— l'atmosphère a toujours été particulière à la maison. ton père dictait les règles, vous suiviez et ta mère... ta mère était juste là. elle s'occupait de vous, oui mais parce qu'elle n'avait pas le choix. pas parce qu'elle le voulait. tu te souviens surtout de moments passés avec ton père, ta mère n'étant qu'une ombre qui dansait, plus qu'une réelle présence à tes côtés. et pourtant tu l'aimais ta mère. et pourtant tu la cherchais ta mère. les pupilles la cherchant toujours à chaque fois que tu rentrais à la maison tu n'avais qu'une hâte : la retrouver et lui raconter ta journée. gamin ridicule que tu devais être face à cette femme qui ne te donnait pas l'attention voulue. mais derrière qui tu continuais de marcher pour espérer la rattraper.

— vous n'étiez pas la famille parfaite, t'en avais bien conscience. mais tu supposais que chaque famille avait ses défauts. vos défauts ? le manque de communication, peut-être. le manque de tendresse, de mots doux, de mots réconfortants. le manque de gestes d'affection. un manque général qui ne faisait que grandir au fil du temps. un manque qui te faisait te poser des questions ; devais-tu te battre pour obtenir tout ceci ? devais-tu mériter tout ceci ? si c'était le cas, cela voulait-il dire que jusqu'à présent, tu ne méritais rien ?

— tu savais que vous n'étiez pas parfaits ; pourtant le divorce de tes parents t'a perturbé. tu ne voyais pas tes parents agir comme les autres. comme ceux de tes ami.e.s ou ceux que tu voyais dans les films — mais c'était normal, après tout, vous n'étiez pas une famille comme les autres. ça avait été compliqué ; de voir ta mère préparer ses affaires, de la voir sourire comme elle n'avait jamais souri, de l'entendre te dire qu'elle allait être heureuse maintenant. la meilleure décision de sa vie : divorcer, partir, vivre sa vie. ça avait été difficile de voir ta mère partir, de te tourner le dos, de la voir rire alors que tu la suppliais de rester. parce que c'était ta mère et que tu l'aimais. mais elle, elle n'aimait pas sa vie ici. elle rêvait d'un ailleurs loin de toi, loin de vous. ta mère était partie sans se retourner, regard en arrière. elle était partie pour se retrouver, retrouver sa vie, alors que toi, tu te perdais.

— si le divorce avait été difficile à accepter, les changements suivants le furent encore plus. le déménagement, en premier lieu. changement radical et difficile à accepter pour l’adolescent que tu étais. tu avais toujours trouvé du repos et du réconfort près de la mer ; et tu devais la laisser. te séparer d’elle était aussi dur que te séparer du reste, de tes ami.e.s, de tes habitudes, de ton école. mais t’avais pas le choix, pas ton mot à dire. c’était ton père qui décidait. vous avez délaissé votre grande maison pour un appartement. espace plus restreint, liberté de penser moins grande ; tu suffoquais. mais t’avais pas le choix. tu pouvais pas attendre que l’appartement et le ville s’adaptent à toi, tu devais t’adapter à eux (plus facile à dire qu’à faire). changer de ville voulait dire changer d’école. un chapitre perturbant, et douloureux dans un certain aspect. tu te rappelais ton ancienne classe, tes ancien.ne.s camarades — et t’étais juste perdu dans cette salle trop grande. alors t’étais resté discret et en retrait. car en plus de ça, ton frère n’était pas avec toi. vous avez été séparés par manque de place ; heureusement, tu le retrouvais au moment du repas. les petits nouveaux que vous étiez, débarquant au milieu de l’année, étaient devenus des bêtes de foire. des jumeaux, en plus de ça, ça intriguait. t’étais pas ravi d’attirer les regards et les questions de cette façon.

— tu as toujours essayé d'être un gamin compréhensif. tu as accepté le divorce ; disons plutôt que t'as pas eu le choix. tu as longtemps pleuré en silence le départ de ta mère, cette femme dont tu espérais obtenir l'amour un jour. elle n'était plus là désormais et ce manque qu'elle avait créé, ce manque qu'elle avait fabriqué, ce manque qu'elle avait instauré ne pourra être jamais comblé. tu as toujours essayé d'être un gamin compréhensif, et quand ton père a parlé du déménagement, tu as simplement accepté ; t'as pas trop eu le choix, là encore. mais si ton père disait que c'était plus simple ainsi... tu voulais le croire. changer de ville, changer d’école a été dur à accepter. tu as toujours essayé d'être un gamin compréhensif ; mais ta mère a-t-elle essayé de te comprendre ? ton père a-t-il essayé de prendre tes sentiments en compte ? parler aurait-il changé quelque chose ? le seul qui te comprenait, c'était ton frère. mais les plaintes qui plombaient ton sourire ou les craintes qui hantaient tes nuits restaient muettes au petit matin ; impensable pour toi de voir tes soucis, tes craintes et tes questions peser trop lourd sur les épaules de ton frère. (t'es l'aîné, t'as des responsabilités quand même).

— ton père n'était pas un mauvais père ; juste maladroit. inexpérimenté. peut-être était-il devenu père trop tôt ; il n'était pas méchant, juste très sévère. l'organisation était la clé de son éducation. tout devait être droit, carré, rangé. il n'était pas un homme méchant juste maladroit, et peut-être pudique par rapport à ses sentiments. il avait des remarques poignantes aux contours sourds qui sonnaient comme une claque sur ta joue. il était et est toujours autoritaire ; maître de maison c'est à lui que revient la décision (et vous n'aviez pas le droit de contester). il avait des demandes, des mots parfois blessants. de l'affection de sa part ? jamais. jamais un mot doux, un mot tendre. jamais un câlin, une accolade. il n'était pas mauvais, ton père — sa manière de vous éduquer l'était, elle.

— la communication et l'affection n'ont jamais été au centre de votre famille. ton père souhaitait que tout soit fait comme il le voulait. tout devait être impeccable, droit, rangé. des directives simples mais lourdes et épuisantes au fil des années. des directives que tu suivais, bêtement, en espérant gagner sa tendresse. comme si tu devais la mériter, tu te battais pour l'avoir, effectuant tes corvées sans qu'il ne le demande. ton ombre s'amusait du gamin naïf que tu avais été, et que tu étais toujours un peu : celui qui courait après un père qui n'aura que l'autorité aux lèvres (et jamais l'amour ou la tendresse). pourtant, tu le sais, il ne vous souhaite que le meilleur mais il ne sait pas comment le montrer.

— comme tout adolescent, tu as eu une période rebelle (relativement.. courte).
tu voyais les autres le faire en pensant que c'était la chose à faire. durant ces quelques jours, tu n'as pas fait ton lit après le réveil, tu n'as pas rangé tes affaires après avoir mangé, tu n'as pas sorti les poubelles alors que c'était ton tour et tu as dépassé le couvre-feu instauré par ton père de quatre minutes.
t'as pas continué parce que t'as remarqué que c'était pas quelque chose qui te ressemblait. t'étais pas à l'aise en agissant ainsi. tu craignais les remarques, les punitions, oui mais tu avais surtout peur de décevoir ton père. et encore plus de l'inquiéter en faisant n'importe quoi. t'es pas toujours d’accord avec le système, les choses mises en place, les lois, les règles... mais ça t'empêche pas de rester dans le moule, en quelque sorte. tu fais pas de vagues, tu fais ta vie, c'est tout. t'es loin d'être un sage : t'es pas parfait, tu fais des bêtises et tu en feras encore. t'es le genre à dire que s'il y a des règles, c'est pour une raison. malheureusement, sans règles, rien ne va — rien ne va avec, pourtant, tu le sais bien aussi. tu les suis. pas toutes, évidemment. t'es pas un saint. mais t'as jamais volé ou manqué l'école volontairement. t'es jamais arrivé en retard non plus. t'as jamais fumé, ni bu encore moins pris de la drogue. on te dit parfois que "t'es pas drôle" mais tu t'en fiches. parce que faire tout ça, c'est pas toi.

— c'est pour ça que t'en as conclu que tu serais probablement le seul à sortir vivant d'un film d'horreur. s'il y a écrit "ne pas entrer" sur une porte, c'est simple, t'entres pas. l'inscription est pas là pour les mouches. s'il y a écrit "ne pas lire à haute voix" en première page d'un livre, c'est simple tu lis pas à haute voix — même mieux, tu lis pas du tout. toi ? froussard ? ... oui.

— tu aimes porter des casquettes et des bonnets. tu aimes les jeux de société (scrabble, rummikub, monopoly, pictionary). tu adores le sport et t'en as déjà testé plusieurs. tu fais parti du club d'athlétisme mais tu pratiques aussi la natation et le football. il t'arrive de participer à des courses caritatives. tu essaies de faire des dons quand tu le peux. tu aimes les lego et les puzzle. tu trouves les sudoku amusants. tu aimes te balader sous la pluie.

— t'aimes pas la nourriture trop salée. les bruits de mastication t'insupportent. t'aimes pas les gens qui parlent trop fort. t'aimes pas quand il fait trop chaud. t'aimes pas quand tes affaires sont mal rangées. t'aimes pas non plus quand on fouille dans tes affaires (si tu donnes l'autorisation, c'est différent). tu détestes téléphoner ; tu préfères passer par les sms ou les mails.

— niveau cinéma, t'es pas bien difficile (t'aimes pas les films d'horreur mais tu apprécies tout le reste). pour la musique c'est pareil : tu avais une passion pour la country il y a quelques années, puis pour le jazz. des genres que tu apprécies toujours écouter à l'heure actuelle. dans ta playlist on retrouve donc de tout ; SHINee, fromis_9, Taylor Swift, Sabrina Carpenter, Bruno Mars, Colde, Skillet, Blackpink ...

— il t'arrive d'endosser le rôle de caissier à la place de ton frère (tout comme il lui arrive d'être serveur, aussi). il vous est arrivé de prendre la place de l'autre ; mais ça arrive que lors de cas exceptionnels (et pas juste parce que vous avez pas envie de bosser, par exemple). t'as peur des représailles ou d'être découvert donc la raison doit être bonne.
il t'arrive aussi d'accompagner ton frère dans ses vidéos. la danse est un sport, et plus que ça, c'est un art. une discipline que tu apprécies autant que les autres et pour laquelle tu t'entraînes dès que tu le peux. t'es pas aussi doué que ton frère mais tu te débrouilles.

— tu voudrais devenir professeur de mathématiques plus tard. tu voudrais te faire tatouer (mais tu sais pas si ton père sera d'accord). tu voudrais voyager. tu aimerais apprendre à faire du ski.
tu voudrais revoir ta mère.