Ses vêtements glissaient habilement le long de ses courbes soyeuses. Tout semblait surréaliste, au ralenti. Mes yeux refusaient de voir autre chose que les plis de son haut creuser sa silhouette. Je voyais bien qu'elle cachait son mal-être. Etait-ce forcément une bonne chose de rester seule avec ce combat intérieur ? Dans tous les cas, j'étais satisfait, quelque part, que Bo Won se soit confiée à moi ainsi. Rien ne l'avait forcée à me dire la vérité. Elle aurait pu mentir, semer le doute dans mon esprit. Mais il n'en était rien. Elle avait été honnête avec moi, et j'étais prêt à le rester tout autant avec la jeune femme. Enfin, mes yeux dérivèrent de leur fixation première, pour que je me concentre sur les yeux tombants de Bo Won. Elle était clairement en état de faiblesse, mais je savais, je le savais, elle allait se battre. Ce fut d'ailleurs ce qu'elle me dit, en Anglais pour couronner le tout. Voilà, c'était ça que je voulais entendre. C'était ça que je voulais voir dans ses yeux: la flamme de la détermination. Je me redressai sur mes jambes, puis je fis le tour du bureau pour revenir à ma place tout en agitant ma main pour répondre à sa dernière remarque. « Oh laisse tomber. On peut arrêter maintenant, si tu veux... » Je ne savais pas pourquoi, mais je sentais que nous ne pourrions pas continuer le cours aujourd'hui, après ce malaise. Mais elle devait être sûre que je ne la jugeais pas. Je commençai ainsi à ranger mes affaires, non sans oublier d'effacer le tableau blanc. Je fourrai mon cahier au fond de mon sac, et je tirai la fermeture éclair de ma trousse. « Tu sais, si un jour ça ne va pas, tu peux venir me voir. » Après tout, nous étions dans le même dortoir, la même fraternité. On se fréquentait plus souvent qu'on le voudrait. Elle savait où j'étais. Alors, si un jour son secret était trop dur à porter, elle pouvait toquer à ma porte. Je ne garantissais pas que Berlioz, mon chat, se jette à ses pieds dès qu'elle arrivera, mais qu'elle se rassure: au moins mes serpents étaient enfermés. Et son secret était entre de bonnes mains avec moi.

Je fis glisser soigneusement ma trousse dans le fond de mon sac à bandoulière. Mon regard biaisait celui de Bo Won, et je pus remarquer qu'elle faisait également son sac. Bien, alors le cours était écourté pour aujourd'hui. Le contexte était un peu dérangeant maintenant, avec un tel retournement de situation. Je venais de découvrir probablement un gros secret sur Bo Won, mais je n'allais pas en jouer. Loin de là. Ce n'était pas marrant, c'était même très sérieux. Sa santé était mise en jeu, et j'osais espérer qu'elle en ait conscience. Selon elle, le mannequinat lui montait à la tête. Elle venait de l'annoncer explicitement, non ? Elle voulait abandonner ses rêves ? En réalité, la jeune femme avait perdu autant de poids parce que partir aux States et vivre de ses rêves lui étaient montée à la tête. Je n'étais pas sûr que cela soit une bonne idée. Je la laissais partir la première, ramenant mon sac sur mon épaule, puis j'inspectai une dernière fois la salle de classe pour ensuite éteindre les lumières et fermer la porte derrière nous. Puis, je me rapprochai de Bo Won en poussant un soupir. « Bo Won, ne dis pas ça. » Elle était une jeune femme aux aspirations grandissantes. Une panthère, au caractère tout feu tout flamme. Ce n'était pas dans son attitude de baisser les bras comme ça. Je passai généreusement mon bras derrière ses épaules, tout sourire. « Tu es une magnifique jeune femme. Du moins de ce que j'ai vu. » J'étouffai un léger rire, voulant détendre l'atmosphère. Et nous nous enfoncions tout naturellement dans les couloirs. Loin de ce tutorat qui nous réunissait. Loin de l'Anglais que Bo Won devait voir en horreur à force de lui bourrer le crâne pendant une heure consécutive. Et encore plus proche de nos sens.