Bae le fixait, légèrement tremblante. Elle serrait les dents autant qu’elle serrait son poing. On lui répétait souvent qu’elle était trop gentille, qu’elle faisait confiance bien trop facilement. Ce n’était pas non plus qu’elle avait une confiance aveugle en Nam Kyung, mais elle le trouvait assez avenant et gentil garçon pour ne pas avoir à se méfier. Ca l’épuisait de se méfier, de rester sur le qui-vive. Elle voulait juste que les choses se passent … normalement pour une fois, et elle avait cru trouver un semblant d’équilibre avec lui. C’est vrai, on ne pouvait pas dire que c’était un ami ni … enfin il était un tout et rien à la fois Nam Kyung, une connaissance que Bae appréciait, un jeune qui avait juste besoin d’un point de chute parfois et c’est là tout ce qu’elle lui avait offert. Elle ne savait pas ce qu’elle préférait. Les amours fantasques d’un adolescent avec toutes les envies qui les accompagnent ou être la muse d’un jeune étudiant un peu paumé, un peu seul. Elle ne savait pas ce qui la dérangeait le plus dans le fond. Ce n’était que des croquis après tout, mais pour l’avoir ainsi si bien dessiné, et de si nombreuses fois, c’est qu’il avait passé du temps à l’observer, à retenir les traits de son visage et jamais elle n’avait senti sur elle son regard pesant ou observateur. Finalement c’était sûrement ça qui lui faisait le plus peur. D’avoir été l’objet de ses pensées sans même qu’elle ne s’en soit rendu compte. Troublée et troublant elle déglutit en serrant son tablier d’une main. Les explications cafouilleuses lancées par le jeune homme étaient bien loin de la convaincre. « Alors au lieu de me dire ce que ce n’est pas dit moi ce que c’est ! » sa voix couinant et elle déglutit à nouveau. Elle posa son regard noirci sur le carnet et ajouta « J’aurais peut-être pas du regarder et pour ça je m’en excuse … mais ce n’est pas une raison pour … enfin tu … pourquoi ?! » C’était tout ce qu’elle voulait savoir Bae. Parce qu’elle ne comprenait pas pourquoi il avait eu envie de la dessiner elle. Le plus souvent épuisé par ses horaires décalés et les nuits agités qu’elle passait, elle n’avait rien d’une beauté, son visage était simple, un peu plus fin que la normale, pas franchement symétrique à lui conférer une beauté de miss. Elle préférait se faire discrète Bae pourtant on la remarquait souvent au Kurss, comme si malgré elle, elle dénotait de l’endroit. Trop souriante, trop brillante, trop douce … Elle se recule et fini par croiser les bras comme pour lui montrer qu’elle attendait une explication qui saurait la satisfaire et pas quelques bouts de phrases qui ne sauraient expliquer réellement pourquoi agir ainsi. Son regard le sonde, elle ne peut pas s’être trompée autant sur son compte. Elle devient parano Bae, se demande même si ce n’était pas dans un but malveillant qu’il a agi ainsi pourtant son instinct lui dit qu’il doit y avoir une explication. Ce n’est pas possible autrement. Elle pince ses lèvres à nouveau et ancre son regard noisette vivant d’une flamme remplie d’assurance, à celui du garçon. Dit moi la vérité Nam Kyung. Lui criait son regard, comme si dans le fond elle savait quand il mentirait, peut-être qu’elle s’était simplement convaincue et que la vérité serait trop désagréable à entendre. 

CODES © LITTLE WOLF.

Franchement… Pourquoi a-t-il fallu que j’aille me fourrer dans cette galère ? J’aurais pu faire comme tout le monde ! Trouver un travail. Gagner mon argent légalement… Et prier pour obtenir une somme assez conséquente, en un temps record, afin de pouvoir payer les frais d’hospitalisation de ma mère. Mais non ! Il a fallu que j’accepte ce contrat… Ce putain de contrat qui veut que je me fasse passer pour le petit frère d’une nana que je ne connais que depuis quelques semaines à peine, tout ça dans le but de lui soutirer des informations concernant un certain Kwon Shin que je ne connais pas non plus. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir lui dire, moi, maintenant ? « Désolé mais si j’te dessine autant c’est parce qu’en fait t’es ma grande sœur ! » ? C’est tellement con comme excuse… Mais, en y réfléchissant bien, c’est peut-être la seule que je pourrais lui pondre pour lui expliquer pourquoi elle se retrouve autant de fois dans mon carnet à dessins. Parce que je n’en vois pas d’autres... Tout du moins pas d’autres suffisamment convaincantes et, très franchement, je n’ai pas envie qu’elle pense de moi que je suis l’un de ces pervers bizarres qui la suit partout. Pourtant, quand une nouvelle fois elle me demande pourquoi, la seule chose que je parviens à laisser échapper, c’est un « Je… » presque inaudible. Croisant ensuite son regard, j’y décèle de la colère mais aussi de la peur, malgré l’air assuré qu’elle tente de prendre, ce qui me fait légèrement baisser la tête. « Je suis désolé, Bo Bae… Je n’voulais pas t’effrayer… » Ce n’était absolument pas mon but. En fait, pour tout dire, il n’y en avait même pas à la base… Tout ce que je voulais faire c’était dessiner. Et toutes ces fois où je l’ai prise pour modèle, je l’ai fait parce qu’elle m’inspirait sur le moment. Parce qu’il y avait quelque chose d’intéressant chez elle. Point final. Mais, je l’avoue… Je n’aurais pas dû. Ça m’aurait évité de me retrouver dans une telle situation... D’ailleurs forcé de relever la tête vers la jeune femme, quelque peu gêné par le silence qui finit par s’installer dans la salle, je suis une nouvelle fois confronté à ce regard plein de reproches qu’elle me lance. « Si ça te dérange trop, je peux les jeter… » Je sais. Je tourne autour du pot. J’essaye de gagner du temps. Mais j’sais pas trop comment lui dire que j’suis son frère. Enfin, son faux frère… J’étais pas censé lui dire maintenant, d’ailleurs. J’suis pas encore prêt pour ça. Et je ne pense pas qu’elle soit prête à entendre une telle nouvelle, elle aussi. Mais si je le fais pas tout de suite, je risque de mettre en péril tout mon plan. Parce qu’elle ne me fera plus confiance et se méfiera de moi, après ça… Ca s’trouve, elle voudra même plus que je mette les pieds au Kurss et là j’pourrais dire adieu au seul moyen de me rapprocher d’elle. « Je suis vraiment désolé, Noona. J’pensais pas que tu le prendrais aussi mal… » En fait, j’ai pas vraiment pensé pour le coup. Je ne me suis même imaginé une seule seconde qu’elle puisse voir ces dessins un jour, pour être honnête… « J’ai jamais eu l’intention de te nuire, j’te l’jure… » Du moins, pas lorsque j’ai fait ces dessins… « Je voulais seulement… » Je resserre légèrement ma prise sur mon cahier et ravale avec difficulté ma salive... Franchement, quand j’ai accepté ce contrat, je ne pensais pas que ce serait si dur de mentir, sans déconner... D’ailleurs, ils font comment les gens qui mentent comme ils respirent ? Aish… Laissant échapper un faible soupir à cette pensée, je décide finalement de prendre mon courage à deux mains et relève de nouveau la tête pour croiser le regard de la jeune femme, un air que je tente de rendre assuré sur le visage. « Je sais que tu attends de moi la vérité alors je vais t’la dire... » Vraiment ? « Mais crois moi Noona, mon but n'était vraiment pas de te faire du mal... C'est juste que... Tu vas sûrement trouver ça idiot mais j'avais besoin de te dessiner... » C'est pas totalement faux, faut le dire. Après tout, au risque de me répéter, si elle se retrouve autant de fois dans ce carnet, c'est bien parce qu'elle possède ce petit quelque chose qui m'a attiré, inspiré... « Ce carnet est ce que j'ai de plus précieux au monde parce qu'il contient bon nombre de portraits que je dessine depuis plusieurs années. Des portraits de personnes à qui je tiens beaucoup... » Pas faux non plus. On y trouve d’ailleurs des portraits d'anciens camarades de mon orphelinat à l'intérieur, ainsi que des portraits de ma meilleure amie… Mais aussi et surtout un portrait inachevé de mon père que j’étais parvenu à faire avec le peu de souvenirs que j'avais de lui. Par contre, bizarrement (ou pas), la seule qui n'y figure pas, c'est ma mère... Faut dire que je n'ai pas forcément beaucoup de souvenirs d'elle non plus... En fait, je ne sais même plus à quoi elle ressemble. Le jour où elle m'a abandonné, je crois que mon cerveau a comme volontairement effacé son image de ma tête. Ou, en tout cas, il l'a enfoui très profondément dans les tréfonds de ma masse neuronale. Mais passons... « Alors je sais ce que tu dois te dire... Tu te demandes sûrement pourquoi alors qu'on ne se connait que depuis peu mais... » Hey, franchement, niveau mensonge je m'en sors pas trop mal quand même ! « Je ne savais pas trop comment te le dire... À vrai dire, je crois qu'au fond de moi j'espérais que tu tombes sur ces croquis pour y être forcé... Et puis, j'avais un peu peur, aussi. Peur que tu ne veuilles pas de moi dans ta vie... » Alors que je m’accorde une courte pause, guettant ses réactions, je sais qu'il n'est plus possible de faire marche arrière à présent. Un court silence s'installe pourtant de nouveau mais je finis cependant par le briser, laissant échapper dans un murmure presque inaudible : « Je suis ton petit frère, Bo Bae… » Voilà, c’est dit…