La douleur lui envoie un éclair fulgurant au visage, alors que son corps s'échoue contre le sol. Un gémissement, c'est tout ce qui lui échappe. Pas même de cri ; une simple complainte incontrôlée. Parce qu'il a l'habitude, maintenant, Kangmin. Ce qui constitue une triste réalisation. Sa main couvre l'endroit où le poing s'est abattu, pendant que des paroles incompréhensibles lui parviennent à travers le grésillement qui a brièvement envahi ses oreilles. C'est l'odeur écoeurante de l'alcool qui remplit ses narines et lui donne envie de vomir. Ses doigts, lorsqu'ils reviennent dans son champ de vision, sont tâchés de sang. Sa lèvre est fendue. Les yeux se lèvent vers la silhouette chancelante de son géniteur et dans son regard n'est perceptible qu'une certaine colère. Il aurait pu pleurer, mais se sentir pitoyable est largement suffisant. Non, il a appris à ne pas verser de larmes. Il fait partie de ceux qui les considèrent comme une faiblesse et ne s'y autorise donc jamais. Pas même lorsqu'il est seul. Alors c'est la colère qui le submerge, parce que Kangmin, bien qu'il dit détester son père, il y a toujours quelque chose qui le rattache à lui. Cet espoir ternit de pouvoir un jour se rapprocher de lui. Par-dessus tout, ce qu'il n'accepte pas du tout, c'est qu'une part de lui ne peut s'empêcher de l'aimer malgré les coups et les mots rudes. C'est probablement ce pour quoi il se déteste le plus. Car oui, l'adolescent a perdu toute estime personnelle depuis que son paternel a commencé à lever la main sur lui.


C'était la première fois qu'il n'allait pas à l'école pendant des jours, le temps que sa blessure au visage guérisse. Comment aurait-il pu justifier ça? C'est d'une évidence effarante que l'ecchymose vient d'un coup et si Kangmin est assez sanguin, il n'est pas connu pour se battre. Alors deviner d'où est-ce que ça vient devient horriblement facile. C'est la première fois que son père laisse une marque sur son visage. Ailleurs sur son corps, il arrive à camoufler les emplacements violacés, mais pas sur son visage. Pas d'autres choix que de rester dans cet environnement toxique, à faire ce qu'il fait d'habitude ; les tâches ménagères et les repas. Ramasser les bouteilles vides de son paternel et le regarder mourir à petit feu. Il l'a déjà surpris à pleurer et n'a pas su quoi faire d'autre que fuir à cause du sentiment d'inconfort occasionné. Mais ce sont ces moments qui le tiennent accrochés à ce paternel exécrable. Du moins, jusqu'à la fin du lycée. Kangmin pensait bêtement que personne ne viendrait et pourtant, elle est venue. Ruby. Pour quoi? Lui donner des notes sur les cours qu'il a raté. Mais quand il l'a vu, dans l'encadrement de la porte, il s'est d'abord arrêté de fonctionner avant de traverser la pièce à vive allure pour entourer sans douceur son poignet et la guider plus loin. Il aurait vraiment aimé qu'elle ne soit pas témoin de ça. Maintenant, il doit l'aider avec ses cours.


Il a beaucoup d'amis, mais très peu de qui il est vraiment proche. Personne ne connait ce qu'il traverse tous les jours. Cette peur horrible de se retrouver seul. Que tous ceux qui l'entourent décident de l'abandonner s'ils savaient pour son père. Alors, Kangmin fait semblant et malgré tout, il a réussi à s'entourer de deux autres garçons qu'il peut considérer comme ses meilleurs amis. Il ne leur dit pas tout, mais il fait tout avec eux. Autant dire qu'ils le traînent un peu partout à leur suite, en vérité. Pourtant, le garçon, même s'il rechigne à chaque fois, apprécie leur compagnie chaotique.


Le taekwondo. Art martial qu'il pratique depuis plusieurs années, déjà. À l'insu de son père. Enfin, pas totalement, puisque ce dernier l'a déjà surpris en train de voler ses billets pour payer les leçons. Ce qui lui a évidemment valu un coup ou deux. Et une engueulade. Ça ne l'a pourtant pas freiné dans cette petite habitude malsaine. Dès qu'il a pu, il a recommencé à subtiliser son argent, il a simplement appris à être plus prudent lorsqu'il le fait. Malgré son talent inné pour le taekwondo, Kangmin ne s'est jamais défendu face à son géniteur. Cela ferait certainement germer les questions autour de lui, si on savait. C'est simplement qu'une part de lui comprend. Il comprend la détresse de cet homme. Il ne sait pas comment ni pourquoi sa mère les a abandonné, mais ça n'a pas dû être tout rose pour lui. Il ne peut s'empêcher de se dire que si elle avait encore été là, il aurait été un bon père pour lui. C'est simplement la tristesse noyée dans la boisson qui le fait agir ainsi. C'est ce qui fait que Kangmin ne déteste pas totalement son paternel. Et il s'en veut, pour ça. Comment peut-il aimer cette personne qui lui fait mal tous les jours ou presque? Comment peut-il l'aimer et le détester, à la fois? Comment peut-il aimer son père, mais ne pas s'aimer lui-même du tout?


Kangmin possède quelques petits tatouages, dont un porc-épic sur la cheville. L'animal étant son préféré, il n'a pas su résister à l'idée de le faire encrer sur sa peau. Il ne constitue toutefois pas son premier tatouage. Non, le premier, il l'a fait en présence de ses deux meilleurs amis ; trio inséparrable. Chacun s'est fait dessiner un dinosaure sur sa peau. Kangmin a choisi une façade de l'un de ses doigts. Signe de leur amitié indéfectible. Ses oreilles sont percées, mais toujours simplement ornées du même bijou.