( tenue ) Innocent, ou absolument pas futé, il est mauvais pour remarquer que la jeune femme prend un certain plaisir à tester ses réactions. Au lieu de ça, il essaie de ne pas faire de pas trop cumuler les gaffes mais ne fait que les enchaîner. Il oublie bien trop facilement, qu’il a un code de conduite à respecter – celui imposé par la société. Même s’il la vouvoie, n’importe qui, qui débarquerait dans le bureau, aurait des doutes, son comportement brouille les frontières et il ne le réalise pas lui-même. Parce qu’elle reste silencieuse, il lui fait d’une certaine façon confiance. « Oh, comment ça ? Vous pouvez aussi rejoindre un club ? », même s’il ne se fie pas totalement à son intuition, cette fois, il ne l’ignore pas pour autant. Elle attise sa curiosité et il ne demande qu’à être satisfait, car si cela le turlupinait trop l’esprit, il serait capable de revenir, juste pour pouvoir lui reposer la question. Les cours ne faisant pas encore parti de son quotidien, il avait le temps d’y penser et repenser.

Il est déconcerté par son rire mais pas un instant vexé que sa réponse suscite un rire moqueur. Intrigué, inclinant légèrement la tête, la suite le fait rire à son tour. Gagner, perdre, il n’y avait jamais réellement accordé d’importance, car tant qu’il s’amusait… c’était pour lui l’essentiel. Après, il était vrai qu’une défaite laissait toujours un sentiment d’amertume, et le niait serait s’avouer de mauvaise foi. « Qui n’aime pas gagner » murmura-t-il en agitant doucement la tête, mais il ne compte pas réellement répondre à sa question car ce n’est pas comme s’il pouvait estimer ses défaites et victoires, « j’ai pas encore choisi mon club, êtes-vous en train de le faire à ma place ? Est-ce une invitation peut-être ? ». Question purement rhétorique posé sur un ton plaisantant avant d’enchaîner avec un peu plus de sérieux « dans ce cas, si ce n’est pas l’esprit d’équipe… faites-vous du volley car il est plus facile de blâmer ses camarades en cas de défaite que soi-même ? ». Il se prend au jeu, bien qu’il acquiesce à ses dernières réflexions, car qu’il gagne ou qu’il perde… quand il retournait sur un terrain, c’était toujours dans l’optique, non pas de forcément gagner ou perdre, mais de simplement se surpasser – en plus de s’amuser.

( tenue ) Pour une femme qui ne souhaitait pas s'exprimer sur ses projets professionnels, je fais preuve de contradiction en échappant un sous-entendu, qui n'est pas ignoré par mon interlocuteur. C'est à croire qu'il est aussi curieux que moi. Mon visage trahit pour la première fois une hésitation. Je ne réalise pas encore ce que je m'apprête à faire, reprendre mes études après ces quelques années à ne rien faire me paraît ridicule. Je n'ai peut-être pas 40 ans et je ne suis pas incluse dans la liste des seniors. Or, j'ai tout de même un âge où fonder une famille est l'objectif à atteindre. Heureusement, je n'écoute pas vraiment les rumeurs qui courent sur moi et je me fiche pas mal des avis, des visions de la vie des pouilleux qui forment la classe moyenne. Mon ex-conjoint pourrait tout de même en rire. " Pour tout vous dire, j'ai l'intention de reprendre des études pour finaliser une précédente formation. Du coup, peut-être que... " Je m'arrête là avant focaliser de nouveau mon intention sur l'objet de cet entretien. Je hausse les épaules. La victoire apporte une satisfaction, c'est évident. " Je ne me le permettrais pas, voyons. Mais d'après ce que je sais, apporter une aide à un étudiant fait partie du métier. Je n'ai rien à y gagner. Quoi que ? " Parlons-nous du même type d'invitations ? " Non. Je pourrais après tout blâmer l'arbitre, vous ne pensez pas ? " Nous ne savons pas nous remettre en question, en tout cas, pas totalement. Dans n'importe quel domaine de la vie, accuser les autres est bien plus facile que d'accepter ses propres défauts et reconnaître ses torts. Faire preuve de mauvaise foi heurte beaucoup moins notre fierté, et dieu sait que je fais attention à la mienne, encore plus qu'avant. " Si mes coéquipiers sont mauvais lors d'un match de volley, je peux plus facilement leur jeter le ballon sur le visage pour les motiver à filer droit.  Un peu comme dans ces films américains. "

Je termine ma défense d'un sourire en coin. " A vous de voir si je suis sincère ou si je plaisante... A moitié. " Je manquerais presque de faire craquer mes doigts pour me donner des airs sévères. " Je ne sais pas pourquoi j'apprécie le volley. Je trouve que c'est tout simplement un sport agréable à regarder et à pratiquer. Un mélange entre tactique, agilité et force. C'est un sport vraiment complet. C'est un peu le discours typique qu'on tient pour le sport en général, non ? "

( tenue ) Tant qu’elle ne lui disait rien, le jeune homme supposait que son comportement, ses propos ou plus exactement sa curiosité n’allait pas au-delà du déraisonnable. Après tout, dès le début, elle n’avait pas manqué à le lui faire remarquer. Ainsi, il ne se fiait plus à son bon sens quelque peu émoussé, mais simplement à elle. Elle était son point de référence. Tant qu’elle lui donnait tacitement ce feu vert, il continuait dans sa lancée mais non sans prudence. C’est parce qu’il se montrait vigilant qu’il ne pouvait pas rater la moindre expression de la jeune femme, telle que son hésitation. Avait-il encore fait une erreur ? Il appréhendait le moment où elle lui répondrait, il était déjà prêt à joindre ses mains et à s’excuser une nouvelle fois. Il ne voulait pas, sincèrement. Encore une fois, il se trompe, mais plutôt qu’aborder un air confus, il semble même agréablement surpris. « C’est vraiment super ! » s’exclama-t-il, comme si on venait de lui annoncer une bonne nouvelle, il sourit et a le regard qui pétille, il est tout excité – et ce, quand bien même, il y a quelques minutes à peine, Jinhee-shi était une parfaite inconnue. « Ce serait dans quoi ? Vous allez reprendre en quelle année du coup ? » questionna-t-il non sans admiration, il savait que reprendre ses études demandaient du courage, de la détermination, et que ce n’était pas donné à tout le monde. Lui-même avait hésité en retournant à la vie civile, mais parce qu’il ne pouvait rester inoccupé et qu’il savait qu’arrêter serait contraire à sa volonté, il venait ainsi se réinscrire pour continuer.

« Ah l’arbitre, on l’oublie souvent… dur dur de dire s’il n’est pas biaisé parfois ou tout simplement pas aveugle ! Euh… compétent je veux dire », un peu trop emporté, il tente de rectifier le tir comme il le peut, se rappelant que Jinhee-shi n’était pas son amie, même s’il l’aurait voulu, il devait se montrer moins familier. « À viser leur tête, à défaut de les motiver, vous allez les remplacer par des gens plus motivés… ! », ce n’était pas une tactique qu’il avait eu l’occasion d’envisager, Daeul étant plutôt du genre à se blâmer seul de son incompétence qu’à reporter la faute sur ses équipiers. S’il faisait mieux, il ne mettrait pas les autres en difficulté, voilà sa logique. « Oui voilà, c’est bien pour ça que j’hésite. D’un côté, j’aimerai faire quelque chose de nouveau, mais de l’autre, je sais que j’aime énormément le basket… Dans ces moments, j’aurais aimé pouvoir me dupliquer, ça règlerait tellement la question. »

( tenue ) J'aurais aimé partager l'enthousiasme du nouvel étudiant. Reprendre ces études après une si longue pause correspond à une mission suicide pour moi. J'aurais de nouvelles contraintes, un changement de vie soudain et ça effraye pas mal la demoiselle que je suis. J'ai pourtant l'habitude de ne pas avoir froid aux yeux mais à croire qu'il y a un début à tout. C'est notamment pour ces raisons que je ne termine pas ma phrase. Je ne voudrais pas non plus m'emballer sur un projet qui n'est pas encore acquis ou que sais-je. J'ai ces nombreux examens à passer et à valider avant qu'on puisse me laisser cette chance. Est-ce que je viens d'employer le mot chance ? Enfin, cela ne change pas la surcharge de travail qui m'attend. J'ai beaucoup de temps à rattraper. Du coup, je me contente d'afficher un sourire poli à l'intention de Daeul. C'est super, je suppose, oui. " Eh bien, j'ai fait des études en gestion jusqu'en troisième année. J'ai pour objectif d'attaquer directement avec la quatrième année mais pour le moment rien de concret. J'ai des examens à passer, des options à valider. Enfin, les épreuves classiques d'un étudiant lambda. " Je ne sais pas pourquoi je lui raconte la vie. Le jeune homme a peut-être deux ans de sa vie en stand by, en plein milieu de ses années universitaires pour obtenir son premier diplôme mais... De mon côté, je dois presque affronter dix ans de vide intergalactique... Est-ce que je tiens à ce qu'un inconnu me rassure ? Il est si souriant, je suis sûre qu'il serait capable de gober tout et n'importe quoi. Quoi que, je suis méchante. Je ne peux pas dire que toutes les personnes heureuses de vivre sont stupides. Etre malheureux ne nous rend pas intelligent alors...

J'esquisse un nouveau sourire. " Biaisé ? Vous sous-entendez qu'il y a des matchs truqués ? Pas dans cette faculté, en tout cas. " Je joue avec les mots. Peut-être que je devrais suivre un cursus en lettres ou en droit, tiens.  J'aurais dû suivre cette voie avant, histoire de pouvoir soutirer le pognon de mon ex-mari. Combien d'erreurs ai-je commise ? " Mais je suis d'accord... Parfois, on se demande ce qu'ils peuvent fabriquer. " J'affiche une expression faussement réfléchie sur mon visage. " Vous pensez qu'il y aurait encore des volontaires pour s'inscrire ? " Si les rumeurs courent sur une folle qui jette des ballons en plein milieu du visage, je crois que j'aurais tendance à fuir. " Vous n'êtes pas obligé de vous décider maintenant. Au pire, vous pouvez toujours vous inscrire au club de basket et demander un essai au club de volley par exemple ? " Je marque une courte pause. "  Je vous laisse réfléchir encore un peu si vous voulez. Nous allons refaire votre carte étudiante. ". Je pivote et souhaite récupérer un téléphone de l'université dans un tiroir sauf que le jeune homme me bloque. Mon visage lui fait de nouveau face et je me perds pendant quelques secondes dans son regard. Réalisant mon comportement étrange, je reprends contenu et dessine un sourire arrogant sur mes lèvres.  " Vous pouvez vous décaler s'il vous plaît ? " Je l'invite ensuite à se placer devant un fond uni à quelques mètres du bureau.  

( tenue ) Si tantôt il se veillait à ne pas franchir la ligne invisible entre eux pour ne pas froisser la jeune femme, il était cette fois attentif à ce qu’elle pouvait partager d’elle si bien que la démarcation devenait plus floue sans qu’il n’en prenne conscience. Il ne lui répondait pas par simple politesse, mais il était véritablement poussé par une sincère curiosité à son égard, il n’envisageait pas un seul instant à la réduire à son rôle dans l’administration : s’il la croisait ailleurs, pour sûr qu’il irait la voir pour lui demander de ses nouvelles. « Vous en avez du courage » murmura-t-il pour lui-même en croisant les bras, commençant à réfléchir à ce qu’elle venait de lui dire. Si elle envisageait de passer les examens pour passer directement en quatrième année, il réalisait que les chances pour qu’ils se retrouvent ensemble la même année était plus forte et qu’ils risquaient de se revoir sans qu’il ait à trouver de prétexte pour retourner dans ces locaux. Mais parce que tout allait trop vite, il n’eut pas le temps de poursuivre sa pensée. « Ça me va parfaitement alors, je testerai les deux et si jamais j’ai un changement de cœur, je viendrai vous en aviser alors », le compromis lui allait parfaitement car il était incapable de choisir à l’heure qu’il est sans éprouver par la suite un certain regret. Autant, il était certain qu’il ne pouvait qu’apprécier de reprendre le basketball, autant il se disait qu’il aurait pu tester le basketball en dépit du coach. Plongé dans ses pensées, il ne remarque le regard qu’après coup, et plutôt que détourné le sien, il la fixe, interrogatif. « Ah ! », il se décale non pas en faisant un pas sur le côté pour laisser la voie libre, mais en retournant là où il était supposé être. Pour autant, il a toujours le regard vide, ou du moins, les mots tantôt prononcés par Jinhee-shi continue à le travailler.

« Je ne sais pas si c’est incongru de ma part, mais si jamais vous voulez de l’aide pour préparer les épreuves… N’hésitez pas et puis, ça me fera réviser aussi » proposa-t-il spontanément, se demandant s’il devait avancer plus d’arguments comme les moyennes qu’il avait obtenu (même s’il n’avait pas le chiffre exact en tête), ou qu’il avait l’habitude de prêter assistance aux professeurs. Pour le coup, il était embarrassé car il ne savait pas si sa proposition était pertinente ou non.

( tenue ) L'invitant à se décaler puis à prendre position devant un mur dénué de tons colorés, je peux alors récupérer le téléphone. Une application est installée sur celui-ci afin de prendre les plus beaux clichés des nouveaux étudiants, ou de ceux qui se sont absentés un peu trop longtemps. Une fois l'objet en main, j'imite le jeune homme et me lève à mon tour. Je lance le chargement de l'outil et programme le nécessaire pour transmettre le cliché sur l'ordinateur dés que ce photoshoot improvisé sera terminé. Toutefois, la séance connaît un léger retard quand Daeul prend la parole. Sa proposition m'étonne, et pendant quelques secondes, je me demande si je n'avais pas exprimé ma volonté à demi-mots. Si cette idée m'avait traversé l'esprit, je n'avais pas osé poser la question. Il vient tout juste de revenir de son service militaire, il aura déjà beaucoup de choses à organiser dans sa vie. Il n'est donc pas forcément le mieux placé pour me donner un coup de main, si ? En attendant, je doute que ça se bouscule vraiment aux portillons. Les autres étudiants de ma potentielle future promotion ne voudront pas répondre à la positive. L'égoïsme et la concurrence sont au coeur des problématiques des universités coréennes. " Oh. " Je me contente de lâcher ce son, prenant une mine réfléchie.. " C'est vraiment gentil de vous proposer.  Vous me prenez un peu de court. Je ne saurais pas comment décliner votre proposition... Sauf que je ne voudrais pas vous déranger. Vous avez sûrement maintes choses à faire. " J'échappe un rire. " C'est vrai que nous avons tous les deux besoin de ressortir nos bouquins.. " Je réfléchis clairement à haute voix, c'est presque gênant. " Après... Honnêtement, je ne comptais pas m'offrir les services de quelqu'un... " La dernière collection de Chanel m'attend !

( tenue ) Se plaçant devant le mur indiqué presque mécaniquement, tel un bon soldat obéissant aux ordres de son supérieur hiérarchique, il avait toutefois l’esprit ailleurs. Plongé dans ses pensées, son regard ne s’illumina qu’une fois la proposition faite. C’était une sorte de don qu’il avait, frapper là où on l’attend de moins. S’il pouvait se montrer déroutant, il n’en était pas moins sérieux et ce, quand bien même cette offre directe, spontanée, pouvait paraître absurde tant elle sortait de nulle part. Rien ne l’y obligeait, il ne faisait exprimer ce qu’il ressentait tout simplement. Patientant le regard pleins d’attentes, comme un enfant attendant que la boulangère lui tende la friandise demandée, si son expression s’éclaira davantage par le petit « oh », il s’assombrit toutefois en entendant le reste. Il avait cette petite mine abattue, loin d’être boudeur ou rancunier, juste déçu que sa proposition ait rencontré un échec. Mais il ne s’avoua pas vaincu pour autant, la réponse de Jinhee n’était pas un rejet catégorique. Tout n’était pas perdu – même s’il n’y perdait rien techniquement. « Si vous ne savez pas comment décliner ma proposition, ne la déclinez pas tout simplement. Si cela me dérangeait, je ne me serais pas proposé » répondit-il en passant sa main sur sa nuque, retrouvant par la même occasion son air taquin. Il se doutait bien que sa proposition devait la prendre de court, car s’il avait été à sa place, sa réaction aurait été la même.
« Et puis, nous sommes gagnant-gagnant, je vous aide à vous préparer et en même temps je révise. Si c’est l’argent qui vous inquiète ne vous en faites pas… je ne compte pas me faire payer pour ce genre de service, après tout, je ne suis qu’un hoobae qui aide sa sunbae, ou bien un étudiant qui aide une autre étudiante ! ». Pour autant, un doute le traversa, s’il avait de l’avance sur elle au niveau des études, les rôles étaient par conséquent eux-aussi inversés ? « Ou alors, je deviens le sunbae, et vous… la hoobae ? »