste derrière un masque, un masque que personne n'a le droit de voir, ou peu de personnes. « ça dépend de ce que tu appelles bien » dis-je en relevant mes yeux vers lui, le regard cassant mais doux à la fois. Ce qui est néanmoins totalement vrai c'est que je suis plein de mystères et que je dois le rester. Je vois bien dans son regard que cela l'intrigue, que je l'intrigue. Juste par rapport aux questions de tout à l'heure, je m'en doute. Il ne me connaît pas ais est curieux et malheureusement je ne peux répondre à sa curiosité et je ne dois pas l'alimenter non plus.

Je fronce légèrement des sourcils, un sourire presque méprisant sur les lèvres. Il a touché juste, je n'ai pas envie d'entraîner les personnes dans mon histoire et surtout pas en parler. Il dit ne pas vouloir s'en mêler, mais indirectement, il le fait déjà beaucoup et le fait de me dire d'en parler signifie bien qu'au fond, il en a quelque part envie, que je lui fasse part de tout ce mystère qui englobe ma vie. « Je ne sais pas si je dois réellement croire le fait que tu n’aies pas envie de t’immiscer dans mes problèmes, d'en savoir plus sur moi et donc de me faire parler, mais au moins tu as conscience que je n'ai pas envie d'en parler. Parce que certes parler peut aider, mais pas toujours. Ça risque d'empiéter un peu plus sur ma vie et je pense avoir assez de préoccupations pour m'occuper d'autres personnes ». Je n'ai pas envie de m'inquiéter pour quelqu'un d'autre, j'ai déjà trop à faire, trop à penser. Ma sœur prend déjà une grande partie de mes pensées, mon métier caché prend tout autant de place alors forcément, je n'ai pas de place pour autrui et je ne veux surtout pas mettre en danger d'autres personnes. C'est parfois mieux de ne pas connaître le secret d'une personne que de le connaître. Je vois bien qu'il souhaite quand même mettre une certaine distance entre lui et moi juste par son geste de recul mais s''éloigner d'une personne est plus difficile qu'on ne semble le croire, surtout lorsque celle-ci nous intrigue. J'esquisse un léger sourire, amusé par ce revirement de situation. Je penche légèrement ma tête sur les dernières paroles du jeune homme, le trouvant presque . . .  Je secoue brièvement mon visage. Ce n'est pas le moment d'avoir de telles pensées et ce n'est sûrement pas la personne sur laquelle il faut avoir de telles pensées. Mais il est amusant, je dois l'avouer, malgré toute cette péripétie. « Euh . . . », je me frotte le menton, hésitant à  lui dire ce que je compte lui dire, « juste pour information, tu t'es trompé de sens, c'est dans l'autre sens si tu veux retourner à l'hôpital. Et sache que tu n'es pas un client mais un patient, ce terme je l'emploie dans d'autres . . . circonstances. Et je n'aime pas essayer, de toute manière je ne veux pas savoir ce que la personne a à me dire ni même ce qu'elle va faire. Enfin qu'importe ». Je hausse des épaules et fais quelques pas dans sa direction, mais juste pour prendre le chemin que lui a pris. « Oublions cette soirée, oublions cette rencontre. Redevenons de purs étrangers ». Alors que je passe près de lui, mon regard s'arrête sur le sien, pendant quelques secondes. Liant nos destins sans même le savoir. Mes lèvres s'élargissent, discrètes et rapides. Je m'éloigne totalement de lui, marchant d'un pas décidé, les mains dans les poches, vers cette obscurité qui m'attend.